LES DEUX PLUS GROSSES MÉGABASSINES DE FRANCE BIENTÔT EN AUVERGNE !

Publié le par Résistance verte

LES DEUX PLUS GROSSES MÉGABASSINES DE FRANCE BIENTÔT EN AUVERGNE !

À Saint-Georges-sur-Allier et à Bouzel, deux communes du Puy-de-Dôme, des méga-bassines pourraient voir le jour d’ici 2026. Deux réservoirs artificiels de 15 et 18 hectares. L’eau stockée devrait être pompée dans l’Allier voisin, avec un objectif : irriguer 800 hectares de culture, lors des périodes de sécheresse.

Les 36 agriculteurs qui portent le projet, réunis au sein de
l’Association syndicale libre (ASL) des Turlurons, ont annoncé un coût de 25 millions d’euros, financé à 70 % par de l’argent public, et entendent stocker jusqu’à 2,3 millions de mètres cubes d’eau en période hivernale.

« on parle de 18 hectares ou le volume d’eau de 500 piscines olympiques. C’est énorme, tellement énorme qu’on a eu peine à y croire.  » (Yves du collectif BNM 63)

Ces giga-bassines se rempliront directement par pompage dans un affluent de la Loire, l'Allier. Il s'agit d'une zone classée Natura 2000 qui supporte localement l'alimentation en eau potable de plus de 200 000 habitants.

Une privatisation de l'eau

 

Comme d'habitude, ces retenues d’eau ont pour but d'assurer l'approvisionnement en eau de grosses exploitations agricoles, au détriment des plus petits et des habitants.

Alors que les périodes de sécheresse sont de plus en plus fréquentes, longues et sévères, alors que l’approvisionnement en eau potable des populations est gravement menacé en Limagne et ailleurs, une partie des habitants n'accepte pas ce projet de "giga-bassines".

« Le fond du problème, c’est évidemment l’accaparement d’un bien commun, dit-il, alors qu’il y a des villages dans la région qui n’ont plus d’eau potable au robinet. Ça doit être ça la priorité, privilégier l’accès à l’eau potable. Si le préfet a de l’argent à flécher, il doit le faire là-dessus et pas sur des bassines. » (Ludovic Landais, président de la Confédération paysanne du Puy-de-Dôme)

Un projet inutile

 

Ces deux projets de bassines sont soutenus par la Chambre d’Agriculture du Puy-de-Dôme, qui compte déjà une dizaine de retenues hivernales individuelles existantes et une dizaine de projets à venir. L'argument principal, comme toujours, est le risque de sécheresse.

Les méga-bassines ne permettent pas de lutter contre la sécheresse.

« L’eau qui circule, c’est celle qui va être stockée après dans le sol. Plus vous pompez moins elle s’infiltre. On nous dit sobriété, alors soyons sobres. Il faut des productions adaptées, moins gourmandes en eau et en intrants. »

Contre ce problème, il existe des alternatives, mises en avant par la Confédération paysanne comme produire avec moins d’eau, enlever certaines roches des rivières pour améliorer l’infiltration, recréer des zones humides et puiser dans les nappes...

Par ailleurs il n'est même pas certains que ce projet soit viable d'un point de vue technique, car le prélèvement dans l’Allier ne serait autorisé que lorsque son débit est supérieur à 47,5 m par secondes, ce qui n’a représenté que onze jours l’an passé et n’aurait pas permis de remplir les bassines.

Antoine Bourreau / Reporterre

Une menace pour la biodiversité et la qualité de l'eau

 

Derrière ce projet de giga-bassine les opposants dénoncent aussi les risques de dégradation des sols, de l'assèchement des écosystèmes, de l'anéantissement de la biodiversité et de la pollution des eaux par le développement de cyanobactéries (liés au stockage d’eau stagnante dans des bassines recouvertes de bâches) et par l’usage intensif de la chimie agricole.

Il s'agit donc d'un nouveau projet inutile, coûteux et dangereux.

Un projet au service de l'agro-industrie

 

Ce projet de gigga-bassines en Auvergne va permettre à l'agro-industrie de doper la production de maïs semence.

Il existe une entreprise très puissante en Auvergne, l'entreprise Limagrain, qui exploite 6 100 hectares de maïs semence en Limagne, soit la moitié de sa production française. Fondée en Auvergne en 1965, elle est propriétaire des marques Jacquet et Brossard, et quatrième semencier mondial via sa filiale Vilmorin.

Or, les cultures de maïs semence sont très gourmandes en eau.

Photo Antoine Boureau / Reporterre

« La société locale est prise dans les rets du système Limagrain, explique Yves. Elle crée des emplois, affirme faire bien vivre les agriculteurs, et finance l’innovation. Elle verrouille tout, y compris le
monde politique. »

Les semences produites par Limagrain sont destinées à être revendues ensuite en France et à l’étranger par le truchement de multinationales, et non des denrées destinées à la consommation. Il y a donc de gros enjeux financiers derrière.

« En s’attaquant aux bassines, on se confronte à de très très gros intérêts, il ne s’agit pas d’un petit enjeu local », commente Yves.

Entrée du siège, photo Antoine Boureau / Reporterre

Derrière la question des méga-bassines et les problèmes liés à la sécheresse c'est bien la question du modèle de production agricole qui se pose.

« Revenons à des pratiques réfléchies, diminuons la production de maïs qui sert surtout pour l’alimentation animale, replantons des haies pour conserver les nappes... Il faut diminuer les prélèvements d'eau, pour toutes les activités, que ce soit pour l'agriculture ou les piscines.» (Jean-Paul Onzon, membre de la Confédération paysanne)

Un combat pour une autre agriculture

 

Les promotteurs des giga-bassines prétendent le faire au nom de la "souveraineté alimentaire".

Un terme qui est également aujourd’hui au cœur du projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture et qui est dévoyé de son sens original, comme le critique la Via Campesina, à l'origine du concept.

« C’est une vision néocoloniale, libérale de droite, qui consiste à soutenir les champions de l’agroalimentaire nationaux. C’est complètement opposé à la vision que l’on porte, qui est que tous les peuples ont le droit de décider pour eux-mêmes (...)

Ils oublient aussi l’aspect démocratique : dans notre Constitution, le souverain, c’est le peuple. Il a le droit de décider s’il veut ou pas des OGM ou des mégabassines. » (Morgan Ody, coordinatrice générale du mouvement international Via Campesina).

https://reporterre.net/La-souverainete-alimentaire-vue-par-Macron-est-de-droite

Les alternatives contre la sécheresse défendues par la Confédération paysannes et la Via Campesina ne pourront pas se mettre en place dans un système agricole productiviste. Elle implique nécessairement une transition vers l’agriculture paysanne et bio et une réappropriation démocratique de cette agriculture par les agriculteurs et les consommateurs.

Un combat démocratique que poursuivent les Soulèvements de la Terre au niveau national.

Le tribunal de Poitiers a fait annuler en septembre 15 nouveaux projets de bassines en estimant qu'elles étaient trop dommageables pour les milieux naturels. Une quinzaine d'autres, dont bon nombre de constructions illégales, ont été désamorcées. À ce jour, seul un chantier de bassine, transformé en forteresse ultra-sécurisée, a abouti à Mauzé-sur-le-Mignon. Mais trois chantiers sont encore en cours dans les Deux-sèvres, dont celui-de Sainte-Soline. D'autres menacent de démarrer dans divers autres départements...

Une carte participative recense désormais les lieux où ces projets de réserves d’eau sont contestés.

Si aucun recensement officiel ne donne le nombre exact de mégabassines en projet en France, les associations d’opposants dénombrent environ 300 projets.

« Il y a 300 projets de mégabassines à l’étude en France, 31 dans le Puy-de-Dôme. Les bassines de Bouzel et Saint-Georgessur- Allier sont les deux plus grosses. Si elles passent, tout passe. » (Ludovic Landais, président de la Confédération paysanne du Puy-de-Dôme).

La Vendée et la région Auvergne-Rhône-Alpes sont les principales zones de concentration des projets de mégabassine. Capture d’écran carte mégabassines.

De plus, lors de son discours de clôture du congrès de la FNSEA, le 28 mars à Dunkerque, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau a promis la construction d'une centaine de mégabassines en 2024.

Début février, le Premier ministre Gabriel Attal a présenté toute une série de mesures supposées répondre à la colère du monde agricole. Deux ont retenu l’attention des militants antibassines. La première permettra d’appliquer une « présomption d’urgence » pour réduire à seulement deux mois les délais de contestation d’un projet de gestion de l’eau. La seconde révisera les textes réglementaires pour « planifier les investissements hydrauliques et les financements nécessaires dans chaque bassin ».

« Ils vont diviser par deux les délais pour les contester. Je sens qu’on va se faire déborder » (Ludovic Landais président de la Confédération paysanne du Puy-de-Dôme)

https://reporterre.net/Megabassines-l-Etat-opaque-sur-les-chiffres

Un an après Sainte-Soline, continuons à défendre les terres et l'eau !

Un communiqué inter-orgas a été publié fin mars, appelant à poursuivre le combat contre les méga-bassines

« Un an après Sainte-Soline, nous - paysan•nes, écologistes et syndicalistes - sommes plus que jamais uni•es pour faire concrètement obstacle au ravage social et environnemental, et préserver les communs.

Nous n'oublierons jamais les blessé•es du 25 mars 2023 et la nécessité de nous protéger collectivement des violences policières. Nous ne cesserons pas pour autant de manifester et d'agir. »

(Extrait du communiqué commun de BNM 79 / 86, Confédération Paysanne, Soulèvements de la terre, Solidaires, CGT 79, FSU 79).

Dans le Poitou, un village international de l'eau et des manifestations massives auront lieu du 15 au 21 juillet.

Avant ça, Bassinesnonmerci63, la Confédération Paysanne, Extinction Rebellion et les Faucheurs Volontaires et les Soulèvements de la Terre donnent un rendez-vous le 11 mai pour une randonnée pédagogique, festive et artistique.

« En défense de l'Allier, de ses affluents et des terres qui l'entourent, pour une agriculture paysanne contre l’emprise hégémonique et dévastatrice de l’agrobusiness : nous comptons sur vous !

No Bassaran ! »

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article