OMISSION, DÉFORMATION, DÉSINFORMATION

Publié le par Résistance verte

 

Ce que l’on ne voit pas a transformé notre manière de voir.

C’est de l’omission de la domination, de l’absence de visibilité de l’exploitation, du profit et de la disparition de l’aliénation du travail qu’émerge la société du spectacle comme unique représentation positive du monde qui détermine la pensée et la manière d’agir de chacun.

Le but de l’omission est d’imposer des certitudes parcellaires qui produisent une inintelligibilité générale, dans une confusion globale qui engendre la soumission délibérée par une peur irrationnelle du chaos et du désastre.

La croyance en une réalité séparée de l’observateur, crée un monde objet indépendant des humains qui le vivent. L’objectivité est cette manière de voir le monde comme objet extérieur, étrangère à toute expérimentation personnelle.

La pensée du monde est transformée en objet marchandable séparé de son penseur. L’objectivité réaliste est devenue une marchandisation de la pensée. C’est l’omission volontaire du sujet pensant qui produit la pensée objet, des idées séparées de la vie, des marchandises prêtes à consommer.

Le spectateur croit posséder le monde en consommant sa représentation trafiquée. Ce qui apparaît devient objectivement le réel de l’actuel. Cet ensemble de croyances fonde l’unité conforme de la société.
L’omission permanente de la domination marchande produit la forme aliénante de la mise en représentation du monde par une séparation inconsciente du sujet et de son monde rendu inaccessible.

Le visible crée le réel. Tout ce qui sort du cadre n’apparaît pas, ce qui n’est pas dans le plan n’est pas présent, ce qui se situe derrière la caméra n’existe pas. Le cadrage est impitoyable et sans appel, il s’impose comme la réalité, la seule possible pour le spectateur. Il délimite et définit, caractérise et produit sa réalité spectaculaire. Ce qu’il ne montrera jamais ce sont ses propres omissions qui forment l’angle mort du contexte.
Le spectateur ne perçoit pas les omissions. Ce qui n’apparaît pas dans les médias n’existe pas dans le monde du spectacle, c’est-à-dire dans la représentation marchande du réel qui se fait passer pour la réalité vécue.

Il n’y a rien à comprendre, le journalisme ne s’applique désormais plus qu’à nous inculquer le monde. Le présentateur ne donne pas de clé, il ne déchiffre rien, il dit ce qui doit être, et ce qui est dit devient réalité. Les présentateurs d’actualités sont les réalisateurs du réel en représentation. Ce n’est pas une vision de l’information qui nous est représentée, mais bien l’Actualité réelle du seul monde admissible.

Le désastre d’un monde qui s’esquive s’affiche sur tous les écrans. C’est un soupir constant, une souffrance fatale, une plainte pleurnicharde invariante, comme une inéluctable condamnation qui n’a jamais à se justifier et qui nous met dans l’obligation de nous soumettre au flux transcendant des messages, qu’il faut bien admettre pour ne pas être dépassés ni exclus.

La manipulation n’est jamais perçue comme telle, et c’est en ceci qu’elle est efficace. Le truquiste escamote le réel derrière l’illusion.

Le contemplateur médiatique consomme l’illusion d’assister à l’évènement, en croyant expérimenter personnellement l’actualité du monde et ainsi se faire sa propre opinion. C’est alors que « voir » devient « comprendre », avec le sentiment d’avoir été le témoin objectif de ce qui vient de se passer dans cette représentation truquée d’une réalité tronquée. Et c’est ainsi que la contemplation d’actualités devient la consommation d’informations qui asphyxie l’intelligence du moment.

Le journaliste écrit ce que son employeur veut le voir rédiger, c’est un écrivain public vendu à quelques privés privilégiés, un « nègre » déguisé en reporter qui rapporte à toutes les sauces le point de vue de ses financeurs.

Ce qui ne se voit pas dans les médias n’existe pas. La censure est toujours cachée, c’est son existence qui est toujours censurée, alors qu’est vénérée de partout la liberté d’expression, surtout lorsqu’elle fait défaut. Seuls ceux qui savent s’adapter à la norme dominante peuvent s’exprimer librement.
Ce contrôle fabrique du consensus d’illusions nécessaire à la soumission volontaire.

L’économie dicte le fonctionnement de l’information, qui elle-même, réduit le monde à ses contraintes économiques. L’économie est le discours publicitaire du système qui se prend pour une marchandise. C’est une supercherie médiatique derrière laquelle se cache le pillage de richesses par un petit nombre d’usurpateurs qui, en quelques années, se sont rendus maîtres de tous les médias et de tous les pouvoirs. L’économie est devenue le dieu incontesté de l’info, comme la réalité incontestable du monde.

L’euphorie publicitaire permanente standardise le bonheur en représentation comme modèle à contempler. Ce conditionnement intégrateur entretient la peur de l’exclusion, la hantise du bannissement, la panique de l’élimination. Maintenus à distance de notre existence, nous sommes rendus étrangers à vie, cantonnés à une survie imposée.

L’idolâtrie des images font vivre par substitution aux spectateurs des satisfactions qui font défaut dans leurs vies, de fausses relations avec de fausses représentations, produisant des hommes dénaturés, donc maniables.

Mais saturé d’infos sans consistances, plus grand monde ne croit vraiment en ce que racontent les mass medias. La croyance aux choses superficielles ne fonctionne que dans l’apparence du futile, l’éphémère de façade, pour la forme, sans conviction.

Mais la technologie a profondément détourné l’utilisation de la communication en changeant sa signification. La communication s’est fait piéger par sa médiatisation. Toute communication présente deux aspects : le contenu et la relation. Le contenu est transmis sur le mode digital, alors que la relation est essentiellement de nature analogique. La communication analogique est non-verbale. Il faut y englober posture, gestuelle, mimique, inflexions de la voix, succession, rythme et intonation... Les systèmes informatisés ne s’occupent que du contenu omettant complètement la relation. Ces machines numériques fonctionnent de manière digitale, sur un mode binaire, ignorant tout du monde analogique des relations complexes. Dans un système marchand, la communication est restreinte à l’expédition d’informations, l’annonce d’actualités, une transmission de messages, un transfert de données, la diffusion d’émissions, un moyen de propagation...

De l’autre côté de la dialectique, dans une société humaine, une personne prend part à une communication, elle en devient un élément actif participant à l’échange au cœur de la relation. Mais dans une société informatisée, l’action de communiquer se restreint à un transfert de données et se transforme, en fin de compte, en la chose communiquée. Elle se réduit souvent à un simple système technique de transmission d’images, de sons, de textes, le transport de données numériques. Le média devient une prothèse communicante, l’objet même du transfert. Les nouvelles technologies se présentent comme de la communication matérialisée, la communication n’est plus qu’une marchandise profitable. Ce système qui se fait passer pour une société de communication en action a amputé toute relation humaine de son processus, l’objet de transmission remplaçant l’interaction, la prothèse communicante prenant la place de la relation vécue.

L’organisation de la communication informatisée permet de contrôler la libre communication entre vivants, en la limitant aux apparences de ses représentations, et ainsi de faire régner l’ordre dans un monde d’objets numériques séparés.

Dans ce contexte de compétition agressive, de concurrence guerrière, la communication est rompue, l’autre est nié dans son existence, et l’aptitude à parler de la relation a disparu. C’est alors que petit à petit, la frustration de ne plus vraiment communiquer avec les autres déconstruit l’individu en le dépersonnalisant, car l’affirmation de sa personne passe par la confirmation de soi par les autres, au travers d’une relation de communication active.

L’ignorance rend informe l’information en l’idéalisant comme communication universelle, une mystification de la connaissance. Communiquer s’est muté en communier pour mieux cautionner, tout en occultant toute perturbation de ce culte de l’approbation.
L’obsession introversive, se désintéressant du monde extérieur et ne voulant rien savoir, quoi qu’il en coûte, génère une routine du faire-semblant, simulant une existence sociale par la consommation de marchandises communicantes. L’ignorance comme idée fixe est le plus pernicieux des toxiques mentaux puisque le pervers contaminé croit tout savoir de tout. Et en tant qu’élite de la connaissance, du haut de son aliénation suprême, ce maniaque narcissique juge et condamne tout le monde. Ainsi, les communications pathologiques réalisent une société malade.

Le phénomène de communication ne dépend pas de ce qui est émis, mais de ce qui arrive à la personne qui reçoit, comment elle réagit et ce que ça modifie dans la relation. La communication n’est pas qu’une simple « transmission d’informations », mais bien un système de comportements coordonnés et déclenchés mutuellement. C’est dans ces coordinations comportementales qu’en langageant nous faisons émerger un monde commun. Nous construisons nos existences par ce couplage linguistique mutuel. Nous sommes constitués de langage en action dans un devenir où émerge un monde créé ensemble dans une coexistence égalitaire librement partagée qui constitue notre humanité.

Intoxication mentale,
représentation, confusion, aliénation et servitude.
Lukas Stella (extraits)
http://inventin.lautre.net/linvecris.html#intoxment

 

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