DISPERSION DE MATIÈRES RADIOACTIVES

Publié le par Résistance verte

 

La guerre qui a lieu en Ukraine fait courir des risques radiologiques considérables [1] aux populations de la région et bien au-delà.
 

A / Forte préoccupation concernant la situation radiologique dans la zone d’exclusion de Tchernobyl

Dans ses communiqués du 25 février 2022, la CRIIRAD a fait part de sa forte préoccupation quant à la situation dans la zone de Tchernobyl. C’est un sujet particulier d’inquiétude compte tenu de la quantité et de la nocivité des déchets radioactifs « entreposés » dans ce secteur.

Rappelons que de nombreux capteurs de radiation ont montré, à partir de la soirée du 24 février 2022 des valeurs très nettement anormales. Voir les communiqués CRIIRAD du 25 février 2022 sur la page http://balises.criirad.org/actu_guerre_Ukraine_2022.html. Ces capteurs sont désormais « inactifs », il est donc difficile de déterminer si la situation radiologique a tendance à se normaliser aux alentours de la centrale de Tchernobyl ou si elle se détériore.

Les risques radiologiques à l’échelle régionale, voire bien au-delà, ne peuvent être sérieusement évalués tant que l’origine exacte de ces augmentations n’est pas établie avec certitude (artefact de mesure ? remise en suspension de matériaux radioactifs par des bombardements, incendies, passages d’engins militaires ? Atteinte à des installations de stockage de déchets radioactifs ?, etc.. ) et tant qu’on ne dispose pas de résultats de mesure de l’activité volumique de l’air ambiant dans la zone d’exclusion autour de Tchernobyl et ses alentours. On ne sait pas aujourd’hui précisément quelles équipes sont présentes sur le terrain pour garantir la sûreté des installations nucléaires du secteur.
 
B / Autres installations nucléaires impactées en Ukraine

Les bombardements et les combats en cours ont touché d’autres installations de stockage de déchets radioactifs en Ukraine.

Le 26 février le State Nuclear Regulatory Inspectorate of Ukraine (SNRIU) avait indiqué qu’un transformateur électrique avait été endommagé sur un site de stockage de déchets radioactifs dans la ville de Kharkiv à l’est du pays, apparemment sans que ne soient signalés des rejets radioactifs.

Ce dimanche 27 février, le SNRIU a confirmé à l’Agence Internationale de l’Energie Atomique[2] que des missiles ont touché un site de stockage de déchets radioactifs de la State Specialized Enterprise « Radon » à Kiev. Le dispositif de mesure de la radioactivité a été rétabli dans la matinée. Il n’y aurait pas pour l’instant d’indication de dispersion de matières radioactives.

Dans les deux cas, il s’agit d’installations de stockage de sources radioactives périmées et de déchets radioactifs de faible activité provenant de l’industrie et des hôpitaux. Les risques radiologiques pour les personnels et les riverains pourraient être très significatifs en cas de dispersion de matière radioactive. Mais les conséquences pourraient être véritablement catastrophiques en cas d’atteinte grave sur toute ou partie des 15 réacteurs électronucléaires ukrainiens (regroupés sur les 4 sites de Khmelnitski, Konstantinovka, Rovno et Zaporijjia) ou sur la zone de Tchernobyl.
 
C / Données globales sur le niveau de radiation gamma ambiant en Ukraine

Le laboratoire de la CRIIRAD a consulté les données officielles de surveillance de la radioactivité atmosphérique disponibles pour les environs de Kiev pour la matinée du 27 février 2022.

Aucune augmentation du niveau de radiation n’a été enregistrée par les capteurs en fonctionnement, notamment par :
• Ceux situés à proximité de Kiev (capteurs situés dans les villes de Horodok [3] et Malyn [3], respectivement à environ 20 et 30 kilomètres à l’ouest de Kiev), mais ce ne sont pas forcément les plus pertinents par rapport à la direction des vents ce matin (vents de nord en direction du sud)
• Ceux situés plus au sud dans la direction des vents mais plus éloignés (capteur dans la Ville de Balta [3] , à environ 300 kilomètres de Kiev et ceux de la surveillance des centrales ukrainiennes de Zaporijjia [4] et South Ukrainian [5]).
 
Les données des pays limitrophes ont également été consultées sur le site européen EURDEP [6]. Ce site centralise les résultats officiels de mesure de la radioactivité gamma ambiante en Europe.

Aucune augmentation de la radioactivité n’a été enregistrée en particulier en Russie, Biélorussie, Lituanie, Pologne ou encore Roumanie pour les stations les plus proches de l’Ukraine (à noter que la publication des résultats de mesure selon les pays n’est pas homogène : une seule mesure par jour pour la Russie et la Biélorussie, alors que les mesures pour les autres pays sont horaires).

 Rédaction : Jérémie MOTTE (responsable du service Balises)
Bruno CHAREYRON (directeur du laboratoire)
Approbation : Yves GIRARDOT (directeur général).

 NB : pour l’instant le réseau de balises de surveillance de la radioactivité atmosphérique que gère la CRIIRAD en vallée du Rhône n’a mis en évidence aucune anomalie radiologique voir http://balises.criirad.org/

[1] Voir par exemple l’article de RFI du 26 février 2022 citant la CRIIRAD :
https://www.rfi.fr/fr/europe/20220226-ukraine-interrogations-autour-de-la-question-vitale-de-la-s%C3%A9curit%C3%A9-nucl%C3%A9aire

[2] https://www.iaea.org/newscenter/pressreleases/update-3-iaea-director-general-statement-on-situation-in-ukraine
 
[3] Sur le site https://www.saveecobot.com/en/platform/gcsk (qui reprend les données du site officiel https://gcsk.gov.ua/radionuklidnij-monitoring/

[4] Sur le site https://www.saveecobot.com/en/platform/znpp (qui reprend les données du site officiel https://www.npp.zp.ua/

[5] Sur le site https://www.saveecobot.com/en/platform/sunpp (qui reprend les données du site officiel https://www.sunpp.mk.ua/

[6] https://remap.jrc.ec.europa.eu/Simple.aspx

 

 

L’ARMÉE RUSSE A INVESTI LA ZONE DE TCHERNOBYL

Les troupes russes en provenance de Biélorussie ont investi jeudi 24 février la « zone d’exclusion » de la centrale de Tchernobyl, où se trouve le réacteur accidenté en 1986, ainsi que trois autres réacteurs nucléaires arrêtés depuis 2000 et des dépôts de déchets radioactifs. Cette zone presque inhabitée s’étend sur un rayon de 32 kilomètres autour de la centrale. Les niveaux de radiation y restent élevés.

Tchernobyl est situé à 130 kilomètres au nord de la capitale de l’Ukraine, Kiev, et pourrait servir de voie d’accès à la ville pour les forces d’invasion. Pour Samantha Turner, chargée de recherche sur la sécurité au Truman National Security Project, interrogée par la BBC, « le contrôle de la zone n’a pas une importance déterminante pour la bataille » mais il offre aux forces russes un couloir vers le fleuve Dnipro, qui coule vers Kiev. « C’est un élément important qui leur permet d’ouvrir différents couloirs pour le mouvement des troupes et de contrôler des terrains clés. » Mme Turnet prévient que, bien que personne ne vive dans la zone et que la centrale ne soit plus en activité, tout combat actif sur le territoire pourrait entraîner le déversement de déchets radioactifs.
https://www.bbc.com/news/world-us-canada-60514228

Selon un communiqué vendredi 25 février de l’Autorité de sûreté nucléaire ukrainienne, « les niveaux de contrôle du débit de dose de rayonnement gamma dans la zone d’exclusion ont été dépassés. Les experts de l’Ecocentre associent ce dépassement à la perturbation de la couche supérieure du sol due au déplacement d’un grand nombre de machines militaires lourdes à travers la zone d’exclusion. »
https://snriu.gov.ua/en/news/updated-information-radiation-situation-exclusive-zone

« Poutine ne peut se remettre du fait que l’URSS s’est désintégrée il y a trente ans, et que tout a commencé après Tchernobyl »

Le danger serait que des tirs d’armes lourdes ne touchent les piscines ou les entrepôts abritant les combustibles, et qu’une explosion entraîne la dispersion de particules radioactives, précise à FranceTV Info Yves Marignac, expert des questions nucléaires à l’association Négawatt.
https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-billet-vert/guerre-en-ukraine-faut-il-sinquieter-dun-accident-nucleaire-a-la-centrale-de-tchernobyl-reprise-par-les-russes_4962717.html

« Trente ans se sont écoulés depuis l’accident et nous n’avons pas tout nettoyé », a déclaré à la BBC Claire Corkhill, professeure de matériaux de déchets radioactifs à l’université de Sheffield. « C’est facilement un autre programme de cinquante ans. Si les gens ne travaillent pas correctement sur cette installation, et ne font pas progresser le démantèlement, cela pourrait être un très gros problème », dit celle qui travaille dans le cadre de l’effort international de nettoyage de Tchernobyl.

La chute de l’Union soviétique, survenue cinq ans plus tard, est souvent liée à l’explosion de 1986. Le Dr Taras Kuzio, chargé de recherche à la Henry Jackson Society, estime que la prise de contrôle de Tchernobyl doit être considérée comme une victoire symbolique pour le président Poutine. « Poutine a l’état d’esprit de quelqu’un qui ne peut se remettre du fait que l’URSS s’est désintégrée il y a trente ans, et que tout a commencé à se désintégrer après Tchernobyl », a déclaré à la BBC le Dr Kuzio, qui est d’origine ukrainienne.

https://reporterre.net/L-armee-russe-a-investi-la-zone-de-Tchernobyl

#nucleaire #guerre #Ukraine #Tchernobyl

Publié dans Nucléaire

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