COVID-19(84)
La vérité (politique) du mensonge sanitaire (Partie 1)
Michel Weber
1. LA CORRUPTION DES CORPS POLITIQUE,
MÉDIATIQUE ET SCIENTIFIQUE
« Les faits ne pénètrent pas dans le monde où vivent nos croyances, ils n'ont pas fait naître celles-ci, ils ne les détruisent pas ; ils peuvent leur infliger les plus constants démentis sans les affaiblir, et une avalanche de malheurs ou de maladies se succédant sans interruption dans une famille ne la fera pas douter de la bonté de son Dieu ou du talent de son médecin. » (Proust 1913) [ii]
La gestion politique ubuesque de l’épidémie peut se définir par cinq traits plus ou moins hypothétiques.
1.1. L’impréparation
Le gouvernement a été complètement pris au dépourvu, alors que la réaction de la Chine, connue de tous dès janvier, avait été prompte et radicale. En bref : les autorités chinoises ont réagi comme s’il s’agissait d’une attaque bactériologique, pas d’une épidémie saisonnière (et personne n’a jusqu’ici apprécié toutes les implications de cette réaction). De plus, les scénarios de pandémie sont très répandus depuis une douzaine d’années, surtout après la crise de 2009 (H1N1), et ce tout spécialement chez les militaires et dans les fondations privées, grâce au zèle de B. Gates, qui en a fait son unique cheval de bataille philanthropique depuis 2007.
Cette impréparation est sans nul doute possible le résultat de cinquante ans de néo-libéralisme. Mais pas que.
1.2. L’incompétence des uns et l’expertise des autres
Alors que la chose politique est abandonnée aux universitaires, ceux-ci ne sont que très rarement à la hauteur de la tâche qui leur est dévolue, et ils se contentent de travailler à la prolongation de leur mandat. Du reste, dans une technocratie qui ne dit pas son nom, on comprend la nécessité de s’en remettre aux experts, dont l’objectivité est proverbiale.
En fait, l’incompétence, c’est-à-dire l’absence d’expertise adéquate, ne devrait être aucunement problématique en politique : seul le sens commun devrait importer. S’il faut être un expert pour gouverner, nous ne sommes plus en démocratie (représentative), ou même en particratie (pas représentative), mais en technocratie. Le recours aux experts est donc intrinsèquement problématique. Il l’est d’autant plus qu’il suffit de connaître l’employeur de l’expert, ou son bailleur de fonds, pour déduire par avance la nature de ses conclusions.
1.3. La corruption
Le niveau de corruption des acteurs politiques est un secret de polichinelle. On se permet même, dans notre monarchie bananière, de rire sous cape des malversations qui finissent par être médiatisées dans d’autres pays, de préférence situés plus au Sud. (Et cela vaut bien sûr pour le regard que la Flandre porte sur la Wallonie.)
On le sait depuis Platon (ce sont les Grecs qui ont créé la démocratie participative) et, plus particulièrement, depuis Machiavel (1532) [iii], le pouvoir est recherché par les corrompus en puissance, et exercé par des corrompus de fait. Du reste, répétons-le, les conclusions de l’expert se trouvent en germe dans la source de financement de ses études.
1.4. La coercition en toute illégalité
L’imbroglio gouvernemental et institutionnel belge a donné naissance à un fort curieux proto-totalitarisme : un gouvernement en affaire courante s’est octroyé les pouvoirs spéciaux pour euthanasier le législatif, instrumentaliser le judiciaire, et instaurer un État d’urgence (sanitaire) qui ne dit pas son nom. Les mesures et règlements liberticides ne se comptent plus — à commencer par le confinement dans les maisons de repos, la généralisation du confinement à domicile, la distanciation « sociale », le port du masque, etc.
Avec ce cortège de mesures liberticides, illégitimes, inefficaces et illégales, on obtient, de fait, la fin de l’État de droit. Le bien public est devenu privé, c’est-à-dire source de profit. Et l’intimité de la sphère privée est exposée au regard (parfois à la vindicte) de tous.
1.5. La communication pathogène
La communication des « responsables » et particulièrement sa composante absurde, constitue la vraie signature de cette crise, durant laquelle les responsables politiques ont épuisé toutes les formes pathologiques du langage. Épinglons les suivantes :
— l’évitement : ignorer les objections, refuser le dialogue sous quelque forme que ce soit ;
— l’indignation : faire l’innocent, plaider la bonne foi, le dévouement au bien commun ;
— le mensonge pur et simple : le masque protège des virus et pas seulement des infections bactériennes ; le vaccin est efficace contre une maladie qui n’est pas immunisante ;
— la censure : refuser l’accès à une information ou à une conférence de presse ;
— la propagande : gonfler de vraies informations ;
— la désinformation : propager de fausses informations ;
— la sur-information : inonder d’informations (vraies, fausses, vraiment fausses, faussement vraies, etc.) ;
— l’usage de la contradiction : soutenir deux propositions contradictoires (le masque est inutile ; vous devez porter un masque) ;
— l’usage du paradoxe : utiliser des énoncés indécidables tels que : l’épidémie progresse sans empirer ; le monde d’après sera, et ne sera pas, différent ; seuls, ensemble ; soyez solidaires (dans la solitude) ; faites confiance aux responsables (!) ; informez-vous (dans les médias) ; vaccinons tout le monde pour contrôler la démographie ; imposons la monnaie digitale pour permettre aux pauvres d'épargner ; instaurons un gouvernement mondial démocratique ; ce que je vous dis est faux… Tout ceci ressort de l’effort pour rendre l’autre fou (Searles 1959) [iv].
En somme, la communication gouvernementale, servilement relayée par les médias et aiguillée (et endossée) par les experts en sciences médicales, a entretenu la peur et, surtout, l’angoisse. La peur est un sentiment naturel positif, car mobilisateur : face à une menace palpable, l’individu réagit par la fuite ou le combat. Au contraire, l’angoisse est paralysante : on pressent une menace invisible, sans savoir comment réagir… La communication absurde vise à stupéfier par l’angoisse, pas à perdre par la peur. Le dispositif est beaucoup plus efficace : la peur demande à être orientée afin qu’elle ne nuise pas au statu quo social ; l’angoisse paralyse les citoyens qui acceptent passivement tout ce qui leur est imposé.
La banqueroute politique signale en outre deux faillites supplémentaires : celle des médias et celle des experts scientifiques, et tout particulièrement des médecins. Les médias ont donné une ampleur inouïe à la communication absurde et au sensationnalisme morbide des politiques et des scientifiques. Il y a eu cooptation des uns par les autres. On peine à trouver un dissident dans la classe politique ; il en existe peu dans le monde scientifique et, s’ils s’expriment dans les médias, c’est généralement de manière très pondérée ; rares sont les journalistes qui ont fait leur travail, Alexandre Penasse constituant une notable exception.
Tous se sont couverts d’ignominie en participant, activement ou passivement, à cette mascarade ; tous devraient se voir sévèrement sanctionner.
2. LA CRISE DU CAPITALISME BIOCIDAIRE
« C'est le commencement qui est le pire, puis le milieu, puis la fin ; à la fin, c'est la fin qui est le pire. » (Beckett 1953) [v]
En amont de cette sclérose politique, médiatique et scientifique, on trouve l’influence des mondes bancaire et pharmaceutique, qui sont mus par deux perspectives : d’une part, la maximisation de leur emprise sur la société (et donc de leur chiffre d’affaires) ; d’autre part, la gestion de la crise globale systémique annoncée clairement dès 1968, et dont la chronologie a été esquissée en 1972 par Meadows et Kukla (l’épuisement des ressources, le dérèglement climatique, et la progression de la pollution finiront par avoir raison de la société de consommation et de la démocratie représentative).
2.1. La stratégie du choc
De ce point de vue, l’utilisation de la stratégie du choc, avancée par Hayek en 1944 et Friedman en 1962, puis identifiée par Klein en 2007 — instrumentaliser une crise réelle ou ressentie, naturelle ou culturelle, afin de modifier profondément l’espace social, tandis que celui-ci est paralysé — s’impose comme une évidence si on veut anticiper le chaos. Que la crise soit réelle, ou simplement mise en scène, que son origine soit naturelle, ou le produit d’une machination, ne change finalement pas grand-chose au traumatisme et à la possibilité de son usage.
2.2. L’élection multinationale
Par contre, il faut comprendre, une fois pour toutes, que les élus ne représentent pas le peuple, mais les oligarques et leurs multinationales. Le programme néolibéral est en effet très simple : dissoudre les États afin de privatiser toutes leurs fonctions. Tant qu’un gouvernement mondial (privatisé) n’est pas implémentable, on peut se contenter de transformer les États en coquilles vides. Ce programme ne constitue qu’une réappropriation du fascisme tel que Mussolini l’a défini, et mis en pratique, dès 1922-1925, à l’aide de la vision économique de Vilfredo Pareto : l’entreprise privée est, par définition, beaucoup plus efficace que l’État. Puis vinrent les politiques similaires des Nazis en 1934–1937, qui subirent une légère obsolescence de 1944 à 1972 (les « trente glorieuses »).
En fait, Hayek, le chantre du néolibéralisme, stipule très clairement, et ce dès 1944, la stratégie à adopter : seule une infiltration progressive des institutions civiles et politiques permettra la destruction de la menace communiste et de sa cinquième colonne. Vingt ans plus tard, le 30 septembre 1965, il arriva à ses fins avec le coup d’État de Suharto, qui coûta la vie à plus d’un million de communistes (certains parlent de 3 millions d’exécutions arbitraires), et permit une première mise en place du dispositif néolibéral. C’était en quelque sorte la répétition du renversement d’Allende par Pinochet, perpétré le 11 septembre 1973.
Le remplacement des gouvernements par des multinationales a été quantifié très tôt, e. a., par Stephen Hymer (1960) et David C. Korten (1995) [vi]. Il est devenu évident avec la politique d’intégration européenne et, surtout, la multiplication des traités et autres partenariats transatlantiques de commerce et d'investissement (comme le « Transatlantic Trade and Investment Partnership »).
C’est du reste le fil rouge de la littérature « cyberpunk » dont le représentant le plus fameux est sans doute Ph. K. Dick (1955) [vii], qui a offert les scénarios de Blade Runner (1982), Total Recall (1990), Minority Report (2002), etc.
2.3. La grande bifurcation : 1968–1973
Tout se joue donc dans les années 1968–1973 : le dévoilement des enjeux civilisationnels comme leur effacement, c’est-à-dire, d’une part, la prise de conscience de la crise globale qui ne pourrait être conjurée qu’en renonçant au capitalisme industriel et financier ; et, d’autre part, la reprise en main de l’agenda politique par ce dernier avec des figures telles que Suharto et Pinochet, puis M. Thatcher (1979), R. Reagan (1981) et Helmut Kohl (1982).
Rappelons que le Club de Rome est créé en avril 1968 par (e.g.) Aurelio Peccei, Alexander King, et David Rockfeller. Il ne s’agit pas de hippies ou de membres désabusés de la classe moyenne (le public de « mai 68 »), mais d’oligarques se posant très sérieusement la question des limites de la croissance que le capitalisme exige.
Il faudrait également insister sur le travail de sape de Pompidou, élu à la présidence française en 1969, et le bref espoir instillé par Sicco Mansholt à la Commission européenne en 1972–1973.
—
[i] Une première version de ce chapitre a été publiée sur le site de Kairos, le 11 09 2020.
[ii] Proust, Marcel, À la recherche du temps perdu. T. I. Du côté de chez Swann [1913]. Édition présentée et annotée par Antoine Compagnon, Paris, Gallimard, 1988
[iii] Machiavel, Nicolas, Le Prince. Traduction française [1532], Paris, Éditions Gallimard, 1980
[iv] Harold F. Searles, « The Effort to Drive the Other Person Crazy—An Element in the Aetiology and Psychotherapy of Schizophrenia », British Journal of Medical Psychology, XXXII/1, 1959, pp. 1-18
[v] Beckett, Samuel, L'Innommable, Paris, Les Éditions de Minuit, 1953
[vi] Hymer, Stephen, The International Operations of National Firms: A Study of Direct Foreign Investment. PhD Dissertation [1960], published posthumously. Cambridge, Mass., The MIT Press, 1976 ; Korten, David C., When Corporations Rule the World [1995]. 20th anniversary edition, Oakland, Berrett-Koehler Publishers, Inc., 2015
[vii] Dick, Philip Kindred, Solar Lottery, New York, Ace Books, 1955
La vérité (politique) du mensonge sanitaire (Partie 2)
3. LE TOTALITARISME FASCISTE NUMÉRIQUE
« Si vous désirez une image de l'avenir, imaginez une botte piétinant un visage humain… éternellement. » (Orwell 1984) [i]
En amont de la corruption complète du corps politique et de ses appendices médiatiques et scientifiques, nous avons trouvé la crise du capitalisme financier et la volonté des oligarques de remodeler en profondeur la démocratie (représentative) de marché. En aval, nous découvrons, sans surprise, un nouveau totalitarisme fasciste, bien plus pernicieux que ses ancêtres du XXe siècle, car numérique.
3.1. Le totalitarisme
« Totalitarisme » désigne le système politique qui prétend gérer toutes les dimensions de la vie citoyenne, publiques comme privées. Rien ne doit lui échapper, en droit comme en fait. En théorie, le totalitarisme se dessine dans les religions institutionnalisées, qui ont toujours tendance à vouloir imposer les mêmes principes à la vie publique comme à la vie privée. En pratique, il a fallu attendre l’usage politique des médias pour l’imposer. Les premières impressions de Gutenberg datent de 1454. On sait l’importance de l’édition pour la propagation des idées de la Renaissance et de la Réforme et, de là, pour l’émergence d’une nouvelle forme de conscience (voir les travaux de Herbert Marshall McLuhan, Elizabeth Lewisohn Eisenstein et Jack Goody). La dissémination, la préservation et la standardisation du savoir scientifique ne pouvaient qu’infléchir le sens commun et heurter l’autorité ecclésiastique. C’est surtout le succès de la presse écrite qui casse le monopole de l’information que détenait l’Église et qui porte à bout de bras les revendications socialistes : sa période faste (1850–1950) coïncide avec l’émergence d’une conscience de classe claire et distincte (le Manifeste communiste date de 1848 ; le retour de la droite extrême date de 1933 avec la rechute des années septante : Pinochet, 1973, Thatcher, 1979, Reagan, 1981).
L'âge d'or de l’écrit cède progressivement la place à deux nouveaux médias : la radio (la BBC est fondée en 1922) et la télévision, dont l’usage explose aux États-Unis dès 1949. La presse fut libératrice, la radio — et surtout la télévision — allaient devenir rapidement la chasse gardée de la propagande politique et économique (une distinction qui ira en s’amenuisant) [ii]. On le sait, l’écrit est plus imperméable à la rhétorique que la parole.
En 1984, Apple commercialise le Macintosh qui annonce la généralisation des ordinateurs personnels. L’univers multimédia se développera vers la fin des années 1980 avec l’apparition des CD-ROM et la possibilité de gérer différents médias simultanément (musique, son, image, vidéo). La Toile ou World Wide Web naît en 1991 (son ancêtre direct, l’ARPANET, date de 1969) ; elle semble annoncer le déclin du livre et la marche forcée vers la numérisation de tous les médias. La souplesse de l’interactivité de la Toile et surtout sa faculté de donner la parole à toutes et à tous (ce qui nécessite quand même une familiarité avec l’outil informatique, l’accès à un ordinateur relié à une ligne à haut débit et un fournisseur d’électricité), pourraient cependant être remise en question lors du passage au Web 3.0 : sous prétexte de l'épuisement des adresses (IPv4), de lutte contre la pornographie, etc., il s'agirait de contrôler le contenu des sites ; sous prétexte de sauver la presse professionnelle, etc., l'entoilage deviendrait beaucoup plus coûteux.
La mobilophonie fait son apparition en Europe en 1994 et elle s’est très rapidement imposée comme un élément indispensable au quotidien de la plupart des consommateurs. La conclusion est simple : avec l’explosion de l’utilisation de la Toile et l’accroissement de la pression publicitaire, nous sommes submergés d’informations de moins en moins utiles et de plus en plus téléguidées par des médias « à l’ordre [iii] »
Le « fascisme » est un totalitarisme de droite, c’est-à-dire conçu par, et pour, les oligarques. On peut en effet imaginer un totalitarisme de gauche qui favoriserait le bien commun. C’est du reste de cette manière que les religions institutionnalisées se présentent.
3.2. Le fascisme
L’histoire du totalitarisme fasciste est supposée connue ; elle se résume à la prise de pouvoir des oligarques industriels et financiers par l’intermédiaire d’un lampiste plus ou moins allumé (ce qui permet aux commanditaires de tirer leur épingle du jeu si l’affaire tourne mal). À partir de 1921, la droite extrême progresse partout en Europe : en Italie (Mussolini accède au pouvoir en 1922), en France (avec la création en 1922 de la Synarchie, suivie plus tard par la Cagoule), en Allemagne (le Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei, en gestation depuis 1918, s’organise en 1920 ; Hitler écrit Mein Kampf en 1924 ; il est publié en 1925), Salazar assied sa dictature en 1932–1933, et Franco pilote la guerre civile déjà en 1934. De 1967 à 1974, il y aura aussi la dictature des colonels en Grèce. (Voir, par exemple, Lacroix-Riz 2006 [iv].)
A contrario, le totalitarisme communiste gère toutes les composantes de la vie, privées comme publiques, pour le bien commun. Quoi qu’on en pense, ses méthodes sont donc nécessairement différentes. Ce danger étant définitivement écarté — ce qui ne veut pas dire que l’idéal communiste ait été oblitéré —, on peut se contenter de s’inquiéter du fascisme.
3.3. Historiquement
Nous sommes dans une configuration totalitaire depuis déjà de longues années, c’est-à-dire qu’un système, qu’une idéologie, prétend gérer tous les aspects de la vie : la technoscience constitue un tel système ; le capitalisme, renommé néolibéralisme, est un tel système ; la globalisation est un tel système ; l’État d’urgence permanent qui s’enracine dans la guerre contre la terreur datant de 2001 en était la dernière péripétie jusqu’à ce que la Covid-19 apparaisse.
La vraie-fausse crise sanitaire de 2020 est le prétexte (au sens de N. Klein) utilisé pour dépouiller définitivement les peuples des acquis sociaux et politiques concédés après 1945. Elle touche donc différemment les pays selon qu’ils sont développés ou pas. Dans les pays riches, il s’agit de détruire les acquis sociaux et de mettre la population au pas ; dans les pays pauvres, c’est une logique néocoloniale qui est à l’œuvre. C’est ainsi, alors que l’épidémie saisonnière est finie, que des règlements (de plus en plus) absurdes prolongent la terreur sécuritaire. De la même manière que le gouvernement français n’a pas hésité, le 27 mars 2020, à interdire le traitement des patients atteint de la Covid-19 par hydroxychloroquine (produite en Inde), il continue à déterminer politiquement ce qui est de ressort du médecin (même pas de celui de l’Ordre des médecins).
3.4. Conformisme et d’atomisme
Au nombre des outils pour comprendre les enjeux du totalitarisme numérique, on trouve les concepts de conformisme et d’atomisme, qui s’imposent dès les débuts de la révolution industrielle et de la démocratie représentative, et sont esquissés chez Saint-Simon (1803) et Tocqueville (1835) [v].
L’ère thermo-industrielle est celle du machinisme, c’est-à-dire de la standardisation des produits et de l’organisation scientifique du travail. Alors que l’outil dépend de la morphologie humaine, la machine demande à l’ouvrier de s’adapter à son mécanisme. Le pouvoir de la machine est ainsi le pouvoir du conformisme : en amont, l’ouvrier doit être calibré, dompté, géré comme une ressource ; et, en aval, le consommateur doit accepter l’uniformisation de ses habitudes de vie, de ses goûts alimentaires, de ses vêtements, de ses idées, de ses désirs, etc. Les rendements d’échelle sont à la mesure des espérances de quelques-uns, et du désespoir de tous les autres.
Le conformisme se manifeste donc par l’infantilisation et l’indifférenciation des personnes, la dépolitisation des citoyens, et la standardisation des consommateurs, qui constituent autant de précieuses muselières pour paralyser les corps et amnésier les esprits.
D’autre part, l’atomisme constitue le fondement du libéralisme (Mandeville 1714, avant Smith 1776) [vi] ; il équivaut à briser toutes les solidarités, et à entretenir la guerre de tous contre tous, parfois appelée compétitivité.
En scellant l’alliance entre capitalisme et technoscience, la révolution industrielle établit les deux principes fondamentaux du capitalisme mondialisé, l’atomisation des individus sous prétexte de les libérer, et leur conformisation afin de machiner le meilleur des mondes possibles. En d’autres termes, les conditions de possibilité de la culture, qui sont celles de la vie authentique, sont deux fois niées. D’une part, le conformisme se substitue à l’individuation (à ne pas confondre avec l’individualisme) ; d’autre part, l’atomisme remplace la solidarité. Or, sans solidarité, il est impossible de s’individuer, d’endosser son destin, de dépasser les contingences de sa naissance ; et, sans individuation, la solidarité reste lettre morte.
Cette double négation est toutefois rendue acceptable par une inversion spectaculaire (aussi au sens de Guy Debord) des pôles privé et public : on prend l’atomisme (c’est-à-dire l’absence de solidarité) pour de la liberté, et le conformisme (c’est-à-dire l’absence de projet personnel) pour de la solidarité (tout le monde désire la même chose). On obtient, en somme, la guerre des clones, de ceux qui montrent leurs derrières (calibrés) en public, et parlent de politique (néolibérale) en privé. Les conséquences sont radicales : infantilisation, déculturation, dépolitisation, dissociété, Terreur (1792, très précisément au moment où Sade écrit), c’est-à-dire la paralysie par l’angoisse.
3.5. Des sociétés disciplinaires aux sociétés du contrôle
Le passage au totalitarisme numérique peut se comprendre comme la transformation des sociétés disciplinaires (Foucault 1976) en sociétés du contrôle (Deleuze 1990) [vii].
L’ère thermo-industrielle est celle du machinisme et des institutions disciplinaires qui lui sont propres : famille, école, église, caserne, usine, hôpital, asile d’aliénés, prison, maison de repos. Tous (ou la plupart de) ces lieux d’enfermement physique (mais aussi mental) peuvent être avantageusement remplacés par un dispositif plus souple de contrôle mental (mais aussi physique) : le numérique. La technologie — et tout particulièrement les dispositifs associés à la 5G — permet maintenant une surveillance panoptique totale : traçage de tout le trafic internet (« big data ») et des déplacements physiques (géolocalisation), disparition des transactions en liquide, assignation à résidence (télétravail, cyber-enseignement, achats en ligne, téléconsultations) etc.
Le totalitarisme numérique pousse encore plus loin la synergie entre conformisme et atomisme en remplaçant tout ce qui restait d’humain — et donc de corporel, d’immédiat, de qualitatif et d’aléatoire — dans le machinisme par le virtuel, le médiat, le quantitatif et l’algorithmiquement nécessaire. Il n’y a pas plus conforme que celui qui dépend entièrement du numérique pour vivre ; il n’y a pas plus atomisé non plus. Du reste, la psychose hygiéniste institue un nouveau puritanisme qui exige une vie sans contact. Après avoir disposé de la chair du monde, le technocapitalisme entend exploiter sans complexes la chair humaine (Weber 2017 & 2018).
4. CONCLUSION
En conclusion, il faut bien comprendre que la crise de la Covid-19 n’est pas sanitaire, mais politique, et qu’aucune des mesures liberticides n’est fondée scientifiquement. Par contre, elle met en évidence la corruption complète du corps politique et de ses factotums médiatiques et scientifiques, et, plus particulièrement, leurs allégeances envers les puissances de l'argent et leur projet totalitaire. La crise constitue à la fois le symptôme de la faillite de la démocratie représentative, et le prodrome du retour d’une gouvernance uniquement respectueuse des droits du capital. Plus encore qu’Orwell (1949), c’est Terry Gilliam (1985) qui vient à l’esprit de celui qui chercherait à contraster le cauchemar politique avec l’absurdité fictionnelle.
Ces évidences se retrouvent très précisément dans l’intervention d’A. Penasse (qui a fait, après tout, preuve d’une grande retenue), lui qui demandait, 15 avril 2020, « quelle légitimité démocratique il y a à prendre certaines décisions quand la plupart des membres qui décident et réfléchissent font partie des multinationales et du monde de la finance ? »
Le capitalisme est kleptocrate et totalitaire par essence. L’évolution qui se dessine dans la gestion de la crise Covid-19 dévoile la corruption de tous les acteurs médiatisés et laisse entrevoir ceux qui, jusqu’ici, restaient dans l’ombre. Si la population reste confinée dans la terreur, rien ne viendra s’opposer au régime le plus barbare de tous les temps. Si elle se réveille, non seulement le règne de l’angoisse sera révoqué, mais il ne sera plus possible d’agir par la force non plus (les « gardiens de l’ordre » sont toujours issus du peuple, et leur servilité n’est jamais acquise une fois pour toutes). La dernière option des oligarques sera alors, comme d’habitude, le génocide. Toutes les guerres du XXe siècle étaient d’abord des guerres menées par l’aristocratie et la haute bourgeoisie contre le bas peuple. Mais l’irruption d’une vraie pandémie ne serait bien sûr pas à exclure…
Reste la question de savoir pourquoi les citoyens acceptent de se faire maltraiter par les « responsables politiques ». Pourquoi acceptent-ils de subir un pouvoir pervers ? La réponse se trouve dans l’analyse de la relation que le prédateur impose à sa proie. Précisons en deux mots les modalités qui ont été identifiées dans le cadre de l’inceste, de la logique concentrationnaire, ou de ce qui a été appelé tardivement (1973) le syndrome de Stockholm.
Il existe un lien vital entre le prédateur et sa proie : c’est le prédateur qui nourrit la proie, c’est lui qui lui offre un récit pour cadrer son malheur, c’est encore lui qui, parfois, fait un geste qui semble bienveillant. La proie refuse donc instinctivement d’ouvrir les yeux sur le mécanisme prédateur. Ferenczi (1932) l’a bien compris : l'enfant traumatisé, physiquement et psychiquement plus faible, se trouvant sans défense, n'a d'autre recours que de s'identifier à l'agresseur, de se soumettre à ses attentes ou à ses lubies, voire de les prévenir, et finalement y trouver même une certaine satisfaction. Aimer son bourreau, dont on dépend physiquement, symboliquement, et affectivement, devient une condition de survie, mais aussi un piège psychotique [viii].
Dans le cas qui nous occupe : comme cette servitude volontaire offre les avantages que l’on peut se payer, et les espoirs que l’on veut bien conserver, la plupart des citoyens croient pouvoir continuer, après le « confinement », à confondre rêve et réalité. Il leur faudra plutôt choisir entre rêve et cauchemar.
Michel Weber pour FranceSoir
—
[i] Orwell, George, Nineteen Eighty-Four [1949]. Introduction by Thomas Pynchon, London, Penguin Books, 2003
[ii] Il faut à ce propos rapprocher la naissance de la propagande et celle de la psychologie : cf. supra : « The Committee on Public Information » ou « Creel Committee », créé par Woodrow Wilson le 13 avril 1917.
[iii] « Imaginez, lance l’universitaire américain Robert McChesney, que le gouvernement prenne un décret exigeant une réduction brutale de la place accordée aux affaires internationales dans la presse, qu’il impose la fermeture des bureaux de correspondants locaux, ou la réduction sévère de leurs effectifs et de leurs budgets. Imaginez que le chef de l’État donne l’ordre aux médias de concentrer leur attention sur les célébrités et les broutilles plutôt que d’enquêter sur les scandales associés au pouvoir exécutif. Dans une telle hypothèse, les professeurs de journalisme auraient déclenché des grèves de la faim, des universités entières auraient fermé à cause des protestations. Pourtant, quand ce sont des intérêts privés en position de quasi-monopole qui décident à peu près la même chose, on n’enregistre pas de réaction notable. » (Columbia Journalism Review, New York, janvier-février 2008, cité par Serge Halimi, Le Monde diplomatique, oct. 2009)
[iv] Lacroix-Riz, Annie, Le Choix de la défaite. Les élites françaises dans les années 1930, Paris, Éditions Armand Colin, 2006
[v] Saint-Simon, Henri de Rouvroy, comte de, Lettres d’un habitant de Genève à ses contemporains [1803], Paris, Presses Universitaires de France, 2012 ; Tocqueville, Alexis de, De la démocratie en Amérique [1835], Paris, Robert Laffont, 1986
[vi] Mandeville, Bernard de, The Fable of the Bees or Private Vices, Public Benefits [1714], Oxford, At the Clarendon Press, 1924 ; Smith, Adam, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations [1776], Paris, Gallimard, Folio essais, 1976
[vii] Foucault, Michel, Histoire de la sexualité. I, La Volonté de savoir ; II, L’Usage des plaisirs ; III, Le Souci de soi [1976], Paris, NRF Éditions Gallimard, 1984 ; Deleuze, Gilles, « Post-scriptum sur les sociétés de contrôle », L’Autre journal, n°1, mai 1990
[viii] Ferenczi, Sándor, « Die Leidenschaften der Erwachsenen und deren Einfluss auf Character- und Sexualentwicklung der Kinder. Gehalten im September 1932 auf dem XII. Internationalen Psychoanalytischen Kongress, der vom 4. bis 7. September in Wiesbaden stattfand », Internationale Zeitschrift für Psychoanalyse 19, 1933, pp. 5-15
http://www.francesoir.fr/opinions-tribunes/covid-1984-la-verite-politique-du-mensonge-sanitaire-partie1
http://www.metabyanga.com
http://chromatika.academia.edu/MichelWeber