RADIOACTIVITÉ À LA SEYNE

Hausses de radioactivité à la Seyne sur mer, l’hypothèse de tirs de gammagraphie est privilégiée
Communiqué du 15 juin 2020 - 15 h
Suite à l’incendie du sous-marin nucléaire Perle, vendredi 12 juin 2020 à l’arsenal de Toulon, la CRIIRAD avait produit un premier communiqué de presse en soirée du 12 juin indiquant qu’il fallait être vigilant et rechercher une explication aux augmentations répétées de la radioactivité ambiante enregistrées par une sonde gamma du réseau Teleray de l’IRSN située à la Seyne-sur-Mer, sous les vents de l’arsenal.
Bien que ces augmentations soient antérieures à l’incendie, elles posaient question. Des investigations complémentaires ont permis de les relier à des tirs de gammagraphie industrielle.
(L’incendie a été éteint le 13 juin " à 00 h 50, après plus de 14 heures d'une lutte qui a mobilisé une centaine de pompiers et plus de 150 personnes en soutien", a annoncé samedi matin le ministère des Armées dans un communiqué).
Nature des augmentations de la radioactivité
Un examen attentif des résultats de mesure de la sonde exploitée par l’IRSN à la Seyne sur mer montre qu’au cours du mois de juin 2020, des hausses significatives du taux de radiation ont été enregistrées en fin de soirée, durant les jours ouvrables du mardi 2 juin au vendredi 5 juin (voir graphe 1 ci-dessous) et du lundi 8 juin au vendredi 12 juin. Le maximum a été enregistré le mardi 9 juin à 18H UTC (139 nanoSieverts par heure pour un bruit de fond de l’ordre de 60 nanoSieverts par heure).
Ces augmentations démarrent aux alentours de 20 Heures (18 h UTC) et durent quelques heures. Elles sont nettement plus intenses (parfois doublement par rapport au bruit de fond habituel) que les fluctuations naturelles susceptibles d’apparaitre par exemple lorsque des précipitations rabattent au sol les descendants émetteurs gamma du radon 222, gaz radioactif naturellement présent dans l’air ambiant).
Parmi les hypothèses plausibles, la CRIIRAD a immédiatement envisagé celle de "tirs de gammagraphie". Ces opérations sont en effet souvent effectuées en soirée pour limiter les risques de présence de personnels dans l’environnement de la zone où a lieu le "tir".

Graphe 1 : Débit de dose gamma enregistré par les balises Teleray du 31 mai au 7 juin 2020 autour de Toulon
Présence d’une chaudronnerie industrielle
Durant le week-end, la CRIIRAD a examiné attentivement la carte d’implantation de la sonde de la Seyne-sur-Mer, située dans la zone portuaire de Brégaillon et a découvert l’existence d’une chaudronnerie industrielle (secteur de l’impasse des cabliers) à moins de 300 mètres à l’ouest / sud-ouest.

Carte 1 : implantation de la sonde gamma (réseau Téleray) et du préleveur d’air (réseau OPERA) de l’IRSN à la Seyne-sur-Mer
Des tirs de gammagraphie sont couramment pratiqués dans ce type d’industrie et conduisent à des augmentations notables du niveau de rayonnement gamma dans l’environnement proche.
Il va falloir vérifier auprès de l’entreprise et/ou des autorités si des tirs ont bien été effectués aux dates correspondant aux augmentations du niveau de radiation et quelles précautions sont prises pour limiter l’exposition des riverains aux radiations lors des tirs.
NB : Les sources radioactives couramment utilisées pour les tirs de gammagraphie sont de très forte activité (plusieurs milliers de milliards de Becquerels). Les débits de dose à un mètre de la source sortie de son blindage peuvent atteindre plusieurs Grays par heure c’est-à-dire qu’un individu pourrait recevoir en quelques secondes une dose supérieure à la dose maximale annuelle admissible pour le public.
Compte tenu de l’énergie des rayonnements gamma mis en œuvre (ils doivent être assez puissants pour traverser les pièces métalliques parfois très épaisses soumises à la « radiographie »), le champ de radiation peut être mesurable à plusieurs centaines de mètres.
Bruno Chareyron, ingénieur en physique nucléaire,
directeur du laboratoire de la CRIIRAD.