EXARCHEIA SOUS OCCUPATION POLICIÈRE
Le célèbre quartier rebelle et solidaire d'Athènes est complètement encerclé par d'énormes forces de police : de nombreux bus de CRS (MAT), des jeeps de la police antiterroriste (OPKE), des voltigeurs (DIAS), des membres de la police secrète (asfalitès), ainsi qu'un hélicoptère et plusieurs drones.
Lieu unique en Europe pour sa forte concentration de squats et d'autres espaces autogérés, mais aussi pour sa résistance contre la répression et sa solidarité avec les précaires et migrants, Exarcheia était dans le collimateur du gouvernement de droite depuis son élection le 7 juillet. Le nouveau premier ministre Kyriakos Mitsotakis en avait fait une affaire personnelle, d'autant plus qu'il avait été raillé début août pour ne pas avoir réussi à atteint son objectif de "nettoyer Exarcheia en un mois" comme il l'avait annoncé en grandes pompes.
Ce matin, 4 squats ont été évacués : Spirou Trikoupi 17, Transito, Rosa de Fon et Gare. L'offensive concerne pour l'instant la partie nord-ouest du quartier, à l'exception notable du squat Notara 26, réputé mieux gardé et très important symboliquement pour le quartier en tant que premier squat historique de la "crise des réfugiés" au centre ville d'Athènes.
On compte pour l'instant une centaine d'arrestations, ainsi que des agressions brutales contre des personnes tentant de filmer. Seuls les médias de masse au service du pouvoir ont l'autorisation de couvrir l'événement.
Au total, il y a 23 squats dans Exarcheia plus 26 autres autour du quartier, soit un total de 49 concentrés sur une zone assez petite. 49 squats auxquels il faut ajouter d'autres types de lieux autogérés, dont certains en location (Espace Social Libre Nosotros, magasin gratuit Skoros, etc.) ainsi que des dizaines de logements particuliers regroupant des groupes de militant.es, souvent près des terrasses pour permettre un accès au-dessus des rues.
Sur les squats qui se trouvent précisément à l'intérieur d'Exarcheia, 12 sont des squats d'hébergement pour les réfugié.es et migrant.es et les 11 autres sont des squats de collectifs politiques anarchistes et antiautoritaires (même si la plupart des squats de réfugié.es sont aussi évidemment très politiques, à commencer par le Notara 26 et Spirou Trikoupi 17 avec des assemblées directes et beaucoup de liens avec le reste du mouvement social).
Dans les squats de Spirou Trikoupi 17 et Transito (que les valets du pouvoir sont maintenant en train de murer), plus d'une quinzaine d'enfants ont été arrachés à une existence paisible et heureuse pour être subitement envoyés dans des camps. Ces sinistres camps sont insalubres et surpeuplés, les migrant.es y sont mal nourri.es et souffrent des variations de températures, subissent des humiliations et parfois des tortures, et Mitsotakis exige de surcroît qu'ils soient tous bien fermés et, à l'avenir, complètement coupés du reste du territoire.
Le visage de l'Europe ne cesse de se durcir à l'instar de ce qui se passe également sur les autres continents. Cette évolution toujours plus autoritaire du capitalisme conduit à nous interroger sur ce qu'annonce l'ère actuelle : l'offensive contre les poches d'utopies couplée à l'enfermement des boucs émissaires rappelle des heures sombres de l'Histoire.
Le monde entier devient fasciste et la Grèce en est, une fois de plus, l'un des laboratoires.
Mais rien n'est fini. Septembre arrive bientôt. Les jobs saisonniers se terminent. Le mouvement social se rassemble et s'organise à nouveau. Des lieux comme le Notara 26 et le K*Vox sont sous haute surveillance. Des ripostes se préparent, ainsi que plusieurs grands événements mobilisateurs. L'automne sera chaud à Athènes.
Résistance !
Yannis Youlountas
Alors que l’attaque contre le quartier rebelle et solidaire d’Athènes vient de commencer lundi, les masques tombent !
EXARCHEIA
L’ÉTAT ET LES FASCISTES
MAIN DANS LA MAIN
CONTRE LES ANARCHISTES
ET LES MIGRANTS
Oui, vous avez bien lu : parmi d’autres, ce sont des policiers portant des écussons fascistes qui ont commencé le « nettoyage d’Exarcheia ». Ils ne se sont pas cachés de leur appartenance et n’ont pas manqué de faire du zèle.
Alors qu’Aube Dorée est en train de disparaître, vaincu dans la rue par les groupes antifascistes, que ses locaux ferment les uns après les autres, que son siège va bientôt être mis en vente, que son quartier fétiche a été abandonné et que les démissions de ses responsables pleuvent depuis la perte de tous ses sièges au parlement, une chose permet tout de même aux néonazis de se réjouir : l’assaut de l’État grec contre le quartier libertaire et antifasciste où vivent librement beaucoup de migrants.
C’est une véritable revanche pour les néonazis grecs dont certains travaillent dans la police et se reconnaissent parfois à des signes de reconnaissance faisant directement allusion à la mythologie d’Aube Dorée. C’est pour eux un moment exceptionnel que de participer à l’assaut contre le bastion antiautoritaire d’Athènes.
Sur Internet, la fachosphère est surexcitée à l’idée de « voir Exarcheia disparaître ». Beaucoup de dessins évocateurs montrent des fascistes en train de détruire des symboles anarchistes ou jeter des réfugiés dans des camps.
Le storytelling de l’attaque d’hier dans les médias est complètement déformé, comme on pouvait s’y attendre. On y parle de traitement humain et même de délicatesse. C’est faux, bien sûr ! Des violences et des destructions ont été commises et nous en avons les preuves.
Plusieurs réfugiés ont été secoués et insultés, jusqu’à une petite fille qui a été poussée brutalement par des policiers violents au point d’avoir une dent cassée comme le confirment les membres du Spirou Trikoupi 17.
Beaucoup d’affaires ont été détruites et jetées, y compris des souvenirs qui pour nous avaient une grande importance. Des chaises ont été cassées avant d’être jetées dans le camion benne et même des paquets de couches ont été vus mélangés aux poubelles.
Durant sa campagne, Mitsotakis prétendait s’attaquer à des terroristes. En réalité, il ne s’est attaqué qu’à des paquets de Pampers (de nombreux paquets de couches et d’autres fournitures pour les enfants que les membres des convois passés connaissent bien). Mitsotakis prétendait que nos squats servaient de caches au trafic de drogues. Il n’a trouvé que des jouets et quelques bonbons.
En réalité, c’est lui qui a terrorisé des enfants en pleurs et des femmes qui luttaient pour leur émancipation (preuve en est la sublime participation des femmes et des fillettes du squat Spirou Trikoupi 17 à la manif du 8 mars dernier. C’est lui a renvoyé ces gens vers des camps via le commissariat spécialisé de Petrou Ralli.
Pendant ce temps, des témoins ont entendu plusieurs des types qui ramassaient ce qui restaient rirent bruyamment autour des camions bennes, ce qui confirmaient clairement l’ampleur du racisme de ces gens venus « virer du migrant »
Voyant le quartier se réveiller et de plus en plus de militant.es se rapprocher de la zone (principalement le quart nord-ouest d’Exarcheia), la police antiterroriste s’est déployée une deuxième fois pour repousser une éventuelle contre-attaque, armes automatiques en mains. Plusieurs de ces hommes cagoulés et surarmés ont bruyamment ironisé :
— Alors, ils sont où les antifas ?
Durant les infos de la mi-journée, les médias au service du pouvoir s’en sont donné à cœur joie, insistant sur la revanche de l’État contre la chienlit, « le retour de l’ordre et de la loi » (nom donné à l’opération par Mitsotakis lui-même). Plusieurs JT et sites ont titré : « la police (EL.AS) est entrée dans Exarcheia pour y rester ».
En d’autres termes : la police tente d’occuper Exarcheia. D’autres journaux télévisés, comme celui d’ERT, ont à nouveau insisté sur la présence d’étrangers d’Europe occidentale et en particulier de Français parmi les solidaires sur place, mentionnant que l’un des trois militants arrêtés dans le squat de la Kalidromiou est un Français.
Ce que n’ont pas montré les médias au service du pouvoir, c’est la photo qu’avait prise le couple Mitsotakis, il y a quelques mois, en posant devant l’une des photos d’une exposition sur les réfugiés. Pourtant, elle aurait bien montré l’hypocrisie de ces gens en les associant à l’une des photos de l’évacuation qu’ils ont commanditée.
À partir de 18 heures, durant la soirée d’hier, des militant.es d’Exarcheia se sont rassemblé.es autour du Notara 26 pour manifester leur soutien, sous la banderole NO PASARAN et les nouvelles affiches.
Puis une manif sauvage s’est improvisé en direction de la place centrale du quartier, attirant de plus en plus de monde des alentours. Plus de 1000 personnes au total, malgré la forte baisse de population du quartier en août (comme partout ailleurs dans Athènes). Là, les manifestant.es ont chanté leur révolte devant des flics de plus en plus nombreux et équipés. Et finalement, quelques camarades ont réussi à accrocher une banderole « You can’t evict a movement » (vous ne pouvez pas évacuer un mouvement) sur la façade du Spirou Trikoupi, muré comme son voisin le squat Transito au numéro 15.
Durant la nuit, plusieurs actions de représailles ont immédiatement eu lieu en Grèce, par exemple au local du député Nouvelle Démocratie (le parti de Mitsotakis) à Patras. De la peinture rouge et un tag : « Bas les pattes, ne touchez pas aux occupations ! NO PASARAN ! » en guise de « réponse » pour la « défense d’Exarcheia ».
À Athènes et ailleurs en Grèce, les réunions se sont multipliées malgré le mois d’août et il y a de plus en plus de monde. Des actions se préparent jusque dans certaines villes lointaines. À Athènes, un grand rassemblement aura lieu place Exarcheia ce samedi à midi. Et une très grande manif de rentrée aura lieu le 14 septembre, avec probablement beaucoup de monde.
Le gouvernement veut évacuer les anarchistes et autres révolutionnaires du quartier ? Il aura fort à faire, car Exarcheia, c’est aussi Rouvikonas et d’autres groupes moins connus mais bien déterminés à ne pas se laisser faire. Et il y a surtout d’autres rebelles dans d’autres quartiers qui ne sont pas d’accord avec ce caprice du prince.
L’État et les fascistes veulent expulser les migrant.es ? Ça risque aussi d’être compliqué : les arrivées sur les côtes de l’Est de la mer Égée sont si nombreuses qu’on n’a pas vu ça depuis 2016. D’ailleurs le pouvoir le sait puisqu’il vient d’entasser 21 000 migrants dans les îles de l’est égéen, dont 9 300 dans le sinistre camp de Moria (Lesbos) où plusieurs réfugiés sont morts de mauvais traitement ces derniers mois.
Pire encore, l’État a placé 600 migrant.es mineur.es isolé.es dans un camp soit disant spécialisé de 150 places, toujours sur l’île de Lesbos. Les conditions de vie sont tellement dures dans ce camp fermé et exigu que des bagarres éclatent souvent. L’une d’elle, dimanche, a vu la mort d’un adolescent afghan. Il avait voulu fuir l’horreur qui sévit dans son pays de naissance et il est finalement mort à l’âge de 15 ans dans un camp fermé conçu par l’Union européenne en Grèce (on se rappelle des séjours de Bernard Cazeneuve et de ses fonctionnaires et techniciens à Lesbos en 2016).
Le fascisme n’est pas mort avec la disparition d’Aube Dorée. Il est bel et bien vivant. Et il est décidé à prendre sa revanche, en Grèce, contre l’essor des utopies antiautoritaires ces dernières années et l’accueil exemplaire des réfugié.es par le mouvement social bien mieux que par l’État.
C’est donc bien plus que l’évacuation d’un quartier unique en Europe qui menace de se produire, mais aussi l’affrontement de deux visions diamétralement opposées du monde.
NO PASARAN !
Yannis Youlountas
http://blogyy.net/2019/08/28/exarcheia-letat-et-les-fascistes-main-dans-la-main/
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#Exarcheia #Grèce #Athènes