À GRENOBLE UNE VICTOIRE CONTRE L'USINE SOITEC !
Le collectif STOPMicro38 a organisé à Grenoble les 5, 6, 7 et 8 avril 2024 une mobilisation contre le "monde connecté" et l’accaparement des ressources par les industriels de l’électronique. Le 1er avril 2023, une première mobilisation avait eu lieu à Crolles contre l'agrandissement de STMicroelectronics et avait réuni un millier de personnes.
Cette fois-ci c'est sa voisine, Soitec, qui avait lancé un projet d'agrandissement pour fabriquer des semi-conducteurs pour batteries de voitures électriques.
« Depuis l’arrivée des usines de semiconducteurs, dans les années 1990, le réseau d’eau potable de la région grenobloise, dont la population a augmenté, n’a cessé de s’agrandir »
https://reporterre.net/En-Isere-l-industrie-electronique-boit-toute-l-eau
Cette mobilisation s'est soldée par une victoire : l'abandon du projet d'extension de Soitec.
La bataille contre SOITEC
La technologie principale développée par Soitec est le Smart Cut, une sorte de « scalpel électronique » qui permet de découper une couche nanométrique de silicium ultra pur et de la coller sur une plaque de silicium classique dont la surface de collage est transformée en isolant. Par rapport aux plaques traditionnelles de silicium massif, ce substrat en forme de sandwich a l’avantage de réduire les courants de fuite, et donc la consommation de courant, tout en améliorant la vitesse de traitement.
Le site de Bernin contient aujourd’hui quatre usines dont la dernière « Bernin 4 », un bâtiment de 2 500 m² inauguré le 28 septembre 2023. De cette nouvelle usine va sortir une nouvelle catégorie de wafers (SmartSiC) conçus en particulier pour améliorer l’autonomie des batteries des voitures électrique, de l’ordre de 15 %.
Malgré les annonces de baisse de consommation électrique par plaque de SiC par rapport au SOI, cette technologie est beaucoup plus polluante. Pour bien fonctionner les plaquettes doivent être « dopées » à l’ammoniac (nitruration), à l’aluminium, au bore, au phosphore ou au gallium (depuis 2004) ce qui engendrera comme sa voisine ST, des rejets d’effluents contaminés dans l’Isère.
https://stopmicro38.noblogs.org/post/2024/04/12/soitec-30-ans-de-nuisances-sans-merci/
Ces quatre journées, à travers Soitec, ciblaient plus largement « monde connecté » et l’accaparement des ressources par les industriels de l’électronique.
« Accaparement de l’eau à l’heure des sécheresses à répétition, rejet de produits chimiques, consommation électrique délirante, le tout pour la production d’objets connectés et pour l’armement : ces projets d’agrandissements d’usines promettent un désastre environnemental. »
https://stopmicro38.noblogs.org/files/2023/12/tract.pdf
Soitec une autre usine au service de l'armement
Soitec est issue d'une start-up du CEA (Commissariat à l’Énergie Atomique). Le collectif Stopmicro 38 a sorti une enquête qui démontre :
– les origines militaires de l’entreprise
– l’implication actuelle de l’entreprise dans des projets d’armement
– le soutien sans faille des pouvoirs publics à l’entreprise, sur le refrain « des recherches publiques pour des profits privés »
Le SOI, la technologie développée par Soitec, est issue de recherches militaires de résistance des micropuces aux radiations ionisantes notamment pour les missiles balistiques. Elles sont menées à partir de 1974 à Grenoble dans le laboratoire du CEA-Leti conjointement par la Direction des applications militaires du CEA (CEA-DAM) et la Direction Générale de l’Armement (DGA). Le SOI a en effet le double avantage d’être plus performante que les puces classiques et respecter les normes militaires de résistance aux conditions extrêmes (puces dites « Rad-Hard » pour radiation hardened).
Le responsable de la Direction des applications militaires du CEA (CEA-DAM) confirmait en 2018 l’implication de Soitec dans les activités militaires : « Les composants électroniques [de STMicroelectronics et Soitec] servent pour la dissuasion [nucléaire] »
Plus récemment, suite aux révélations de l’Observatoire des armements (Obsarm), la direction de Soitec a rendu public son partenariat avec l’organe de l’armée française chargé de développer de nouvelles armes, la Direction générale de l’armement (DGA). Ce partenariat a pour but de fournir en substrat résistant et performant les puces des « systèmes embarqués critiques » des industries d’armement françaises. Ces substrats qui se retrouvent dans les micropuces dites « Rad-Hard » (Radiation Hardened, résistantes aux radiations de ST Microelectronics vont aussi alimenter les boîtiers électroniques de l’entreprise crolloise Ecrin Systems.
https://stopmicro38.noblogs.org/post/2024/04/12/soitec-30-ans-de-nuisances-sans-merci/
5, 6 & 7 avril 2024 : DE L'EAU PAS DES PUCES !
La mobilisation contre l'agrandissement de Soitec, a connu un gros succès, la manif du samedi ayant réuni environ deux mille manifestants.
La manifestation s'est rendu au centre de recherche et développement de ST, situé sur la presqu’île scientifique, l’épicentre des innovations et productions de Grenoble où ils ont été accueilli par une compagnie de CRS. Après avoir bloqué une heure durant les accès à la Presqu’île scientifique, les opposants ont quitté les lieux en scandant « CEA, recherches publiques, profits privés, nique le nucléaire et nique l’armée ».
« C’est à notre connaissance la première fois qu’une manifestation s’aventure à porter la contestation au sein de ce désert de grilles métalliques, de béton et de verre (caractéristique fréquente des lieux de pouvoir et de nuisances). Un si gros cortège remontant cette interminable avenue, longeant les pires institutions grenobloise (Minatec, Clinatec, CEA…), cela nous fait chaud au coeur et rappelle aux plus ancien-nes la manifestation contre l’inauguration de Minatec en 2006 ».
https://stopmicro38.noblogs.org/post/2024/04/08/rapide-retour-sur-la-mobilisation-davril-2024/
Soitec suspend son agrandissement
La nouvelle est tombée le 10 avril, la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) a mis en ligne sur son site un courrier adressé aux garant·es missionné·es sur le projet d’extension de Soitec.
On y apprend que la société SOITEC a décidé "de suspendre son projet d’extension sur la zone d’activité économique (ZAE) d’accueil à Bernin (Isère – 38)".
Extraits du communiqué de StopMicro38
« Si la lutte contre les méga-projets inutiles tourne souvent au défaitisme, et si se mobiliser contre des multinationales comme Soitec ou ST c’est souvent se sentir tel David contre Goliath, la lutte paye, et nous en avons aujourd’hui le témoignage avec l’aveu d’échec de Soitec.
La responsabilité de STopMicro et de la mobilisation menée depuis un an et demi dans cette suspension d’agrandissement est incontestable : la suspension annoncée par Soitec se fait deux semaines avant le grand week-end de mobilisation organisé contre les agrandissements de ST et Soitec, et l’annonce par la CNDP survient quant à elle au lendemain de notre communiqué public sur le projet d’agrandissement de Soitec. La coïncidence est peu crédible.
Il semble notamment difficile, et par ailleurs naïf, d’imputer cette suspension d’extension à la simple conjoncture, à l’instabilité du marché, quand on sait que ce projet d’agrandissement s’inscrivait dans le temps long, d’ici 5 à 10 ans. Si la conjoncture a assurément pu jouer un rôle, une annonce comme celle-ci répond évidemment à notre mobilisation.
Mettons-nous un instant à la place de la direction de Soitec : à quoi bon affronter une mise en lumière médiatique autour d’une concertation, d’une enquête publique et d’une mobilisation militante ? D’autant plus si on sait que niveau environnemental, l’entreprise n’est pas irréprochable… Quand ces préoccupations rencontrent une conjoncture économique peu favorable, il paraît rationnel de se faire petit, et de suspendre le projet.
Réjouissons-nous donc ! Nous avons suspendu un projet mortifère à plus de 600 millions d’euros, nous avons sauvé 11 hectares de terres agricoles de la bétonisation, nous avons freiné la dépendance économique toujours plus accrue de nos territoires à ces industries. »
La bataille continue
« Si nous nous félicitons de la suspension de ce projet ici, nous déplorons d’ores et déjà la probable externalisation de la production à Singapour où Soitec a également une usine, dont elle a annoncé en décembre dernier le doublement de la capacité de production d’ici à 2028. Tout comme nous déplorons la production de STMicroelectronics dans ses nombreuses usines à l’autre bout du monde (Malaisie, Maroc, Philippines, etc.) et son projet d’extension d’ampleur à Catane, en Sicile
Car nous savons que lorsque industriels et politicien·nes justifient les développements industriels à coups de « ici plutôt qu’ailleurs », c’est un mensonge. C’est en réalité « ici et ailleurs » que les industries du numérique se développent, et nous, leurs nuisances et leur accaparement des ressources, c’est ni ici, ni ailleurs que nous les voulons ! Et donc, « quand on ne veut de nuisances nulle part ; il faut bien commencer exemplairement par les contester là où l’on est ».
Passée l’heure des réjouissances, il nous faut penser l’après, et cette victoire ne signe aucunement la fin de la contestation que nous menons depuis maintenant un an et demi.
Si initialement notre mobilisation est née en opposition aux extensions de ST et Soitec, le travail réalisé depuis nous aura permis d’aiguiser notre critique et de pointer l’impasse dans laquelle nous mène cette production industrielle, absurdité redoublée par le contexte climatique. Car, des usages des semi-conducteurs que nous avons documentés jusqu’au panel de nuisances que génèrent actuellement ces industries, à leur consommation d’eau potable déjà délirante (près de 1,2 million de mètres cubes d’eau par an pour Soitec seule), en passant par la numérisation du monde à laquelle elles œuvrent, c’est bien l’existence même de ces usines et leur production que nous questionnons aujourd’hui.
La mobilisation collective nous prouve que ces développements industriels ne sont pas inéluctables et que nous ne sommes pas impuissant·es.
Ces conséquences directes de la lutte que nous menons renforcent notre détermination. Nous continuerons à nous mobiliser contre tous les projets d’extension de ces usines (ici ou ailleurs), contre toutes leurs nuisances actuelles, mais aussi contre le projet éco(sui)cidaire de société dans lequel elles s’inscrivent.
Nous appelons donc Soitec à transformer sa « suspension » en annulation pure et simple.
Nous appelons également STMicroelectronics à prendre exemple sur sa voisine. »
cette victoire accroît notre détermination à lutter toujours plus
fort contre l’emprise de ces industries et leurs nuisances ;
Et car il reste encore à construire la suite ensemble :
No puçaran !