L'ÉTUDE QUI MET EN CAUSE L'EFFICACITÉ DES CONFINEMENTS
Alors qu'une troisième mise sous cloche du pays se profile à l'horizon, une étude, signée d'un ponte du domaine, met cette idée reçue en doute… et provoque la polémique parmi les spécialistes.
C'est un véritable pavé dans la mare. Alors que le gouvernement, sous la pression de certaines voix du monde médical, réfléchit sérieusement à l'opportunité d'un troisième confinement, plus « serré » que le précédent, une étude, parue le 5 janvier dans « European Journal of Clinical Investigation » , une revue scientifique est en train d'enflammer les réseaux sociaux - sinon dans le grand public, du moins dans la petite communauté des épidémiologistes, virologues et autres experts de la pandémie.
Ce qui lui donne tout son poids, c'est qu'elle est signée du Pr John Ioannidis, un ponte de l'épidémiologie à Stanford, dont les travaux font autorité (il est même l'un des scientifiques les plus cités au monde). Or, que suggère l'étude qu'il vient de faire paraître ? Que le confinement et la fermeture des entreprises et commerces n'apporte rien de plus, en terme de baisse du nombre de cas de contaminations...
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INUTILITÉ DE NOMBREUX TRAVAUX SCIENTIFIQUES
Le chercheur américain John Ioannidis, professeur à Stanford, aime depuis quelques années lancer de bons gros pavés dans la mare de la science et en particulier dans celle de la biomédecine. En 2005, dans un article publié par PLoS Medicine et intitulé "Pourquoi la plupart des découvertes publiées sont fausses", il montrait que les bases statistiques sur lesquelles s'appuyaient bon nombre d'études n'étaient pas suffisamment rigoureuses pour que les résultats obtenus aient une véritable valeur et que les biais étaient légion dans la conception d'essais cliniques censés décider de la mise sur le marché de médicaments.
http://www.plosmedicine.org/article/info:doi/10.1371/journal.pmed.0020124
Ce sans oublier les intérêts financiers qui faisaient pression pour l'obtention de résultats. Depuis 2005, ce texte, devenu un classique, a été consulté près de 1,2 million de fois en ligne, un record. Aujourd'hui, John Ioannidis va plus loin, en signant un article acide publié le 21 octobre par PLoS Medicine, surmonté d'un autre titre provocateur ("Comment faire en sorte que plus d'études publiées soient vraies"...) où il met de nouveau les pieds dans le plat de la recherche scientifique.
http://www.plosmedicine.org/article/info:doi/10.1371/journal.pmed.1001747
On le comprend d'entrée de jeu, le but de John Ioannidis n'est pas de démolir la science ni ceux qui la font à grands coups de démonte-pneu. Son objectif consiste à améliorer le fonctionnement de la recherche car la marge de manœuvre, suggère-t-il, est grande. Dans l'énoncé du diagnostic, le chercheur américain, spécialiste de questions de santé, ne fait pas dans le diplomatique mais plutôt dans le direct. Il a recensé, entre 1996 et 2011, plus de 25 millions d'études scientifiques publiées, signées par quelque 15 millions de personnes de par le monde. Une quantité phénoménale d'articles, donc, à comparer avec un nombre de découvertes importantes beaucoup plus modeste.
Certes la science a pour règle de marcher lentement, presque de manière besogneuse, parce qu'il faut beaucoup de tours de chignole pour faire une percée et être sûr qu'on l'a bien réalisée. Mais John Ioannidis est convaincu depuis des années que le problème principal est ailleurs, qu'il est dû au fait que le système de recherche ne fonctionne plus correctement et que la plupart des "découvertes" qu'il engendre ou enregistre n'en sont pas : par la faute de protocoles inadaptés, de biais, de mauvais traitements statistiques voire de malhonnêteté intellectuelle, les résultats soi-disant significatifs sont trop souvent des faux positifs que l'on ne peut reproduire. Au bout du compte, en biomédecine, c'est jusqu'à 85 % des investissements faits dans les recherches qui sont perdus, soit un total annuel astronomique de 200 milliards de dollars ! Une autre estimation, moins précise, évoque un gâchis portant sur "des dizaines de milliards de dollars".
Or, selon l'auteur, le système fait peu pour se réformer, pour regagner en efficacité et donc en crédibilité auprès du public. John Ioannidis fait une description, en termes choisis mais qui contiennent souvent leur dose de vitriol, d'un monde académique parfois sclérosé où les personnes qui attribuent les budgets publics de recherche sont rarement de grands chercheurs, où le conservatisme le dispute au népotisme et au sexisme. Le paragraphe qu'il consacre au conflit d'intérêts vaut son pesant de cacahuètes : "Il arrive parfois que la même personne porte plusieurs chapeaux : un chercheur universitaire peut aussi diriger une revue, posséder une start-up, être membre d'une société savante, conseiller gouvernemental et/ou toucher de l'argent de l'industrie."
L'article n'aurait pas grand intérêt si John Ioannidis se contentait de critiquer. Mais le chercheur, qui co-dirige aussi depuis le printemps le Metrics (Meta-Research Innovation Center at Stanford), une institution travaillant justement sur l'amélioration des processus de recherche, est venu avec deux batteries de propositions. La première concerne la manière de mener des études et met l'accent sur le cheval de bataille de John Ioannidis : une plus grande collaboration entre les équipes pour obtenir des échantillons plus importants et des résultats sans équivoque ; inciter à la reproduction des travaux pour s'assurer que les effets mesurés sont réels, ce qui passe par une standardisation et un partage totalement transparent des protocoles, du matériel de recherche et des résultats. John Ioannidis insiste aussi sur un point sensible : la mise en place de critères plus stricts avant de crier à la victoire, à la découverte. Le but, écrit-il, est de réduire les faux positifs "dans les domaines qui ont jusqu'ici été trop accomodants (comme l'épidémiologie, la psychologie ou l'économie). Cela pourrait leur conférer une crédibilité plus importante, comparable à celle des secteurs qui ont traditionnellement été plus rigoureux de ce point de vue, comme les sciences physiques."
La seconde batterie de propositions est bien plus iconoclaste puisqu'elle touche non plus à la manière de faire des études mais à celle dont le petit monde de la recherche les "valorise". Sans jamais citer la fameuse formule "Publie ou péris", John Ioannidis explique que, dans le système scientifique, les articles publiés sont comme une monnaie : ils servent à obtenir des "biens" (un poste, un échelon hiérarchique). Cela n'est pas sans conséquence puisqu'on voit parfois certains chercheurs avoir une production prolifique de travaux médiocres voire non-reproductibles, en profiter pour monter dans les hiérarchies, entrer dans les revues, bénéficier de renvois d'ascenseur et obtenir leur signature dans une étude pour laquelle ils n'ont donné qu'un avis, etc. J'ai moi-même pu constater que certains adoptaient ce que John Ioannidis appelle (joliment) la technique du "salami", qui consiste à découper une recherche en tranches, en sous-sections, et à "vendre", sur la base d'une seule expérience, plusieurs études à des revues différentes...
A l'opposé, le système actuel ne récompense que mal ou pas du tout ceux qui veulent reproduire les expériences des autres pour vérifier leurs résultats ou ceux qui s'investissent à fond dans la relecture des articles des confrères. Seule l'étude publiée importe. John Ioannidis propose donc de modifier la manière dont la bibliométrie est prise en compte dans l'évaluation des chercheurs, de ne pas donner de valeur aux publications per se mais d'en accorder à celles qui ont été confirmées ou à celles qui ont "marché" parce qu'elles se sont transformées, dans le domaine de la biomédecine par exemple, en traitement efficace, en test de diagnostic fiable, etc. De la même manière, le travail de peer review, travail de l'ombre très chronophage si on veut le faire correctement, doit être récompensé. A l'inverse, une étude dont les résultats n'ont pas été reproduits ferait perdre des points avec le barème de John Ioannidis. Celui-ci va même beaucoup plus loin en suggérant que l'obtention de titres ou de postes prestigieux doit automatiquement s'accompagner d'un handicap en points si l'apport du chercheur à la science n'est pas proportionnel aux pouvoirs ou aux fonds qui lui ont été attribués. On se dit d'ailleurs, à voir la carte de visite de John Ioannidis, que ce dernier partirait avec un gros handicap...
Le chercheur américain a conscience que son scénario est "délibérément provocateur" et qu'il risquerait par exemple de décourager les ambitions de ceux qui veulent diriger un laboratoire. Néanmoins, l'article a le mérite de pointer les détails qui font mal, notamment le gâchis en temps et en argent que représentent toutes ces études dont les résultats ne se retrouvent jamais. A fréquenter chercheuses et chercheurs depuis presque dix-huit ans, j'ai entendu ici ou là, souvent sur le ton de la confidence, la plupart de ces critiques. Il y a quelque chose de sain et de salutaire à les voir, sans tabou, rassemblées sur la place publique.
Pierre Barthélémy
https://www.lemonde.fr/passeurdesciences/article/2014/10/29/un-chercheur-denonce-l-inutilite-de-nombreux-travaux-scientifiques_5999134_5470970.html
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DES DÉCISIONS SUR LA BASE DE DONNÉES NON FIABLES
Le taux de létalité du Covid-19 justifie-t-il le confinement ?
Ioannidis n’est pas un excentrique de l’épidémiologie, mais une voix très écoutée et un esprit indépendant, respecté pour son exigence scientifique. On ne sait combien de sujets sont infectés et combien immunisés. Il est donc tout simplement impossible de dire si ces décisions politiques feront plus de bien que de mal.
Le taux de létalité de la maladie – c’est-à-dire le nombre de morts divisé par le nombre de sujets diagnostiqués – pourrait en principe être de 1% – mais il pourrait également être de 0,05% (c’est-à-dire un taux de létalité inférieur à celui de la grippe saisonnière aux Etats-Unis). Si le taux de létalité du Covid-19 se trouve dans la partie basse de cet intervalle, la décision de confinement est certainement bien plus délétère que la décision de ne pas confiner.
À cause des subtilités liées au calcul du taux de létalité, mais aussi à la surmortalité, dont j’ai parlé dans la vidéo précédente, il est donc possible que le confinement tue davantage de gens qu’il n’en sauve. Il est possible, pour ainsi dire, qu’il troque un petit nombre de morts visibles – les patients atteints par le coronavirus – pour un grand nombre de morts invisibles – tous ceux qui mourront d’autre chose à cause des perturbations engendrées par le confinement.
N'est-il pas plus risqué de saturer le système de santé ?
L’aplatissement de la courbe, toujours selon Ioannidis, pourrait en effet provoquer une saturation chronique du système de santé, responsable d’une surmortalité importante pendant des mois.
Enfin, conclut-il, si le coronavirus infectait 60% de l’humanité et tuait 1% des personnes infectées – soit 40 millions de morts –, il tuerait autant que la grippe espagnole en son temps. Mais il tuerait très majoritairement des personnes fragiles et âgées, qui seraient décédées rapidement de toute façon. Tandis que la grippe espagnole avait tué, majoritairement, des sujets jeunes.
Il n’y a pas d’erreur dans le raisonnement de Ioannidis, seulement un fait capital – nous ne savons pas combien de personnes sont infectées et quel est le taux de létalité de la maladie – et quelques hypothèses.
Tous les gouvernements ont jugé le coût politique des morts visibles bien supérieur au coût politique des morts invisibles. C’est peut-être par cynisme. Mais un facteur essentiel, pour beaucoup de gouvernements, a été de décider d’un confinement de durée limitée et de soigneusement préparer le déconfinement.
Pourquoi les gouvernements ont-ils choisi d'appliquer le confinement ?
Mais l’analyse manque peut-être un problème politique fondamental. Tous les gouvernements ont jugé le coût politique des morts visibles bien supérieur au coût politique des morts invisibles. C’est peut-être par cynisme. Mais un facteur essentiel, pour beaucoup de gouvernements, a été de décider d’un confinement de durée limitée et de soigneusement préparer le déconfinement. C’est ce sur quoi ils comptent pour démentir l’analyse de Ioannidis. Trois facteurs seront cruciaux : la rigueur des mesures de prévention générale, le suivi des départs d’épidémie et la pratique de tests à grande échelle en population générale pour estimer la prévalence de la maladie.
Le pari du pire n’est pas toujours le meilleur et le pari du meilleur est parfois le pire.
https://www.m-soigner.com/grand-angle/sante-publique/802-comme-a-la-fac-8-contre-confinement.html
CONFINEMENT INUTILE ET DANGEREUX
Une étude du professeur Ioannidis de l’université de Stanford (USA) affirme que le confinement est une mesure inutile, voire néfaste puisqu’elle accélérerait les contagions. Une nouvelle confirmation de l’effet négatif du confinement qui vient accréditer l’étude du professeur Jean-François Toussaint publiée en novembre dernier et dont Bas les masques vous avait révélé les grandes lignes, qui démontrait déjà une absence de lien entre les mesures restrictives et le niveau de mortalité lié au Covid-19.
Initialement publiée le 5 janvier, l’étude du professeur Ioannidis — l’un des scientifiques les plus renommés au monde — porte sur une comparaison entre les chiffres de contamination de 8 pays ayant appliqué des mesures (totales ou partielles) de confinement et de restrictions (France, Angleterre, Allemagne, Espagne, Italie, Pays-Bas, États-Unis, Iran) avec les résultats obtenus par la Corée du Sud et la Suède, connus pour avoir, au contraire, géré l’épidémie par des mesures bien plus légères. Et notamment en laissant les commerces ouverts et en n’imposant pas de limitations de déplacement à la population, qui sont les deux paramètres sur lesquels reposent cette étude.
Les auteurs relèvent ainsi que les mesures strictes de restrictions n’ont pas apporté d’avantages significatifs en terme de réduction de la transmission épidémique. Une conclusion qui n’est pas sans rappeler celle de l’étude menée par Jean-François Toussaint en novembre 2020, qui démontrait à travers une comparaison internationale menée sur 188 pays du monde que les mesures restrictives de liberté n’entraînaient aucun impact sur le taux de mortalité, contrairement à ce qu’affirme le Conseil scientifique pour justifier des mesures de confinement et couvre-feux. Et pire encore, le professeur Ioannidis indique également qu’en plus d’être inutiles, les confinements peuvent avoir un effet inverse à celui recherché en favorisant les transmissions entre personnes isolées dans les mêmes endroits clos. Ce que le professeur Raoult dénonçait déjà au moi de mai dernier, s’appuyant sur une étude du ministère de la Santé espagnol qui avait révélé que les travailleurs actifs exerçant une profession essentielle et qui continuaient à sortir avaient été moins contaminés que ceux qui étaient restés confinés.
Par ailleurs, l’étude de l’université de Stanford admet que les données analysées ne peuvent exclure certains avantages aux restrictions, mais prend le soin de préciser que même si ces avantages existent, il ne peuvent de toute façon pas compenser les nombreux inconvénients de mesures que les auteurs jugent « agressives ». Des mesures effectivement agressives et dangereuses à terme, car outre leurs impacts économiques, elle entraînent également de graves conséquences sanitaires non seulement psychologiques (l’augmentation de la consommation d’anxiolytique en France en témoigne) mais également physiques, en raison de la sédentarité imposée, qui se traduit par différents signes inquiétants, au premier rang desquels un accroissement de la prise de poids chez les enfants. Des conséquences dramatiques relevées à juste titre par le docteur Fabien Quedeville qui a récemment tiré la sonnette d’alarme face à la possibilité d’un troisième confinement au travers d’une tribune publiée sur Bas les masques dans laquelle il fait part de son opposition, soutenu par de nombreuses personnalités du monde médical et scientifique.
https://baslesmasques.com/o/Content/co361278/jenemeconfineraipas-pourquoi-nous-devons-refuser-un-troisieme-confinement
Un appel qui — pour le moment — semble avoir été entendu. Et dont l’étude de John Ioannidis vient une nouvelle fois confirmer la pertinence.