LA GRÈCE À NOUVEAU EN ÉBULLITION

Publié le par Résistance verte

 

La Grèce à nouveau en ébullition. Un prisonnier politique en grève de la faim et de la soif est sur le point de mourir, 40 ans après la mort de Bobby Sands dans l’indifférence cruelle de Margaret Thatcher. Ce serait une première en Union Européenne et cela provoque beaucoup de débats, de tensions, d’actions, d’occupations, de manifestations… Ce soir encore, des milliers de personnes ont rompu le couvre-feu pour aller manifester, des bâtiments publics ont été occupés et des lieux de pouvoir attaqués. La tension ne cesse de monter et elle est palpable un peu partout ici.
 
Dimitris Koufontinas est en prison depuis 20 ans pour avoir participé dans sa jeunesse aux actions du groupe communiste révolutionnaire 17 novembre au sein duquel il a assassiné pour la plupart des anciens collaborateurs grecs et américains de la dictature des Colonels. Le nom du groupe provient du jour où le régime a tiré sur les insurgés autour de l’École Polytechnique, dans le quartier d’Exarcheia à Athènes, le 17 novembre 1973, avec des tanks et de l’armement lourd. Après la chute de la dictature, la purge n’a jamais été faite et beaucoup d’anciens responsables de la junte sont restés dans les arcanes du pouvoir. Voilà l’argument qu’a donné à l’époque Dimitris Koufontinas pour, selon lui, venger les victimes du 17 novembre. Quand ce groupe a été démantelé, il y a 20 ans, Koufontinas s’est rendu de lui-même pour ne pas faire porter le chapeau à ses camarades arrêtés et assumer sa part de responsabilité. À partir de 2010, selon la Loi grecque, il avait la possibilité de bénéficier de permissions qui ne lui ont finalement été accordées qu’à partir de 2017, sous Tsipras, ce qui lui a permis de voir son fils Hector du fait de sa « bonne conduite » en prison et de sa ponctualité. Après un bras de fer de plusieurs semaines début 2019, il a également été transféré dans une prison rurale aux activités agricoles en plein air.

Cette année, il aurait pu solliciter une remise en liberté conditionnelle dès l’automne. Mais depuis que la droite a gagné les élections en juillet 2019, les choses ont changé. L’une des victimes de Koufontinas était le beau-frère du nouveau premier ministre, Kyriakos Mitsotakis, qui n’a pas manqué de faire voter une loi spéciale en décembre 2020 visant uniquement Koufontinas. Cette loi l’empêche désormais de revoir son fils, de poursuivre sa détention dans sa prison rurale et d’entrevoir la perspective d’une libération conditionnelle dans les prochains mois ou années. Étrangement, les prisonniers néo-nazis d’Aube Dorée n’ont pas été frappés par cette loi postérieure à leur condamnation, du fait d’une subtilité glissée dans le texte : cette loi vise les personnes poursuivies pour « terrorisme » (Koufontinas), mais pas pour « participation à une organisation criminelle » (les aube doriens). Après avoir épuisé les recours, Koufontinas s’est mis en grève de la faim puis de la soif. Depuis samedi, il refuse également l’hydratation apportée par les perfusions d’antibiotique. Il va donc mourir dans les prochaines heures, si le gouvernement continue de s'acharner.

Comme vous l’aurez compris, il ne s’agit pas d’avoir une opinion ou une autre sur Koufontinas et sur ses actes d’il y a une trentaine d’années. Il s’agit simplement de ne pas laisser faire un pouvoir qui devient absolu et se permet de régler ses comptes comme s’il avait rétabli la peine de mort. Voilà pourquoi la principale association de juristes et d’avocats, ainsi que la fédération des médecins hospitaliers sont engagées dans cette lutte pour faire reculer le pouvoir, avant qu’il ne soit trop tard.
 
Depuis quelques jours, le mouvement social est volcanique dans une atmosphère qui rappelle les années passées. Certains prédisent une explosion de violence si Dimitris Koufontinas finit par mourir de sa grève de la faim : des émeutes avec une incidence politique probable. À l’heure qu’il est, Koufontinas semble condamné. Le bras de fer est sans appel. Le pouvoir ne veut rien entendre, malgré l’immense protestation qui s’étend dans le pays. Difficile d’imaginer ce qui va se passer.

ENCORE VIVANT

4 mars 2021. Dimitris Koufontinas est encore vivant, dans un état critique et somnolent, à la limite du point de non retour.
Le juge du Tribunal de première instance s’étant déclaré hier incompétent pour traiter la demande, c’est le Conseil des tribunaux pénaux de Lamia qui va décider aujourd’hui si, oui ou non, Dimitris Koufontinas va faire l’objet d’une suspension de peine.

L’avocate de ce dernier, Ioanna Kourtovic, a rendez-vous ce matin à Lamia (centre-est de la Grèce) avec toutes les pièces nécessaires, signées par les médecins et le directeur de l’hôpital où se trouve le prisonnier en grève de la faim et de la soif. La faille juridique est l’article 557 du code de procédure pénale qui précise que « si la personne qui purge la peine est hospitalisée conformément aux dispositions relatives au traitement des détenus et si, en raison d’un mauvais état de santé, elle se trouve dans un état qui nécessite un traitement continu dans un établissement de santé pour éviter des dommages irréparables pour sa santé ou des risques pour sa vie, il peut demander de bénéficier d’une suspension de peine afin de continuer son traitement par ses propres moyens ».

Si, dans la journée, le Conseil des tribunaux pénaux de Lamia ordonne la suspension de l’exécution de la peine de Dimitris Koufontinas, cette première suspension pourra aller jusqu’à 5 mois et pourra ensuite être prolongée à la demande de l’intéressé si son état de santé le justifie.
Reste à savoir maintenant si la décision sera favorable et si Dimitris Koufontinas va tenir bon jusqu’à cette issue hypothétique.

PRENDRE NOS VIES EN MAINS

En réalité, dans les temps à venir, le pouvoir sera d’autant plus violent que le monde se décomposera dans cette voie sans issue. Les guerres du pétrole, du gaz, du lithium ont déjà commencé sous nos yeux, dans un jeu morbide de chaises musicales, pour se partager les dernières parts d’un gâteau empoisonné. Seul un double changement, de système politique et de système économique, pourra stopper cela. Sortir du capitalisme et de la société autoritaire va de pair, puisque l’exploitation est directement la conséquence de la domination, sans laquelle il n’y a pas d’exploitation possible. D’un bout à l’autre du monde, dans l’ultime danse des fantômes sur les écrans, tels les ombres du mythe de la caverne, beaucoup d’esclaves modernes ont bien compris que le seul objectif désormais est de prendre nos vies en mains. Non plus seulement pour choisir nos vies, mais aussi pour les sauver. La trajectoire mortifère du capitalisme est indissociable de celle du pouvoir qui l’organise. Un pouvoir qui vise actuellement le contrôle total de nos vies, non seulement pour maximiser ses profits, mais aussi pour surveiller tout ce qui peut menacer son édifice.

Yannis Youlountas

 

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