DES CONVOIS DE COMBUSTIBLES NEUFS QUITTENT LA DRÔME POUR LA MANCHE

Publié le par Résistance verte

 

Ce lundi 26 octobre 2020, les premiers convois de combustibles neufs à destination de l’EPR de Flamanville quittaient l’usine de Framatome de Romans-sur-Isère (26) à l’aube, dans la discrétion la plus totale.

Depuis le 8 octobre dernier, l’ASN a en effet autorisé la mise en service partielle de l’EPR de Flamanville. Cette autorisation comprend d’une part, la livraison du combustible nucléaire dans le périmètre du réacteur et d’autre part la réalisation de tests sur les systèmes de filtration des effluents radioactifs.

En ce qui concerne la livraison du combustible, ce sont 241 assemblages de combustible neuf, constitués d’uranium enrichi, qui vont transiter sur les routes entre Romans-sur-Isère et Flamanville durant les prochaines semaines et les prochains mois (contre 205 pour les plus puissants des réacteurs français de 1 450 MWe actuellement en fonctionnement).

Etant donné les retards pris par ce chantier (mise en service initialement prévue en 2012, actuellement prévue en 2023), il n’y a aucune urgence à entreposer les assemblages sur le site alors que rien ne garantit son démarrage à terme !

Une fois sur place, les combustibles seront stockés dans la piscine prévue à cet effet dans le bâtiment combustible, en attendant l’autorisation de mise en service qui ne devrait pas être accordée avant 2023 par l’ASN… si d’autres déboires ne viennent pas s’ajouter à la liste d'ici-là.

En effet, comme nous l’avions présenté dans notre dossier sur ce sujet dans le Trait d'Union (TU) N°80 de décembre 2018, les problèmes de conception, de fabrication et de contrôle se sont enchaînés sur ce chantier : fissure dans le béton, failles dans le système de pilotage du réacteur, défaut dans la composition de l’acier des calottes de la cuve, défauts de soudure sur le couvercle de la cuve (qui devra d'aieurs être remplacé en 2024) et sur les tuyauteries du circuit secondaire principal, etc. Les défaillances mettent en cause la responsabilité d’EDF et d’Orano comme celle des entreprises de sous-traitance, mais aussi la capacité de l’ASN, de l’IRSN et des organismes agréés à détecter et faire cesser les dysfonctionnements. Depuis notre article dans le TU N°80, de nouveaux problèmes ont été découverts et d’autres sont encore en recherche de solution. En septembre 2019, EDF a informé l’ASN de problèmes dans les procédés de traitement thermique de détensionnement. Ce traitement thermique, indispensable à l'obtention d'un résultat de qualité, consiste à chauffer le matériau pendant plusieurs heures à une température de quelques centaines de degrés afin de réduire les contraintes mécaniques au niveau des zones soudées. Or, la plage de température des traitements thermiques n’a pas systématiquement été respectée ce qui remet en cause la qualité mécanique des matériaux.

Alors qu’EDF espérait attendre la mise en service de l’EPR pour réparer les soudures défectueuses, l’ASN l’a contraint à ce que ces travaux soient faits avant. Ainsi, la date limite de mise en service, initialement fixée à 2017, puis reportée à 2020, a été, il y a quelques mois, repoussée jusqu’en 2024 (décret n°2020-336 du 25 mars 2020).

La construction de l’EPR se poursuit ainsi alors que les problèmes de fond ne sont pas encore réglés. L’exploitant et l’ASN continuent de courir après les composants défectueux et les failles dans les procédures de contrôle. Trop souvent, il ne s’agit plus de produire des pièces sans défaut mais de démontrer que les pièces sont aptes au service malgré leurs défauts ou non-conformités.

Dans ce contexte on ne peut que s’interroger sur le transfert du combustible : pourquoi une telle précipitation alors qu’il faudra attendre au moins 2 ans pour que le combustible soit chargé dans le réacteur ? S’agit-il d’une opération de communication de la part de l’exploitant soucieux de montrer que la construction avance ou bien fallait-il désengorger le site de l’usine de Framatome de Romans-sur-Isère ? Mais aussi, à quelle date les assemblages d’uranium enrichi ont-ils été fabriqués et dans quelles conditions sont-ils entreposés dans l’usine de fabrication du combustible de Framatome où des failles dans la gestion des risques de criticité ont plusieurs fois été détectées ?
 
Des demandes vont être adressées prochainement à l’exploitant et à la CLI de Framatome.

CRII-RAD

 
[1] http://www.criirad.org
[2] Site des balises : balises.criirad.org

 

Publié dans Nucléaire

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