JETEZ VOS SMARTPHONES ! (2ème partie)

Publié le par Résistance verte

Contre le laissez-passer sanitaire.

 

LES DONNÉES DE SANTÉ, L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE,
ET LES CONSÉQUENCES DE LA PLATEFORMISATION DE L’ÉTAT

La chroniqueuse à Reporterre Célia Izoard dénonce : « ce monde-là (qui) repose sur ce qui est présenté depuis plus de vingt ans comme la clé de la compétitivité économique, résumé par le sigle « NBIC » : nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives. Face à une pandémie, il se déploie sous la forme d’une politique sanitaire exclusivement fondée sur la vaccination et le traçage numérique (et) s’inscrit (…) dans une politique industrielle. Ses enjeux ont été clairement explicités dans le rapport Villani de 2018 sur l’intelligence artificielle : face à la concurrence des géants internationaux, il faut créer « une politique économique articulée autour de la donnée » (…) tout particulièrement dans le secteur prioritaire de la santé. Ainsi, « l’un des rôles de la puissance publique à l’heure de l’IA [intelligence artificielle] est d’orchestrer le “monitoring” de l’ensemble du système sanitaire, c’est-à-dire d’identifier les données susceptibles d’être utilisées et d’organiser les modalités concrètes de leur collecte et de leur exploitation à des fins de santé. »

Et de constater que « dans des domaines qui pourraient nuire aux intérêts de l’agro-industrie, la chimie, la grande distribution, ou qui nécessitent des investissements dans des moyens humains, comme l’hôpital, aucun bouleversement à l’horizon (…) l’État est actionnaire de l’entreprise Doctolib, qu’il a chargée de la prise de rendez-vous pour la vaccination contre le Covid. Grâce à ce gigantesque marché intérieur ouvert par la contrainte vaccinale, l’entreprise a pu recueillir, sans qu’elles en soient informées,[les données de santé de la patientèle] (42) de tous les professionnels de santé inscrits sur la plateforme, ce qui a valu à Doctolib de se voir décerner en juin dernier, en Allemagne, un « Big Brother Award » (43). Elle peut désormais les monétiser et se livrer à toutes sortes d’expériences lucratives en matière de e-santé, ce qui pourrait lui permettre de dominer un marché estimé à entre 16 et 22 milliards d’euros. » (44)

Et de questionner : « en d’autres termes, la politique « sanitaire » du gouvernement (français, mais aussi israélien, chinois, etc.) est-elle une politique de santé publique ou une politique industrielle sur le front stratégique des big data et de l’intelligence artificielle ? » (45)

En juillet 2020, le «Ségur de la santé» a consacré (…) 2 milliards pour informatiser les données médicales (46) et organiser leur partage. Les Echos nous apprennent le 29 juin 2021 que « les laboratoires pharmaceutiques ont été reçus mardi à l’Elysée pour le Conseil stratégique des industries de santé (…) Deux milliards seront investis dans la bioproduction, la médecine numérique (…) » (47).

En ce sens et pour reprendre les termes de l’Institut Montaigne dans le rapport qu’il a récemment consacré au sujet, « le déploiement de la e-santé associé à un recueil systématique des données de santé fait partie des bases indispensables sur lesquelles doit reposer notre système de soins. Cette digitalisation est essentielle pour répondre aux nombreux défis auxquels le système fait face : l’explosion des maladies chroniques, le vieillissement de la population, l’évolution du nombre de soignants sur le territoire, la soutenabilité économique du système de santé et les nouveaux défis sanitaires et sociaux. (…) de nombreux outils numériques permettent déjà d’avoir une vision de ce que pourrait être la santé de demain : des patients acteurs de leur santé grâce aux objets connectés et au suivi à distance, des professionnels de santé accompagnés par des logiciels d’aide au diagnostic et aux traitements, un système de santé plus collaboratif et agile ». (48)

Un récent Rapport Sénatorial explique que « Le numérique n’est pas seulement indispensable à une meilleure gestion de la crise sanitaire au niveau individuel : l’enjeu est aussi celui de l’exploitation des données au niveau agrégé, à des fins de recherche médicale et de modélisation épidémiologique. C’est l’autre aspect majeur de la e-santé. Dans une crise comme celle du Covid-19, ces données constituent par exemple une ressource précieuse pour développer des vaccins ou des traitements, identifier d’éventuels effets indésirables ou prédispositions, et guider les autorités dans la prise de mesures difficiles (confinements, restrictions, etc.). Tel est précisément l’objectif du Health Data Hub (HDH), la plateforme des données de santé (PDS) créée par la loi Santé de 201965, à la suite notamment du rapport de Cédric Villani sur l’intelligence artificielle, qui pourrait faire de la France le leader mondial de l’IA en santé » (49)

Hubert Guillaud, à propos du livre écrit par de journalistes du site « Le Vent se Lève » sur le business des données médicales, précise : « Ne nous y trompons pas, expliquent les trois auteurs : la logique de fluidification de nos données ne vise pas le bénéfice du patient ni de la relation avec nos médecins… Elle masque des logiques de privatisation, de marchandisation et d’optimisation qui ne nous bénéficieront pas (…)

« La numérisation tous azimuts des données de santé (…) fait peser une série de menaces sur notre système social », que ce soit le remplacement des personnels par des machines (en fait, plus certainement, le découplage des métiers selon les actes, à l’image des ophtalmologistes qui ne réalisent plus tous les actes techniques de mesures dans certains centres de soins) et plus encore des diagnostics et des traitements par des calculs automatisés qui menacent la levée de la confidentialité sur notre santé. Mais surtout, elle implique un changement de paradigme, un changement de modèle où les chiffres sont partout reliés à une logique d’austérité comptable, où la mesure sert bien plus à minimiser la santé qu’à la développer. (…) Or, pour les trois auteurs, la technologie telle qu’elle est convoquée pour innerver notre système de soin risque de produire un modèle de santé très libéral. La technologie, là encore, est au service d’un modèle économique, politique et idéologique qui n’est pas celui du modèle de solidarité que nous avons bâti avec la sécurité sociale, mais un modèle bien plus assurantiel et comptable qui vise à produire des indicateurs pour piloter la santé, plutôt que des soins solidaires. La numérisation des données de santé vise d’abord à servir « de levier de contrôle sur la dépense publique de santé ». Pour le collectif InterHop, l’algorithmisation de la santé fait courir le risque de sa personnalisation au détriment du modèle de collectivisation des risques (…)

Les données de santé visent d’abord à produire des nomenclatures et indicateurs pour améliorer la gestion, des indicateurs statistiques, des logiques comptables au service de contraintes budgétaires. Les données de santé produisent d’abord la réduction des lits et des personnels, expliquent les auteurs. Elles produisent d’abord une surveillance comptable du soin. Elles visent l’efficience économique avant tout au risque de renforcer les inégalités de l’accès au soin déjà lourdes . (…)

Le projet de Health Data Hub (HDH), une plateforme pour centraliser toutes les données de santé de la population française afin de les rendre accessibles à des formes inédites de calculs par nombre d’acteurs de la santé, mais plus encore au secteur privé, comme l’expliquait très clairement la Quadrature du Net, est aujourd’hui au cœur des polémiques. La principale polémique tient du risque que cette plateforme de collecte et d’analyse de données de santé, opérée par Microsoft, fait peser sur la divulgation de nos données aux autorités américaines, comme l’explique le site d’information médical, What’s Up Doc. Mais cette polémique masque d’autres enjeux.

Les traitements que les projets de recherche en IA que la plateforme accueille visent essentiellement à produire des quantifications des risques associés à certaines pathologies pour un meilleur contrôle des coûts, mais également des analyses de données pour mieux évaluer leur rentabilité. Le Health Data Hub lancé en décembre 2019 est une structure de collecte de données de santé pour la recherche, comme le montrent les projets que le Hub accueille. Pour cela, elle agrège une multitude de bases de données auxquelles elle donne des accès : notamment la base de données du Sniiram (Système national d’information inter-régimes de l’assurance maladie) qui collecte les feuilles de soin de la Caisse nationale d’assurance maladie, le PMSI (programme de médicalisation des systèmes d’information, qui contient les dossiers de chaque patient hospitalisé en France), la Base de causes médicales de décès, mais aussi Vaccin Covid, Covidom (la base qui suit les personnes déclarées positives au Covid), Contact Covid (la base pour la recherche de contact autour des cas positifs au Covid)… Ainsi que nombre de bases de données hospitalières.

L’enjeu du HDH vise à construire une forme « d’hôpital comme plateforme », où la centralisation des données de santé devient une matière première pour les algorithmes des medtechs. (…) Pour Woillet, Favier-Baron et Boulard, comme ils l’expliquaient sur LVSL, le Health Data Hub vise à permettre à des entreprises privées d’accéder à des données pour construire des produits privés, qui ne bénéficieront pas nécessairement aux structures publiques. (…) Plus que le risque d’une captivité numérique, au final, pointent les auteurs, le risque est bien celui d’une « économie de santé intégrée par le numérique » qui risque de créer des oligopoles cliniques et assurantiels, qui visent à favoriser, « au bout du tunnel de la numérisation », non seulement la privatisation, mais bien l’accélération des inégalités de santé en documentant la rentabilité de chacune de nos capacités médicales par les données. (…)

Dans un excellent chapitre sur l’État plateforme, les auteurs du Business de nos données médicales soulignent très bien ce que les plateformes produisent. Ils y rappellent, combien le concept d’État plateforme a surtout été mobilisé dans un objectif comptable et dans une perspective de réduction des coûts visant à dégraisser l’administration (voir notamment « Mais comment passer des startups à l’État plateforme ? »). La plateformisation vise à produire une boîte à outils pour gouverner par l’efficacité, en pilotant l’offre par la mesure de la demande, c’est-à-dire à estimer les coûts médicaux de manière toujours plus dynamique. Le risque, comme le pointait le Conseil national de l’ordre des médecins, est bien celui d’une ubérisation de la médecine (.pdf). Pour Tim O’Reilly lui-même, initiateur du concept d’État plateforme (voir nos articles « Du gouvernement comme plateforme… ou l’inverse »), l’État plateforme vise à privilégier l’efficacité du résultat. « Cette vision prétendument post-idéologique ou post-politique présente le risque d’une dérive autoritaire puisqu’il s’agit d’autoriser pour un seul et même type d’objectif régalien – sanitaire par exemple -, toutes les techniques gouvernementales possibles pourvu qu’elles l’atteignent « efficacement ». »

Le risque est bien de réduire la politique à une technique de résolution de problèmes logiques, à une « névrose solutionniste » à la recherche de sa seule efficacité. L’État n’a plus que vocation à départager les fournisseurs de service selon des critères d’efficacité, de rentabilité, d’optimisation des coûts, et non plus selon des critères de fourniture d’un service public ou d’une mission sociale de l’État ! « Le gouvernement devrait-il fournir des soins de santé ou laisser cette tâche au secteur privé ? La réponse se trouve dans les résultats ».

Le problème c’est que l’État risque toujours d’être désavantagé dans cette balance, puisque les critères de succès qu’on y applique sont ceux du secteur privé. « Cette instrumentalisation de la puissance publique au service d’intérêts privés s’incarne en France encore une fois avec le cas d’école du Health Data Hub dont la stratégie affichée de « valorisation des données publiques » aboutit paradoxalement à son ouverture au privé, à une extension de l’empire du marché sur un bien public. » Derrière l’ouverture des données publiques promue comme un enjeu démocratique se cache l’enjeu de leur privatisation et de leur marchandisation. Le gain scientifique ou démocratique de l’ouverture des données semble trop souvent un prétexte bien commode à leur valorisation marchande. Au final, l’ouverture des données couvre surtout une transmission numérique (…) Derrière l’ouverture des données de la santé, l’enjeu est d’abord que le secteur privé prenne le relais des investissements publics. À plus long terme, la technologie a pour mission d’ajuster en temps réel les remboursements et les tarifications de santé, c’est-à-dire de piloter la santé par les données ». (50)

 

CHANGER DE LOGICIEL POUR UNE SANTÉ ENVIRONNEMENTALE

Le curatif est indispensable. Pour autant, la question centrale de la santé environnementale, le « One Health » prôné par l’OMS, est totalement absente. L’Appel du Collectif Inter-associations pour la Santé Environnementale signé par une trentaine d’associations nationales reconnues (Greenpeace, Ligue des Droits de L’Homme, Réseau Environnement Santé, Priartem, etc.) est pourtant de nature à nourrir le débat : « il est urgent de le soulager du poids croissant des maladies chroniques, en établissant le second pilier du système de santé complémentaire au système de soins : la santé environnementale.

La crise sanitaire révèle encore davantage les liens très forts entre l’environnement et la santé. Si la naissance des zoonoses apparaît liée à la destruction et l’exploitation de la biodiversité, les conditions de leur développement sont liées à plusieurs facteurs parmi lesquels la fragilisation des populations atteintes de maladies chroniques. Dans de telles circonstances, la santé publique ne peut se focaliser uniquement sur le curatif, certes indispensable, mais doit d’urgence intégrer la prévention primaire, pour permettre à chacune et à chacun de ne pas tomber malade à cause de son environnement. Il est urgent de revoir notre modèle de santé, de changer de paradigme et de référentiel, de penser la santé par une approche « Une seule santé », alliant les santés humaine et animale, ainsi que celle des écosystèmes (…) Il est essentiel de réduire les pollutions d’origine humaine, qu’elles soient chimiques, physiques ou biologiques, et leurs potentiels effets cocktail. Il est urgent de préserver et restaurer la qualité de l’alimentation, des eaux, de l’air ou des sols (…). » (51)

Et le Réseau Environnent Santé de préciser dès juin 2020, sur le rôle des comorbidités dans l’aggravation de la crise sanitaire : « Une des leçons majeures de la crise est que les malades chroniques ont été les grandes victimes du COVID : 84 % des comorbidités chez les victimes du COVID selon Santé Publique France. Mais ce constat a vite été évacué sous couvert de l’âge. Une donnée majeure éclaire cet enjeu : en France, le nombre de grandes maladies chroniques (Maladies cardiovasculaires, diabète, cancer) a doublé entre 2003 et 2017, ce qui veut dire qu’il y a 14 ans, il y aurait eu, par principe, moitié moins de victimes potentielles ». (52)
 
Un Rapport Parlementaire de 2018 nous donne à voir l’état sanitaire sanitaire préalable au Covid : « Selon la Haute autorité de santé, en 2012, plus de 15 à 20 millions de Français souffraient d’une maladie chronique, la Caisse nationale d’assurance maladie précise sur ces maladies chroniques que 10,7 millions de personnes sont en « affections de longue (53) De plus, d’après les travaux du chercheur Anthony Fardet de l’Inra, en 2010, 36 % des décès seraient attribuables directement ou indirectement à une mauvaise alimentation » (54)

Santé publique France estime notamment que la pollution par les particules fines émises par les activités humaines est à l’origine chaque année d’au moins 48 000 décès prématurés, ce qui correspond à 9% de la mortalité en France et à une perte d’espérance de vie à 30 ans pouvant dépasser deux années (55). Cette agence ajoute même que la pollution de l’air est un co-facteur de morbi-mortalité de la COVID-19 (56).

« Face au virus Sars-cov2, 18 mois après le début du premier confinement, plusieurs mesures fondamentales de protection de la population et de prévention des maladies n’ont toujours pas été prises. Sur les 160 000 lits d’hôpitaux fermés en France entre 1990 et 2017, le gouvernement s’est vaguement engagé à en rouvrir 4 000 lors du Ségur de la santé. De même, alors qu’on a très tôt établi que les victimes les plus fréquentes du Covid sont les malades chroniques, atteints de pathologies liées à l’alimentation et à la pollution générale (maladies respiratoires, cardiovasculaires, obésité, diabète, hypertension et cancers), aucune mesure de santé publique liée à ces problèmes majeurs n’a été prise, telle l’interdiction de la publicité pour les aliments ultratransformés ou les fast foods, la limitation des phtalates ou des perturbateurs endocriniens, une sortie rapide des pesticides en agriculture » (57)

Célia Izoard ajoute : « Concernant la prévention des zoonoses, sources d’explosions épidémiques, alors même que le ministère de la Transition écologique met explicitement en avant le rôle de l’élevage industriel dans l’apparition des épidémies, les installations gigantesques se multiplient dans toute la France, facilitées par la loi Asap (« Accélération et simplification de l’action publique », nommée en référence à l’expression [« As soon as possible »|« Aussi vite que possible », en français]). » (58)
 
Un des aspects de cette santé environnementale, impactée par les portables, concerne les effets des ondes artificielles. L’électro-hypersensibilité est une des conséquences : l’Agence de sécurité sanitaire (Anses) estime ainsi à 3,3 millions le nombre de Français qui disent en souffrir (soit 5 % de la population) (59). Nous ajoutons que Santé Publique France pointe 4 fois plus de nouveaux cas de glioblastomes entre 1990 et 2018 : les ondes artificielles sont avancées comme explication (60). Le consensus scientifique amène à ces explications de l’ANSES : « sur les effets à long terme d’une utilisation intensive du téléphone portable. Certaines études montrent des excès de risques pour les cancers ou les tumeurs du cerveau » selon Olivier Merckel chef d’unité d’évaluation des risques liés aux agents physiques (61). Une « utilisation intensive » est de nos jours… très habituelle, car selon l’ANSES elle équivaut à 30 minutes par jour…. « certaines études ont en effet mis en évidence la possibilité des risques accrus de cancers du cerveau en cas d’usage intensif du mobile (de 30 minutes par jour) » ajoute O. Merckel (62).L’OMS parle, pour le même temps d’utilisation, de « grands utilisateurs » : « une étude rétrospective de l’utilisation du téléphone portable (jusqu’en 2004) a montré un risque accru de 40 % de gliome chez les plus grands utilisateurs » (63). En ce sens 30 minutes d’utilisation quotidienne pendant 10 ans multiplie par 2 le risque de gliome, et par 7 si l’utilisation a démarré avant l’âge de 20 ans (Hardell) (64). Aussi selon l’Institut de Santé Publique, d’Épidémiologie et de Développement de l’Université de Bordeaux, téléphoner 900 heures au total dans une vie, soit 30 minutes par jour pendant 5 ans, multiplie le risque de gliome par 2,5 et téléphoner 15 heures par mois multiplie par 4 le risque (65). Selon le Dr Bann du Centre International de Recherche sur le Cancer (qui dirigea le comité d’expert de l’OMS), au sujet du classement en 2B en 2011 par l’OMS de toutes les radiofréquences et micro-ondes utilisées par les téléphones et autres gadgets : « on ne peut pas dire qu’il n’y a rien par ce que l’épidémiologie (montre qu’) il y’a quelque chose (…) » (66) (voir à ce sujet nos synthèses (67) et « Le livre noir des ondes » des Pr Belpomme et Le Ruz, et de Maîtres Cachard et Lafforgue)

TECHNOLOGIE ET CAPITALISME

Quelle est le rôle de la technique en ces évolutions sociétales ?

Comme l’explique le Groupe Marcuse en son livre « La liberté dans le coma » : « la technique n’explique pas le cours des choses, elle le cristallise et le canalise. Elle traduit des orientations collectives et des rapports de forces. Elle assoit le pouvoir de certains groupes et donne une forme à leur domination sur la nature et sur les autres hommes (…) le succès de ces techniques est l’aboutissement du mouvement historique de soumission de la réalité matérielle et culturelle à des procédures de traitement mécanisé, puis informatisé, qui a pris son envol au tournant du 19 et du 20ème siècle  (…) dans une société de masse, c’est à dire dans une société qui n’est pas organisée à échelle humaine (…) le monde des hommes apparaît comme (…) réductible à des algorithmes, à des régularités statistiques». (68)

L’historien des techniques David Noble qualifie la technique de « processus social » : «d’une part la technologie est un facteur majeur de transformation sociale, et d’autre part, ce qui guide le développement technologique, c’est l’objectif de réaliser un certain ordre social, celui du capitalisme. Ainsi « le développement de la technologie moderne et le développement du capitalisme industriel sont les deux faces d’un même processus de transformation sociale ». L’expression techno-capitalisme souligne cette relation étroite entre la dynamique du capitalisme et la dynamique de l’évolution technique. (69)

Pièces et Main d’Oeuvre parle de « volonté de puissance », comme libido des dirigeants du techno- capitalisme : « les capitalistes sont avant tout des passionnés de puissance qui accumulent les moyens de la puissance dans la société de leur temps : les vaches, la terre, les armes, l’argent, les machines (…) Le profit capitaliste est d’abord un moyen d’acquérir des moyens – les fameux “moyens de production et d’échange” que les communistes veulent collectiviser (…) le concept de lutte de classes opposant homme libre et esclave, patricien et plébéien, baron et serf, maître de jurandes et compagnon, bourgeois et prolétaire, décideur et exécutant, “bref oppresseurs et opprimés”, reste valide. Tout au plus devrait-on généraliser sous la forme “mécanocrates (détenteurs des moyens /machines) et acrates (les sans pouvoir)”. Mais il est vrai qu’il s’agit là de néologismes assez lourds et pédants » (…) Traduction : qui maîtrise la technologie maîtrise l’évolution. La technocratie, classe dirigeante du techno-capitalisme, a seule la maîtrise et la possession des machines et des moyens – mekhanê désigne les deux en grec –  pour orienter et contrôler la suite de l’histoire humaine selon son désir de toute-puissance ». (70)

Renaud Garcia (71), sur radio Libertaire explique : « on nous le reproche souvent « vous surestimez le facteur technologie et le capitalisme disparaît »… tout dépend de la définition du capitalisme (…) Marx ne parle pas de « capitalisme », il y’ a un mot chez lui, il y’ a les « capitalistes » qui sont les officiers de l’accumulation du capital (qui est) une grande machine (…) il faut dévorer le plus possible de territoires matériels ou immatériels (…) c’est une logique d’accumulation sans fin et pour la réaliser, il faut pouvoir se représenter le monde et l’être humain comme une donnée quantifiable (ce qui implique) une représentation physique du monde, une accumulation du capital, et une transformation de tout ce qui était naturel et de tout ce que savait faire les hommes par eux-mêmes, en marchandises (…) et pour avoir une production de masse, il ne faut plus seulement avoir des machines, il faut avoir des systèmes de machines. C’est là que l’on passe de la technique avancée à la technologie. Ce qui signifie que si on définit (le capitalisme ) comme cela, le capitalisme est intrinsèquement lié à l’industrie (…) le capitalisme et l’industrie c’est le règne de l’abstraction.

Par contre si l’on commence à définir le capitalisme et non plus par « l’accumulation du capital » mais comme « un rapport de propriété », car si on le définit comme cela, on peut se réapproprier la machine et l’utiliser pour de bons usages communs (…) utiliser le Big data (…) ce qu’a fait le Chili sous Allende, le projet Cybersyn, qui était un projet de gestion de l’économie centralisée (…) pour mettre en place le même genre de société cybernétisée et automatisée. Mais pourquoi ? Car le capitalisme est simplement considéré (dans ces cas) comme étant lié à des rapports de propriété. (Mais) le capitalisme c’est l’accumulation du capital, et donc il est par essence industriel. Donc lorsque l’on s’en prend à la logique industrielle et donc à la transformation technologique par le système des machines du monde réel et de note humanité, on est anticapitaliste de fait » (72).
 
POUR AGIR CONTRE LE LAISSEZ- PASSER (73) SANITAIRE :
SE DEBARASSER DES SMARTPHONES !

 
S’en débarrasser collectivement, c’est s’en prendre au symbole de ce capitalisme numérique et son modèle économique pourrait en être atteint.

Félix Treguer : « (…) Les stratégies qui visent à juguler les effets néfastes de l’informatique et son imbrication aux dispositifs de pouvoir, en s’appuyant sur le droit – le droit des données personnelles notamment – ou sur des réponses techniques – comme le développement de la cryptographie pour protéger la vie privée -, touchent clairement à leurs limites. Il faut sans doute les articuler avec un refus plus radical. Il me semble que le phénomène d’automatisation croissante des bureaucraties, présenté comme inéluctable au nom de l’efficacité, de la rationalité, du moindre coût, génère un malaise de plus en plus grand. On l’a vu dans l’opposition à Parcoursup [l’application qui gère l’affectation des bacheliers dans les universités], on le voit avec les parents d’élèves qui s’opposent à l’expérimentation de la reconnaissance faciale dans les établissements scolaires. Ce sont autant de signes de résistance à des formes de gouvernement par l’informatique, à partir desquelles il faudrait pouvoir construire une réponse collective ». (74)

Le groupe Écran total Occitanie le 4 septembre 2021 : « Il faut cesser d’alimenter la machine sociale en informations qui servent à nous gérer, nous contrôler, nous déposséder constamment de nos maigres prérogatives : reprendre de vieux téléphones mobiles et des lignes de téléphone fixe ; réduire systématiquement les traces que nous laissons sur Internet, et pour cela en réduire notre utilisation, même pour nous informer et lutter. Aujourd’hui, il n’y a presque que ce genre de déprise numérique d’une partie de la population qui pourrait contrarier et effrayer les dirigeants politiques, industriels, et » (75)

Dans une déclaration lue à Saint Antonin Noble Val le 9 septembre 2021, nous entendons : « C’est pourquoi la résistance de restaurateurs des villages alentours à l’application du passe dans leur établissement constitue pour nous le type d’acte de désobéissance dont notre société a besoin pour ne pas se cliver et sombrer, face à un pouvoir technocratique qui tente de la mettre à genoux (…) nous nous retrouvons sur la conviction que le passe sanitaire n’est pas un outil de santé publique efficace : c’est d’abord un outil de politique industrielle, et de soumission de la population.» (76)

« Pour résumer, l’état d’urgence sanitaire permet à l’État de remplir ses deux fonctions historiques essentielles : le maintien de l’ordre et le pilotage de la croissance économique. La protection de la santé publique ne s’y rattache que par accident, si et seulement si elle satisfait également ces deux premières conditions. La protection des libertés, elle, est le produit d’un rapport de forces. Nous devons aujourd’hui lutter pour nos libertés, ne serait-ce que pour défendre des pratiques de santé qui ne soient pas assujetties à la croissance économique, mais qui, au contraire, la combattent — car nous les savons, à terme, malheureusement incompatibles ». (77)

« Nous n’avons pas besoin de technologies qui nous déresponsabilisent, en disant et décidant à notre place où nous pouvons aller. Ce dont nous avons besoin, c’est d’exercer notre responsabilité personnelle, pour pallier les défaillances et le cynisme des dirigeants. Nous avons besoin de construire par le bas, avec l’aide des soignants, des règles de prudence collective raisonnables et tenables sur la longue durée. Et pour que les inévitables contraintes fassent sens, nous n’avons pas seulement besoin de savoir en temps réel quelle est la situation dans les services d’urgence. Nous avons besoin d’une réflexion collective et conséquente sur notre santé, sur les moyens de nous protéger des multiples pathologies que génère notre mode de vie : les futurs virus, autant que leurs divers facteurs de « co-morbidité », tels que l’asthme, l’obésité, les maladies cardiovasculaires, le diabète et bien sûr le cancer.

Cette crise met une fois de plus en évidence le problème de la dépendance des peuples envers un système d’approvisionnement industriel qui saccage le monde et affaiblit notre capacité à nous opposer concrètement aux injustices sociales. Nous percevons que seule une prise en charge collective de nos besoins matériels, à la base de la société, pourrait permettre, dans les troubles à venir, de trouver à manger, de se soigner, d’accéder aux services de base. Il faut comprendre que l’informatisation va à l’encontre de ces nécessaires prises d’autonomie : le système numérique est devenu la clé de voûte de la grande industrie, des bureaucraties étatiques, de tous les processus d’administration de nos vies qui obéissent aux lois du profit et du pouvoir » (78)

Loïc Santiago

42 https://www.franceinter.fr/justice/doctolib-le-chiffrement-des-donnees-incomplet

43 https://bigbrotherawards.de/en/2021/health-doctolib

44 https://reporterre.net/Sous-le-masque-du-Covid-la-numerisation-integrale-de-la-societe?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=nl_hebdo

45 ibidem

46 https://esante.gouv.fr/node/4619

47 https://www.lesechos.fr/economie-france/social/medicament-le-gouvernement-debloque-7-milliards-deuros-pour-lindustrie-de-la-sante-1328056

48 Institut Montaigne, « e-santé : augmentons la dose ! », juin 2020

49 Rapport Sénatorial « Crises sanitaires et outils numériques : répondre avec efficacité pour retrouver nos libertés Rapport d’information » n° 673 (2020-2021) de Mmes Véronique GUILLOTIN, Christine LAVARDE et M. René-Paul SAVARY, fait au nom de la délégation sénatoriale à la prospective, déposé le 3 juin 2021 https://www.senat.fr/rap/r20-673/r20-673.html

50 https://www.internetactu.net/2021/11/10/des-enjeux-de-nos-donnees-de-sante-1-2-le-risque-dun-changement-radical-de-notre-systeme-de-sante/

51 https://www.priartem.fr/Journee-mondiale-de-la-sante-Appel.html

52 http://www.reseau-environnement-sante.fr/wp-content/uploads/2020/06/CP-RES-COVID-19-N8-Post-COVID-15-juin-2020.pdf

53 https://reporterre.net/Malgre-le-Covid-la-sante-environnementale-reste-aux-oubliettes

54 Rapport n°1266 de l’Assemblé nationale, fait au nom de la commission d’enquête sur « l’alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l’émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance », présenté par Loïc Prudhomme et Michèle Crouzet, 28 septembre 2018 , p. 10
https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cealimindu/l15b1266-ti_rapport-enquete.

55 https://www.occitanie.ars.sante.fr/qualite-de-lair-exterieur-3?parent=6648

56 https://www.santepubliquefrance.fr/dossiers/coronavirus-covid-19/enjeux-de-sante-dans-le-contexte-de-la-covid-19/articles/pollution-de-l-air-et-covid-19

57 Déclaration de St Antonin Noble Val, 9 septembre 2021 : https://ccaves.org/blog/wp-content/uploads/declaration-de-Saint-Antonin-9-sept.pdf

58 https://reporterre.net/Sous-le-masque-du-Covid-la-numerisation-integrale-de-la-societe

59 https://www.lemonde.fr/planete/article/2018/03/27/electrosensibles-les-experts-preconisent-une-prise-en-charge-adaptee_5276783_3244.html

60 https://www.phonegatealert.org/cancers-cerveau-glioblastomes-2018-sante-publique-france

61 https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/01/27/5g-l-anses-pointe-un-manque-important-dedonnees-ong-et-scientifiques-reclament-un-moratoire_6027322_3244.html

62 https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Sciences-et-ethique/5G-effets-sanitaires-restent-explorer-2020-02-26-1201081612

63 Communiqué de presse de l’OMS et du CIRC du 31 mai 2011

64 L. Hardell, Calberg,Physiopatholgy, 2013 p.85-110 cité par Brossard et Milesi dans « La Pollution électromagnétique » Ed Terre Vivante, 2018

65 British medical journal Mobile phone use and brain tumours in the CERENAT case-control study Gaëlle Coureau, Ghislaine Bouvier, Pierre Lebailly, Pascale Fabbro-Peray, Anne Gruber, Karen Leffondre, Jean-Sebastien Guillamo, Hugues Loiseau, Simone Mathoulin-Pélissier, Roger Salamon, Isabelle Baldi.
https://oem.bmj.com/content/early/2014/05/09/oemed-2013-101754.short?g=w_oem_ahead_tab

66 film « Ondes sciences et manigance » (Nancy de Méritens, 2014) https://youtu.be/MXfXUokgAUo

67 https://ccaves.org/blog/collectif-du-vallon/

68 Groupe Marcuse, La liberté dans le coma. Essai sur l’identification électronique et les motifs de s’y opposer, ouvr. cité.

69 https://lundi.am/Les-penseurs-du-vivant-Lordon-et-la-question-de-la-technique

70 https://comptoir.org/2018/04/20/pieces-et-main-doeuvre-nous-ne-vivons-plus-en-democratie-mais-en-technocratie/

71 Membre de la revue d’étude et d’expression anarchiste Réfractions, et du collectif de l’Appel de Beauchastel contre l’école numérique. Il poursuit des recherches sur l’anarchisme, le socialisme et l’écologie politique. Il a réalisé plusieurs études et traductions sur Kropotkine. Il a récemment publié Pierre Kropotkine ou l’économie par l’entraide (Le Passager clandestin, 2014) et La Nature de l’entraide (ENS éditions, 2015).

72 Octobre 2021 Extraits
https://ccaves.org/blog/wp-content/uploads/renaud-garcia-radio-libertaire.mp3

73 Voir l’analyse de  Clément Schouler, magistrat, membre du Syndicat de la Magistrature https://blogs.mediapart.fr/laurent-mucchielli/blog/170821/le-laisser-passer-sanitaire-un-dispositif-discriminatoire-au-sens-de-la-loi

74 https://www.liberation.fr/debats/2019/12/15/felix-treguer-l-informatique-accentue-les-rapports-de-pouvoir-plus-qu-elle-n-egalise-les-rapports-de_1769374/

75 https://ccaves.org/blog/wp-content/uploads/tract-Albi-septembre.pdf – texte cité.

76 https://ccaves.org/blog/wp-content/uploads/declaration-de-Saint-Antonin-9-sept.pdf

77 Texte cité https://reporterre.net/Sous-le-masque-du-Covid-la-numerisation-integrale-de-la-societe

78 Ne laissons pas s’installer le monde sans contact – appel au boycott de l’application Stop-covid, texte cité.

https://ccaves.org/blog/contre-le-laissez-passer-sanitaire-jetez-vos-smartphones/

 

 

Publié dans 5G, Contrôle numérique

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