BRUXELLES RÉSISTE À LA 5G
En France comme dans beaucoup de pays d'Europe, la limite de protection contre les champs électromagnétiques est fixée à 61 volts par mètre (V/m), fixée par l'ICNIRP, un organisme privé soupçonné à raison de conflits d'intérêts.
Partout ? Non, 3 pays avaient jusque là une norme plus protectrice à 6 V/m (10 fois moins !) : l'Italie, la Suisse et la Belgique (fixée par régions).
Les lobbys pro 5G ont donc poussé les gouvernements respectifs à relever ces normes (jusqu'à 61 V/m ou, comme à Bruxelles, à 14 V/m). Ce qui démontre au passage que la 5G va bien exploser les émissions d'ondes, contrairement à ce que peuvent en dire ses promoteurs.
Cependant, les contestations ont eu raison de ces volontés gouvernementales
- en Italie par une grève de la faim très médiatisée de 135 personnes
- en Suisse par une action plus institutionnelle, mais très efficace elle-aussi
- c'est le tour de la région bruxelloise auquel nous souhaitons le même succès. (...)
Denis, pour le collectif Stop Linky 5G Loire
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14,5 V/m à Bruxelles : déni climatique et sanitaire ?
À la fin du mois de juillet 2021, le gouvernement bruxellois a convenu de porter la limite de protection contre les CEM-RF (champs électromagnétiques de radiofréquence) de 6 V/m (0,1 W/m2) [i] à 14,5 V/m (0,56 W/m2) soit une multiplication par plus de 5 de l’impact que peut subir tout habitant de la Région du fait des antennes de téléphonie mobile et autres. Ce faisant, il ouvre aussi la porte au déploiement de la 5G, en évacuant sans état d’âme les conséquences délétères de ce déploiement, tant en termes de santé publique qu’en termes d’augmentation de consommation d’énergie et de ressources non renouvelables, donc des émissions de GES (gaz à effet de serre) et d’aggravation du réchauffement climatique.
Le GIEC dans son 6e rapport publié ce 9 août [ii] tire une fois de plus la sonnette d’alarme : « L’influence humaine a sans équivoque réchauffé l’atmosphère, l’océan et les terres émergées. Chacune des quatre dernières décennies a été successivement plus chaude que toute décennie depuis 1850. La concentration de CO2 (gaz carbonique ) dans l’atmosphère dépasse les 410 ppm, un niveau jamais atteint depuis deux millions d’années [iii] ».
Les températures vont continuer de grimper et même de plus en plus vite : sans mesures radicales de réduction des émissions de CO2 (gaz carbonique) et de méthane, le réchauffement de 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle sera atteint près de 10 ans plus tôt que prévu, soit d’ici 2030, tout en sachant qu’une hausse de 2 °C de la température moyenne mondiale serait apocalyptique et que les engagements actuels de réduction d’émission des gaz à effet de serre nous mènent sur une trajectoire de + 3 degrés avant la fin du siècle. Le changement climatique « produit déjà de nombreux extrêmes climatiques dans chaque région du globe » , comme vagues de chaleur démesurée, pluies intenses et inondations, sécheresses et ouragans. Au programme des prochaines années de notre coin d’Europe où nous sous-estimons largement notre vulnérabilité face au réchauffement : plus de journées caniculaires à plus de 35 °C, plus de sécheresse l’été et plus de pluies concentrées notamment l’hiver et donc plus d’inondations catastrophiques et mortelles comme nous venons de connaître en Belgique et en Allemagne.
Les autres régions du globe ne seront pas en reste comme le montre la récente succession d’événements climatiques extrêmes : précipitations violentes suivies d’inondation à Moscou fin juin, en Inde et en Chine fin juillet, en Afghanistan, au Nigeria, au Panama, etc. ; méga-incendies en Sibérie (plus de 10 millions d’hectares réduits en cendre) et en Amérique du Nord, mais aussi en Grèce (plus de 100 000 hectares détruits) et en Turquie ; températures records à plus de 45 °C dans l’ouest du Canada et en Inde ; sécheresse et pénurie d’eau records en Iran, Angola, États-Unis et ailleurs. Personne ne s’étonnera que ce mois de juillet ait été le mois le plus chaud (+ 1,54 °C) depuis le début des mesures (142 ans) [iv].
Se pourrait-il que les membres du gouvernement n’aient pas encore compris la relation qu’il y a entre la consommation d’énergie, la production de gaz à effet de serre et le réchauffement climatique, qu’il ne peut y avoir de réduction radicale de nos émissions de gaz à effet de serre sans une réduction équivalente de notre consommation d’énergie ? Ignoreraient-ils que la transmission des données par les techniques sans fil est énergétiquement inefficace par rapport à la transmission par fibre optique qui devrait être la seule technologie à promouvoir ? Ne sauraient-ils pas que la consommation d’énergie liée au déploiement de la 5G aboutira à une augmentation de 2 % de la consommation annuelle d’électricité du pays, ce à quoi il faut ajouter une quantité d’énergie encore supérieure pour les infrastructures et les équipements ? [v] N’auraient-ils pas lu le Haut Conseil pour le climat [vi] selon qui la mise en œuvre de la 5G pourrait correspondre à près d’un pour cent de toutes nos émissions de GES d’aujourd’hui ?
Finalement, ne sauraient-ils pas que pour coller au scénario d’une limitation du réchauffement à 2 °C, un moindre mal néanmoins extrêmement douloureux, il faut réduire dès maintenant nos émissions de GES de 2 % par an, chaque année jusqu’en 2050 ?
Ce gouvernement n’a, semble-t-il, pas encore pris conscience que tout nouveau projet devrait être passé au crible de l’impact sur le climat, la biodiversité et la durabilité. Soit il n’est en rien préoccupé par le réchauffement climatique et la préservation du bien commun, soit il est d’une ignorance crasse indigne de ceux qui sont chargés de la bonne marche d’un pays.
Au plan sanitaire, en endossant cette hausse de la norme de protection, le gouvernement bruxellois poursuit la même politique du laisser-aller à l’œuvre depuis une dizaine d’années : en 2007, suivant l’avis du Conseil supérieur de la Santé, la limite avait été établie à 3 V/m (0,024 W/m2), avec l’intention de la réduire par la suite, le temps que les opérateurs s’adaptent. C’est le contraire qui s’est produit en 2013 où la limite a été multipliée par 4 en étant portée à 6 V/m (0,1 W/m2), au bénéfice de la 4G et des opérateurs. Aujourd’hui, par rapport à la norme de 2007, le gouvernement propose donc de multiplier la limite par plus de 20.
Ce qui n’empêche pas le ministre de l’Environnement, Alain Maron, Ecolo (sic), de se réjouir (« Des hommes politiques satisfaits et optimistes », titrait le journal La Libre du 23 juillet 2021), en s’appuyant sur l’avis de la commission délibérative, ce processus mis en place pour donner l’illusion à 45 citoyens sélectionnés qu’ils pouvaient peser sur les décisions politiques alors que le seul objectif était de les utiliser pour cautionner le déploiement de la 5G [vii] : « j’ai soutenu que la 5G nécessitait un débat serein avec la population. Je me réjouis que ce débat ait pu avoir lieu au sein de la commission délibérative, qui a réuni à la fois les citoyens et les politiques. Il ressort clairement de ces recommandations un souhait de pouvoir bénéficier de la 5G tout en gardant une norme protectrice et un encadrement des conséquences environnementales en termes d’énergie et de déchets ». Au-delà de toute turpitude, le ministre-président Rudi Vervoort (PS) fait de la surenchère en déclarant : « Et cela, sans transiger sur la protection nécessaire de nos concitoyennes et concitoyens, ni sur celle de l’environnement »[viii].
Rappelons ici une fois de plus les limites recommandées par les experts scientifiques indépendants : les auteurs du rapport BioInitiative [ix] recommandent une limite de l’ordre de 5 μW/m2 (microwatt/m2 soit 0,04 V/m) pour l’exposition cumulée des ondes de RF à l’extérieur des habitations. L’Académie européenne de médecine environnementale (EUROPAEM) recommande 100 μW/m2 (0,2 V/m), mais 10 fois moins durant la période de sommeil et 100 fois moins pour les enfants (1 μW/m2, soit 0,02 V/m). Donc, une limite de 100 000 à 500 000 fois moins que celle que soumettra Alain Maron au vote du parlement bruxellois prochainement. Elle peut sembler basse, mais elle est encore un milliard de fois supérieure à l’intensité du CEM-RF naturel [x]. Rappelons aussi que, dès à présent, environ 5 % de la population souffre du syndrome d’électrohypersensibilité du fait de la pollution électromagnétique et que ce pourcentage et la souffrance de ces personnes ne pourront qu’augmenter avec l’augmentation de la limite de protection.
Au mois de septembre ou d’octobre, lorsque le texte de loi réduisant la protection des citoyens à l’égard des CEM-RF et allant à l’exact opposé de ce qu’il faudrait faire pour atténuer le réchauffement climatique sera soumis au parlement, assistera-t-on à un sursaut salvateur des députés bruxellois ?
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[i] V/m : volt par mètre, l’unité de mesure du champ électrique du CEM. W/m2 : watt par mètre carré, une unité de mesure de la densité de puissance du CEM. C’est la densité de puissance qu’il faut utiliser pour comparer l’intensité (l’impact) de deux CEM.
[ii] www.ipcc.ch/languages-2/francais/
[iii] La concentration en CO2 dans l’atmosphère est directement corrélée à la température moyenne du globe.
[iv] NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration) www.noaa.gov/news/its-official-july-2021-was-earths-hottest-month-on-record
[v] Voir notre document Impact du déploiement de la 5G sur la consommation de l’énergie et le climat , www.stop5g.be/energie-climat
[vi] Le Haut Conseil pour le Climat est une instance consultative chargée d’apporter un éclairage indépendant sur la politique du Gouvernement français en matière de climat. Il a été mis en place par la présidence de la France.
[vii] Voir notre communiqué du 18 juin 2021, « Faire semblant d’écouter les citoyens est pire que les ignorer », www.stop5g.be/fr/lettre/CP/20210618.htm
[viii] rudivervoort.brussels/news_/…
[ix] Voir notre résumé du rapport BioInitiative, www.stop5g.be/fr/#bio
[x] Donnée de la NASA, lire Planetary electromagnetic pollution : it is time to assess its impact (Priyanka Bandara, David Carpenter), www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2542519618302213
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