PERTURBATEURS ENDOCRINIENS

Publié par Résistance verte

 

Une menace généralisée

LES PERTURBATEURS ENDOCRINIENS, QU’EST-CE QUE C’EST ?

Un Perturbateur Endocrinien (ou PE) est une substance chimique étrangère à l’organisme qui perturbe le système hormonal.

Notre système hormonal est fragile, il gère une cinquantaine d’hormones, véritables messagers chimiques, indispensables au développe- ment et au bon fonctionnement du corps. Du fait de la ressemblance, par la forme ou par l’action, avec les hormones naturelles, les perturbateurs endocriniens peuvent altérer les taux d’hormones dans le sang, les limiter, les bloquer ou modifier la quantité d’hormones envoyée aux organes.

LES MÉCANISMES D’ACTION DES PERTURBATEURS ENDOCRINIENS

LA PÉRIODE, PAS LA DOSE

La toxicologie est longtemps restée sur le principe : “C’est la dose qui fait le poison”. Dans le cas des PE, ce principe explose. Une très faible dose peut agir comme une clef pour intervenir sur le fonctionnement hormonal. L’effet n’est pas proportionnel à la quantité. Ils peuvent être actifs même aux faibles doses auxquelles nous sommes exposés via l’environnement et l’alimentation.

Le perturbateur endocrinien agit particulièrement dans une “fenêtre” de temps spécifique : Premier exemple : une femme enceinte est exposée aux pesticides (cueillette sous serre ou épandage aérien des pesticides dans le voisinage) pendant la période fœtale de différenciation des sexes ; la molécule interviendra en perturbant le développement de l’enfant.

Deuxième exemple : de 1950 à 1977, le médicament Distilbène qui a été administré à 200 000 futures mères entre la 6e et la 17e semaine de grossesse, a entraîné massivement des malformations des enfants.

La régulation hormonale joue un rôle crucial dans le développement du fœtus, très vulnérable. Les impacts sur le fœtus, le nourrisson ou l’enfant en croissance peuvent s’avérer irréversibles.

L’EFFET COCKTAIL

Différentes expériences montrent que les effets de plusieurs produits chimiques se com- binent et dépassent l’addition des effets produits individuellement. Des PE présents dans le corps à des doses inoffensives, prises séparé- ment, peuvent devenir très toxiques lorsqu’ils sont mélangés.

C’est ainsi que, dans le cas des pesticides, le mélange final qui comprend des adjuvants (liants, etc.) peut être plus dangereux que la molécule pesticide elle-même.

EFFETS TRANSGÉNÉRATIONNELS

Sur des souris, on a retrouvé des troubles du comportement de la reproduction jusqu’à la quatrième génération alors que seule la première génération avait été exposée aux PE.

La recherche scientifique montre que les PE sont probablement l’une des clefs d’explication de : – la croissance sans précédent des maladies chroniques, – la baisse de la fertilité, – l’augmentation de l’obésité et du diabète, – l’augmentation des cas de puberté précoce.

Actuellement, plus de 800 substances PE ont été recensées, alors même que la recherche systématique ne fait que commencer, timide- ment, sur l’ensemble des produits chimiques.

La daphnie, ou puce d’eau, est utilisée large- ment à des fins de test et ne subit pas d’effets lors d’une exposition à un PE particulier, mais en subit dès lors qu’elle est exposée à un cocktail de 3 PE différents.

QUI SONT-ILS ? QUE FONT-ILS ?

LES PARABÈNES

De par leur activité antibactérienne et anti- mycosique, ce sont des conservateurs très utilisés (dans les médicaments, les boissons ou les aliments, dans plus de 80 % des produits cosmétiques à ce jour, dans un certain nombre de couches et lingettes bébés). Les parabènes, appliqués sur la peau, peuvent pénétrer dans le corps, perturber le fonctionnement des hormones (œstrogènes/androgènes, thyroïdiennes) et sont susceptibles de provoquer des atteintes à la fertilité et à l’activité métabolique.

LES PERFLUORÉS (PFC)

Ils sont très utilisés dans les revêtements anti-taches et hydrofuges, les moquettes, canapés, textiles et vêtements imperméables et “ respirants ”. Ils sont aussi présents, en alimentaire, dans les emballages de fast-food, la vaisselle papier jetable, les revêtements anti-adhésifs des poêles et ustensiles de cuisine. Les perfluorés (PFC), polluants omniprésents dans l’environnement, pouvant persister dans notre organisme durant des années, sont associés aux troubles de la reproduction, aux troubles comportementaux, à l’obésité, à la perte de défenses immunitaires.

LE BISPHENOL A

Présent dans les revêtements des boîtes de conserves, des canettes, des cuves agroalimentaires, des canalisations d’eau ou comme révélateur dans les papiers à im- pression thermique (tickets de caisses), il est interdit en Europe dans les biberons depuis 2011 et, en France, dans les contenants alimentaires depuis janvier 2015. Le bisphénol A (BPA) est associé à des tumeurs mammaires, au diabète de type II, à des troubles cardiovasculaires, de la reproduction et à des problèmes comportementaux.

Composés chimiques de la famille des bisphénols, ils sont cancérogènes. Des études ont montré qu’ils sont des perturbateurs endocriniens encore plus puissants que le bisphénol A.

CERTAINS PESTICIDES

Certains pesticides (agriculture, espaces verts, jardins, maisons) peuvent avoir, en plus de leurs effets toxiques, des effets perturbateurs endocriniens. Ils sont associés à des troubles de la reproduction et du développement génital et aux cancers hormonaux-dépendants. La France en épand entre 60 000 et 100 000 tonnes par an depuis trente ans. Leurs résidus sont présents dans l’eau des rivières, les nappes phréatiques, l’air et l’eau de pluie. Ils sont présents dans les câbles électriques, les jouets, les emballages, les adhésifs, les cosmétiques (crème, vernis) et agents de fixation ou solvants de parfums, ou encore les poches de transfusion !

COMMENT LES ÉVITER ?

Individuellement, pour limiter notre exposition aux PE, nous pouvons prendre quelques précautions élémentaires dans différents domaines.

SUR LE PLAN DE L’ALIMENTATION

- privilégier les produits frais non transformés (légumes et fruits “ bio ” cultivés localement, à défaut peler ces derniers s’ils sont issus de l’agriculture conventionnelle tout en sachant que nous éliminons aussi une grande partie des vitamines !) ; – choisir de préférence les conditionnements en verre.

CONCERNANT LES PRODUITS DE BEAUTÉ ET LES PRODUITS POUR ENFANTS

– éviter le plus possible les produits cosmétiques et les lotions au cours de la grossesse et lors de l’allaitement ; – privilégier les biberons en verre ; – choisir si possible des jouets en bois d’origine européenne, ce qui offre en principe des garanties.

DANS LA MAISON - éviter dans la mesure du possible les ustensiles traités au téflon (poêles, récipients), les films en plastique en utilisant de préférence le verre, l’inox, le grès, la céramique, la fonte émaillée… - aérer, dépoussiérer régulièrement, éviter moquettes, textiles synthétiques, bois agglomérés, polystyrène…, - ne pas mettre d’appareils électroniques dans les chambres et bannir l’usage d’aérosols et parfums d’intérieur.

UNE RÈGLEMENTATION EUROPÉENNE DISPERSÉE

Il n’existe aucune réglementation relative aux perturbateurs endocriniens couvrant tous les produits. Plusieurs réglementations spécifiques interviennent.

On déplore le retard pris par les autorités européennes et internationales pour s’accorder sur une définition des PE. On sait que des lobbies puissants de l’industrie chimique ont intérêt à ce que la confusion règne. Ils freinent le mouvement par toute action de publications scientifiques partielles, ou orientées comme cela a été fait dans le dossier du tabac, de l’amiante et de certains pesticides.

La législation actuelle est éclatée entre une dizaine de Règlements et Directives concernant :

1. ARTICLES DE PUÉRICULTURE – Interdiction du bisphénol A dans les biberons en plastique depuis 2011 ; – Interdiction de certains phtalates dans les articles de puériculture et les jouets destinés aux enfants de moins de trois ans.

2. COSMÉTIQUES - Certains parabènes sont interdits, d’autres parabènes sont limités à 0,8% depuis octobre 2014 ; - Triclosan (antimicrobien limité à 0,3%).

3. MATÉRIAUX ET OBJETS EN MATIÈRE PLASTIQUE DESTINÉS À ÊTRE EN CONTACT AVEC LES DENRÉES ALIMENTAIRES - Restriction pour les phtalates ; - À noter que la France, seule, a interdit le bisphénol A dans les contenants alimentaires depuis janvier 2015 ; - Restriction pour les composés de l’étain.

4. BIOCIDES Les désinfectants, les produits de lutte contre les nuisibles, ceux protecteurs de la coque des bateaux, voire ceux destinés à l’embaumement ou la taxidermie font l’objet de textes ambigus : « ne peuvent être utilisés sauf si le risque est négligeable ou les conséquences négatives sur la société disproportionnées »…

5. PHYTOPHARMACEUTIQUES Ce sont les herbicides et autres pesticides utilisés en agriculture. Une substance n’est approuvée que si elle n’est pas considérée comme PE, sauf si le risque est « négligeable ». À savoir : les critères d’évaluation ne sont toujours pas adoptés.

6. SUBSTANCES DANGEREUSES Ce règlement concerne notamment les produits ménagers ou de bricolage : détergents, bombes insecticides, décapants, solvants. Les substances mutagènes ou susceptibles de provoquer des altérations génétiques héréditaires et celles toxiques pour la reproduction susceptibles d’altérer la fertilité ou de présenter un risque pour l’enfant pendant la grossesse sont réservées aux utilisateurs professionnels protégés par le code du travail.

7. ÉQUIPEMENTS ÉLECTRIQUES ET ÉLECTRONIQUES (Directive RoHS) – Limitation du cadmium à 0,01 % ; – Limitation du plomb, du mercure, du chrome hexavalent, du polybromo-biphényles (PBB), polybromobiphényléthers (PBDE) à 0,1 %.

8. SUBSTANCES CHIMIQUES Le Règlement européen REACH, plus transversal, classe entre autres 22 PE sur une liste Substitution Immédiate Nécessaire (SIN) comme substances hautement préoccupantes. Dans les faits, seuls certains PE font l’objet de restrictions dans les matières plastiques, peintures, jouets et articles de puériculture, détergents, jeux, farces et attrapes, pneumatiques, traitements des coques des navires.

9. DIRECTIVE CADRE SUR L’EAU (DCE) Elle définit une stratégie contre la pollution des eaux de surface (rivières, lacs, etc.) par des polluants chimiques. Elle définit 45 polluants prioritaires à surveiller dans les masses d’eau européennes. Le caractère PE pourrait devenir un critère important pour classifier les substances au sein de la liste.

Différence entre Directives européennes et Règlements européens. Une Directive européenne doit être transposée dans le droit de chaque État. Un Règlement européen est applicable directement à chaque État.

UN ENJEU ENVIRONNEMENTAL DE TAILLE

Les difficultés de classification des perturbateurs endocriniens mettent en évidence leur diversité et complexité. Les écosystèmes cibles de ces perturbations sont susceptibles de subir des effets dont on ne peut pas estimer les conséquences, l’impact ou l’intensité.

Le milieu principalement contaminé au vu des sources existantes, est évidemment le milieu aquatique. En effet, les autres milieux peuvent tous être considérés comme vecteurs de pollution vers les eaux. Un point également important est l’universalité de cette pollution. La présence de certains polluants tels que les PCB, ayant été retrouvés en Antarctique ou en Arctique, suffit à montrer la généralisation de cette contamination et cette capacité à persister et se déplacer dans l’environnement.

En plus des phénomènes d’expositions multiples déjà évoqués, d’autres processus liés à la biosphère de manière générale entrent en jeu. Il est possible de citer, pour illustrer ceux-ci, l’augmentation de la concentration des PE le long d’une chaîne alimentaire. Certains pesticides s’accumulent au fil de cette chaîne pour se concentrer dans les derniers maillons. Les carnivores et piscivores situés en bout de chaîne concentrent des doses de pesticides pouvant atteindre 10 000 fois celles des premiers maillons. L’être humain, en bout de chaîne, est donc le plus touché par l’exposition aux PE. Un exemple historique de perturbation endocrinienne suite à une contamination par un polluant organique concerne les reptiles, plus précisément les alligators du lac Apopka en Floride aux États-Unis. Ce lac a subi, dans les années 1990, une contamination accidentelle par des insecticides organochlorés (DDT en particulier). L’effet induit par ces insecticides sur la population d’alligators a été une réduction significative de la taille du pénis, empêchant toute reproduction et allant même jusqu’à conduire au déclin de la population.

AVIS POLITIQUES ET SCIENTIFIQUES

APPEL DE PARIS - MAI 2004 Considérant que l’exposition à certaines substances provoque une augmentation considérable du nombre de malformations congénitales, que la pollution chimique peut être une cause de stérilité pour les couples qui sont 15 % à être stériles en Europe, l’appel de Paris, signé par de nombreux scientifiques, demande le principe de substitution pour les Cancérigènes, Mutagènes, Reprotoxiques (CMR), la suppression ou la réduction drastique des produits chimiques en cause et cela de manière internationale.

RAPPORT DE L’OPECST (JUILLET 2011) IL DEMANDE L’ÉTIQUETAGE POUR INFORMER LES FEMMES ENCEINTES ET LES MÈRES L’Observatoire Parlementaire d’Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques (OPECST) préconise le principe de précaution vis-à-vis des molécules chimiques à effet perturbateurs endocriniens et leur étiquetage.

RAPPORT ANSES, SEPTEMBRE 2011 L’ANSES a mis en évidence les effets sanitaires du bisphénol A.

RAPPORT KORTENKAMP, FÉVRIER 2012 La commission européenne a commandé un rap- port au Pr Kortenkamp qui a conclu aux conséquences suivantes : malformations génitales chez les garçons, réduction de fertilité sur les dernières décennies, cancers hormono-dépendants (prostate, sein…), maladies métaboliques (obésité diabète). Le professeur suggère de faire une catégorie spécifique pour les perturbateurs endocriniens au même titre que les Cancérigènes, Mutagènes, Reprotoxiques (CMR). Il demande d’adapter la réglementation.

RAPPORT RES – MUTUALITÉ FRANÇAISE, MARS 2012 Suite à l’explosion mondiale de maladies métaboliques (diabète, obésité) un rapport de 2012 a conclu que la pollution chimique était un facteur explicatif complémentaire. Des substances inter- dites se retrouvent encore aujourd’hui dans l’environnement (comme le DDT) : des retardateurs de flamme polybromés, des perfluorés utilisés comme antiadhésifs (en voie d’interdiction) mais aussi des bisphénols, des phtalates et des pesticides comme l’atrazine et certains organosphosphorés qui ont la capacité d’interfèrer sur la régulation hormonale.

RAPPORT D’INFORMATION AU SÉNAT, NUMÉRO 42 – SÉANCE DU 10/10/2012 Des substances chimiques peuvent perturber le système hormonal à court terme, à long terme, voire sur la descendance. Demande d’encadre- ment sévère de ces produits, de mise en œuvre de protocole de recherche et d’étiquetage obligatoire.

ÉTUDE 2013 DE L’INSERM – La découverte des propriétés hormonales de plusieurs pesticides a notamment suscité des recherches sur les cancers dits « hormono-dépendants » ; – La part contributive de l’environnement chimique générée par l’activité humaine est une question d’actualité – les pesticides de l’environnement professionnel et domestique tiennent une place particulière dans la survenue de cancers ; – Des études ont mis en évidence un accroissement du risque de morts fœtales et de malformations congénitales chez les enfants des femmes travaillant en milieu agricole ou à l’entretien des jardins. Le risque de « fentes orales » et « hypospadias » chez l’enfant étant augmenté de 37 % et 36 % d’après deux méta-analyses récentes ; – Dans les pays industrialisés un couple sur sept consulte au cours de sa vie reproductive pour infécondité ;

ENQUÊTE EXPPERT 1 GÉNÉRATIONS FUTURES, MARS 2013 L’enquête EXPPERT 1 conclut à une exposition au quotidien : – par la consommation des céréales dont 75 % des échantillons analysés contiennent des résidus de pesticides (sans dépassement de limite autorisée LMR), – par des produits non alimentaires comme les insecticides ménagers qui contiennent pour les trois-quarts d’entre eux des perturbateurs endocriniens.

ALLIANCE POUR LA SANTÉ ET L’ENVIRONNEMENT /JULIE FERGUSON RAPPORT PUBLIC, 18/06/2014 - ARTICLE LE MONDE, 21/06/2014 Le coût de l’exposition aux perturbateurs endocriniens est évalué à 4 milliards d’euros pour le système de santé français et à 31 milliards d’euros au niveau européen. En effet, en France, les frais liés à l’infertilité, aux malformations de l’appareil génital des petits garçons, les cancers hormono- dépendants (testicules, prostate, sein), l’obésité et le diabète, les troubles autistiques et neuro-com- portementaux des enfants pèsent 82 milliards d’euros annuels sur un total de 243 milliards – les auteurs du rapport ont estimé d’après une étude récente à 1,8 % la part de l’obésité infantile due au bisphenol A, et ont fondé une hypothèse basse de la responsabilité de 5 % des troubles hormonaux en lien avec les perturbateurs endocriniens. De toute évidence ces hypothèses sont en sous-estimation et ne tiennent pas compte des coûts induits comme l’absence au travail.

60 MILLIONS DE CONSOMMATEURS, NOV. 2014 Triclosan et parabènes sont mis en cause. 95 % de femmes enceintes sont exposées à certains phénols des perturbateurs endocriniens qui pourraient interférer dans la croissance des garçons in utero et après la naissance selon l’INSERM. Les chercheurs pointent du doigt l’anti- bactérien triclosan et les parabènes.

CONCLUSIONS SUR LES PERTURBATEURS ENDOCRINIENS

ÉTANT DONNÉ

• la présence des PE dans notre environnement – air y compris (surtout l’air intérieur), eau, sols, alimentation – et dans de nombreux objets de la vie quotidienne, • les rapports internationaux alertant sur l’épidémie mondiale de maladies chroniques, du trouble de la fertilité et de malformations d’organes génitaux mais aussi les troubles du comportement et les troubles cognitifs, • les appels réitérés de la communauté scientifique à agir rapidement pour préserver l’environnement et la santé humaine et animale des atteintes des perturbateurs endocriniens, seuls ou en combinaison avec d’autres, • leur action pendant les fenêtres critiques du développement durant la période fœtale par exemple, • la charge élevée que les perturbateurs endocriniens font peser sur l’économie et la société à travers notamment l’assurance maladie,

LE CDAFAL DEMANDE AUX AUTORITÉS DE METTRE TOUT EN ŒUVRE

- pour réduire l’exposition des populations et en priorité celle des publics les plus vulnérables par leur âge : période prénatale, femmes enceintes, jeunes enfants, adolescents ; - pour prendre des mesures de retrait et/ou de substitution de certaines substances et des mesures de substitution vraiment efficaces pour l’environnement ; - pour développer la recherche et l’expertise sur les fenêtres critiques d’exposition, la latence des effets, les effets cocktails, les relations entre les doses et les effets non linéaires, les effets transgénérationnels ; - pour développer une politique d’exemplarité d’approvisionnement pour les services de l’État ; - pour rétablir ou créer des registres départementaux et régionaux relatifs aux maladies des glandes endocrines, aux cancers ainsi qu’aux malformations congénitales ; - pour mettre en place la traçabilité des produits incriminés tant dans les produits alimentaires, les cosmétiques, les produits d’hygiène, les pesticides que dans les objets de la vie courante. La pertinence d’un pictogramme et de « phases de risque » devra être étudiée ainsi que l’information ciblée vers les femmes en âge de procréer et les parents de jeunes enfants et d’adolescents ; - pour planifier une nouvelle étape de traitement dans les stations d’épuration afin de rendre inoffensifs tous les micro-polluants, dont les PE, grâce à des techniques d’oxydation à l’ozone ou au char- bon actif ou tout autre procédé efficace. - pour développer les alternatives aux pesticides : modes de culture, protections, recours aux Préparations Naturelles Peu Préoccupantes (purin d’orties et autres).

Le CDAFAL (Conseil Départemental des Associations Familiales Laïques de la Loire) http://www.cdafal42.org

PERTURBATEURS ENDOCRINIENS
PERTURBATEURS ENDOCRINIENS

LES PERTURBATEURS ENDOCRINIENS ALTÈRENT NOTRE FERTILITÉ

 

 

Shanna Swan, spécialiste étasunienne de santé environnementale, s’attaque à un sujet « dont on ne veut pas parler » : les liens entre pollution chimique et problèmes de fertilité. Les perturbateurs endocriniens, issus notamment des plastiques, altèrent profondément la santé reproductive des femmes, des hommes et de bien d’autres espèces.

Shanna H. Swan est professeure de médecine environnementale et de santé publique à l’école de médecine Mount Sinai de New York (États-Unis).

En 2017, une étude de l’équipe de Shanna H. Swan faisait le tour des médias : on y apprenait que le nombre moyen de spermatozoïdes chez les hommes occidentaux a diminué de plus de moitié au cours des quarante dernières années et que cette baisse était liée aux perturbateurs endocriniens.
https://academic.oup.com/humupd/article/23/6/646/4035689
https://www.maxisciences.com/spermatozoide/en-40-ans-la-qualite-du-sperme-a-chute-de-facon-dramatique-dans-les-pays-occidentaux_art39739.html

La crise de la santé reproductive a de nombreuses causes environnementales, démontre, à nouveau, la scientifique dans son nouveau livre (non traduit) — Count Down (Scribner), (« Compte à rebours ») — paru en février 2021.

Reporterre
Comment votre recherche sur la fertilité a-t-elle débuté ?

Shanna Swan
Tout a commencé avec les phtalates. Des études montraient l’influence de ces perturbateurs endocriniens [1] extrêmement nocifs dérivés du pétrole sur le système reproductif des rats. En 2000, un collègue d’un Centre de contrôle et de prévention des maladies [2] m’a dit qu’on pouvait désormais mesurer, pour un coût minime, la présence de substances chimiques — dont les phtalates et autres perturbateurs endocriniens — à de faibles doses et chez un grand nombre de personnes. C’était une percée dans le domaine.
Or je venais de finir une étude sur les mères de jeunes bébés. J’avais encore l’urine des femmes enceintes, et les bébés étaient très jeunes. Je me suis dit : « Et si j’imitais l’étude sur les rats chez les humains ? »

En 2005, j’ai trouvé que les bébés garçons qui avaient été exposés dans l’utérus à quatre phtalates différents à la fin du premier trimestre avaient une distance anogénitale, ou AGD, plus courte. Cette distance entre l’anus et le début des organes génitaux est un indicateur de la quantité d’androgènes (les hormones sexuelles mâles, dont la testostérone) à laquelle un enfant a été exposé en début de grossesse. C’est un marqueur très important de la santé reproductive et des perturbations endocriniennes : des AGD plus courts chez les mâles et plus longs chez les femelles indiquent une probable moindre réussite reproductive.

Où trouve-t-on ces phtalates ?

Les phtalates ont deux usages principaux : ils assouplissent les plastiques et ils stabilisent les parfums. Or, à la maison, les objets en plastique et les produits parfumés sont nombreux. Ces substances peuvent interférer avec, ou imiter les hormones sexuelles de l’organisme, telles que la testostérone et les œstrogènes, qui permettent la reproduction. Ils peuvent faire croire à l’organisme qu’il a suffisamment d’une hormone particulière et qu’il n’a pas besoin d’en produire davantage, ce qui entraîne une baisse de sa production.

Les médias ont beaucoup parlé de votre étude sur la baisse de qualité du sperme. Cela a-t-il entraîné des actions pour réglementer l’exposition aux produits chimiques ?
https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/exposition-a-des-substances-chimiques/perturbateurs-endocriniens/documents/article/analyse-combinee-des-quatre-indicateurs-du-syndrome-de-dysgenesie-testiculaire-en-france-dans-le-contexte-de-l-exposition-aux-perturbateurs-endocr

Non, cela n’a rien donné. Parler dans des réunions scientifiques et écrire des articles scientifiques n’a rien donné non plus. Alors peut-être que le livre aidera. Les perturbateurs endocriniens — dont font partie les phtalates — agissent à des doses extrêmement faibles et leurs effets diffèrent chez un embryon, un enfant, un homme ou une femme...
Nous sommes toutes et tous exposés aux phtalates, et on en trouve chez presque tout le monde. Ils sont partout. Ce type de perturbateurs endocriniens réduit le taux de testostérone, les phtalates ont donc une plus forte influence sur les hommes, en diminuant, par exemple, le nombre de spermatozoïdes et la taille du pénis. Ils sont également néfastes pour les femmes car ils diminuent la libido et augmentent le risque de puberté précoce, d’insuffisance ovarienne prématurée, de fausse couche et de naissance prématurée.

Le bisphénol A (BPA), un autre perturbateur endocrinien utilisé pour durcir le plastique et que l’on retrouve dans les tickets de caisse et le revêtement intérieur de certaines conserves imite, lui, les œstrogènes. Il est donc particulièrement mauvais pour les femmes — il augmente les risques d’infertilité — mais peut également affecter les hommes. Les hommes exposés professionnellement au BPA ont montré une diminution de la qualité de leur sperme, une baisse de la libido et des taux plus élevés de dysfonctionnement érectile.

Parmi les autres produits chimiques préoccupants figurent les retardateurs de flamme et certains pesticides. L’atrazine [un pesticide interdit mais très rémanent dans l’environnement] est ainsi associée elle aussi à une baisse de la qualité du sperme, tandis que le glyphosate diminue l’AGD chez les rats et peut-être aussi chez les humains.

Dans le chapitre « La planète en danger », vous montrez que ces substances chimiques n’affectent pas que les humains ?

Oui. Il ne s’agit pas seulement de nous. La santé et le dynamisme des autres espèces sont importants, en tant que tels et pour la santé et l’intégrité de la planète en général. Les autres espèces n’ont pas choisi d’introduire ces produits chimiques dans leur vie et leur habitat, elles sont les victimes du comportement imprudent et inconsidéré des humains. Les perturbateurs endocriniens affectent le sexe biologique et les habitudes d’accouplement des animaux : des études montrent que des substances chimiques peuvent transformer les grenouilles mâles en femelles, féminiser les crapauds et les alligators, et modifier le comportement sexuel des oiseaux et des poissons. Et ceci pour des générations.

Comment les perturbateurs endocriniens pénètrent-ils dans nos corps ?

Les dangers liés au tabac, par exemple, peuvent être contrôlés en modifiant les comportements. Pour ce qui est des perturbateurs endocriniens présents dans l’environnement et qui sont les plus susceptibles d’affecter notre santé reproductive et notre fertilité, ils sont presque impossibles à contrôler car nous ne sommes généralement pas conscients d’y être exposés.

Ils peuvent pénétrer nos corps par ingestion (aliments et eau), par absorption cutanée (cosmétiques, parfums, produits de nettoyage ou antifeu), par inhalation (vernis à ongle, laque à cheveux, produits chimiques dans la poussière, etc.) ou par contact (sextoys).
Les « non persistants », comme les phtalates et les bisphénols qui ont une demi-vie de seulement quatre à six heures, disparaissent rapidement, mais les persistants, PCB (polychlorobiphényles), dioxines, etc., peuvent être stockés dans nos graisses et ont une demi-vie très longue. La phase fœtale est la période la plus sensible aux substances chimiques qui affectent le développement. D’autres périodes peuvent être plus importantes pour d’autres paramètres, comme le cancer à l’âge adulte.
Si la personne exposée est une femme enceinte, ou un homme dans les mois précédant la conception, les produits chimiques peuvent être transmis au fœtus à naître, puis aux enfants de ce fœtus.

Est-ce que vous sonnez l’alarme ?

Je m’attaque directement à un problème caché dont les gens n’aiment pas parler : leurs difficultés à procréer, et le facteur environnemental impliqué dans ce problème. Les gens reconnaissent qu’il y a une diminution de la procréation mais refusent que cela puisse venir d’une cause chimique extérieure. Je veux leur faire admettre que c’est possible. Je ne dis pas que d’autres facteurs ne sont pas impliqués, mais je dis que les produits chimiques jouent un rôle causal majeur. Il est difficile d’utiliser ce mot, « cause », pourtant il y a un ensemble de preuves. Nous avons des modèles, des études animales et de multiples études humaines.

Le danger est-il limité à la santé et à la fertilité ?

Non. Pour aggraver les choses, les produits chimiques qui altèrent notre développement et notre reproduction, ainsi que ceux des crocodiles, des grenouilles et d’autres espèces, proviennent en grande partie d’industries qui nuisent également au climat. La plupart des substances chimiques fabriquées par les humains sont dérivées de sous-produits de combustibles fossiles fabriqués par l’industrie pétrochimique. Ces produits chimiques compromettent la santé reproductive des humains et contribuent aux risques de cancer. Nous devons sensibiliser le grand public à ces problèmes car les fabricants ne changeront pas leurs produits sans fortes pressions.
Légiférer est urgent car, comme l’a écrit un panel de cent scientifiques spécialisés dans la perturbation endocrinienne et le changement climatique dans un commentaire publié en 2016 dans Le Monde : « Les nombreuses actions nécessaires pour diminuer l’effet des perturbateurs endocriniens contribueront également à la lutte contre le changement climatique. »
https://www.lemonde.fr/idees/article/2016/11/29/halte-a-la-manipulation-de-la-science_5039860_3232.html

[1Toute molécule ou substance chimique, d’origine naturelle ou artificielle et étrangère à l’organisme, qui peut interférer avec le système endocrinien et induire des effets délétères pour l’organisme ou sa descendance, selon le Larousse.

[2Les Centers for Disease Control and Prevention forment ensemble la principale agence fédérale des États-Unis en matière de protection de la santé publique.

https://reporterre.net/Shanna-Swan-Les-perturbateurs-endocriniens-alterent-notre-fertilite

 

 

Publié dans Pollution chimique

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