CANCERS ET MALFORMATIONS, SCANDALE SANITAIRE EN ARDÈCHE !

Publié le par Résistance verte

CANCERS ET MALFORMATIONS, SCANDALE SANITAIRE EN ARDÈCHE !

"En Ardèche, des dizaines d’anciens salariés de l’entreprise Tetra Médical disent avoir inhalé un gaz toxique pendant des années, sans le savoir et sans protection adaptée. Plusieurs ont déclaré des cancers et certains sont décédés.

Avant sa liquidation judiciaire, en février 2022,l’entreprise Tetra Médical, basée à Annonay, employait
plus d’une centaine de personnes (principalement des femmes). La société qui fabriquait des dispositifs à usage unique utilisait de l’oxyde d’éthylène, un gaz cancérogène, mutagène et reprotoxique pour stériliser ses produits. Or, selon les salariés, jamais le risque n’a été mentionné, alors que les produits qui venaient d’être stérilisés (et qui émettaient donc du gaz) étaient entreposés dans des lieux de passage.

Pire encore, pendant toutes ces années aucune protection n’aurait été proposée — hormis une blouse, une charlotte et des chaussures de sécurité. Nombre de salariés seraient tombés malades et au moins une vingtaine seraient décédés de cancers, sans qu’un lien avec l’oxyde d’éthylène n’ait été établi."

"En mars 2023 : 80 personnes ont saisi les prud’hommes pour préjudice d’anxiété et le pôle de santé publique du parquet de Marseille, ainsi que l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (Oclaesp), se sont saisis de l’affaire. Plusieurs dizaines d’autres prévoient également de déposer des dossiers, pour un total proche de 200 saisies des prud’hommes."

https://reporterre.net/Cancers-et-malformations-en-Ardeche-des-ouvriers-denoncent-un-scandale-sanitaire

Un scandal qui rappelle celui de l'amiante qui s'était joué, à l'époque, à Clermont-Ferrand.

"Les risques liés à cette substance chimique sont documentés depuis de nombreuses années : une première étude a montré dès 1968 les liens entre oxyde d’éthylène et cancer, et le Centre international de recherche sur le cancer l’a classé comme agent cancérogène en 1994. La fiche dédiée de l’INRS (l’organisme dépendant de la Sécurité sociale chargé de la santé et sécurité au travail) décrit un gaz pouvant « induire des anomalies génétiques », « provoquer le cancer », avoir des « effets graves pour les organes » ou « nuire à la fertilité ». Mais ces risques, les anciennes de Tetra Médical assurent n’en avoir jamais entendu parler"

"En 1904, Tetra Médical avait mis au point la compresse 4 épaisseurs. Elle en a produit jusqu’au bout, ainsi que des pansements et divers dispositifs médicaux à usage unique. Depuis 1988, l’oxyde d’éthylène y était utilisé comme méthode de stérilisation des produits fabriqués.

Pour pouvoir les envoyer aux hôpitaux, cliniques et autres clients, les niveaux d’oxyde d’éthylène devaient être suffisamment bas. Il fallait donc compter au minimum une à trois semaines de « désorption », durant lesquelles les produits stérilisés libéraient l’oxyde d’éthylène. Sans que les salariées n’en soient protégées d’une quelconque façon.

Les témoignages à ce sujet sont notamment corroborés par un compte-rendu de 2010 du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l’entreprise, décrivant seulement un « gaz lourd qui est dangereux de par son explosivité en cas de fuite ». Selon le Code du travail, la simple présence dans l’entreprise d’agents CMR (cancérogène, mutagène et reprotoxique) aurait pourtant dû être signalée aux travailleurs et travailleuses. Sans parler des consignes de sécurité et des équipements de protection qui auraient dû être fournis (...)

D’après plusieurs témoignages, en raison du manque d’espace, il n’était pas rare de voir ces palettes récemment stérilisées stockées dans le couloir menant à la machine à café. « Et quand il y avait un audit, il fallait tout planquer ! » (...) Tout cela était devenu banal. D’autant que « le médecin du travail ne [l]’a jamais questionnée sur l’oxyde d’éthylène » (...)

En février 2022, à la veille de la fermeture, la médecine du travail fait néanmoins pratiquer des prises de sang sur 19 agentes du site d’Annonay. C’est la première fois que des examens médicaux cherchent à évaluer l’exposition des salariées, et les résultats sont sans appel : toutes présentent des taux d’oxyde d’éthylène anormalement élevés (...)

Le cabinet d’avocat de Jean-Paul Teissonnière et Sylvie Topaloff, qui avait porté tout le dossier dans le combat pour l’amiante, est aussi celui des anciennes de Tetra Médical (...) les cancers liés à l’oxyde d’éthylène n’étant pas recensés par le Code de la Sécurité social, les malades doivent prouver le lien de causalité avec leur pratique professionnelle."

Pour appréhender les dangers du gaz de stérilisation, Guy Rousset (Responsable CGT à Annonay et président de l’Aldeva Drôme-Ardèche, l’association de défense des victimes de l’amiante) a fait appel à l’association Henri Pézerat. Sa présidente, Annie Thébaud-Mony, "est une sociologue connue pour ses recherches sur les maladies professionnelles, et figure de proue du combat contre l’amiante".

"Quand elle commence à se documenter sur l’oxyde d’éthylène, la chercheuse tombe des nues : « Je savais que c’était un produit de catégorie 1 [qui peut provoquer un cancer, de manière certaine – ndlr], mais je me suis rendu compte que c’était beaucoup plus que ça... Les mutations génétiques induites par ce gaz pourraient se transmettre d’une génération à l’autre », alerte-t-elle."

https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/280423/exposees-un-gaz-cancerogene-des-ouvrieres-sont-epaulees-par-les-victimes-de-l-amiante

Aurélie Piot, Photo Magali Stora Reporterre

"Agent de contrôle à Tetra Médical depuis octobre 2020, Aurélie Piot était enceinte de plusieurs semaines quand l’entreprise a fermé. « J’ai fait un bébé Tetra », résume-t-elle. À l’automne, elle a accouché d’un petit garçon atteint d’une malformation congénitale (...) Aurélie a appris que ce
gaz était susceptible de nuire au foetus… Ce fut la douche froide.

« En discutant avec d’anciennes collègues, je me suis rendu compte que je n’étais pas la seule dans ce cas », explique-t-elle. Depuis des mois, elle recueille donc des témoignages d’anciennes salariées de Tetra Médical : certaines dont les enfants sont malades, parfois gravement, d’autres victimes de fausses couches et enfin celles qui ne réussissent pas à tomber enceinte.

Si la douzaine de dossiers est pour l’instant une pièce parmi tant d’autres, Aurélie espère obtenir justice pour son fils et pour toutes les femmes qui pourraient avoir été victimes de ce gaz toxique."

Nathalie Tutin ne travaillait pas à Tetra Médical, mais dans l’entreprise voisine : Via Logistique. Cette société gérée par la même direction, s’occupait de l’expédition des produits aux pharmacies, hôpitaux et autres clients. Les palettes venues de Tetra Médical étaient entreposées sur les racks (rayonnage d’entreposage) ou directement au niveau des quais d’expédition.

Pendant 12 ans, Nathalie a passé la majeure partie de ses journées près de ces palettes, qu’elle ouvrait pour préparer les commandes. Après un licenciement économique l’année dernière, elle pensait avoir tourné la page… Mais quand le scandale sanitaire a éclaté, elle n’a pas pu l’ignorer. « Quand je l’ai su, j’ai fait beaucoup de cauchemars, confie-t-elle. Je m’inquiète surtout pour mon frère. Je l’ai fait rentrer à Via Logistique et ma nièce est née quand il était là-bas. »

Elle-même est suivie pour des problèmes de thyroïde depuis deux ans. « Et récemment j’ai une grosseur qui est apparue, indique-t-elle en écartant légèrement son blouson noir zippé jusqu’au cou. Je dois faire un examen », ajoute-t-elle.

Quels que soient les résultats, elle est décidée à ne rien lâcher pour obtenir justice et un suivi médical à vie pour elle et tous ses anciens collègues. « On se pose plein de questions… On se dit même que d’autres affaires similaires pourraient éclater. Il y a peut-être plein de gens qui travaillent dans ces conditions ! »

Anciennes et anciens salariés, photo Magali Stora Reporterre

 

Publié dans Pollution chimique

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article