LES JEUNES POUR LE CLIMAT CRITIQUENT L'AN ZÉRO

Publié le par Résistance verte

Des jeunes en grève pour le climat expriment leurs inquiétudes au sujet du festival L'An Zéro

Le festival « écolo » l'An Zéro aura lieu du 30 août au 1er septembre. Des jeunes en grève pour le climat critiquent l'écologie « consensuelle » qui sous-tend cette initiative et d'autres.

L'An Zéro est un festival "écolo" qui doit se tenir les 30, 31 août et 1er septembre 2019. Il est organisé par le "lobby citoyen" La Bascule, dans l'idée d'accélérer la transition. Le festivalier sera en principe invité à traverser plusieurs villages thématiques (le village civique, militant, sportif ou encore le village paysan) pour rencontrer les différents "acteurs de la transition" afin d'apprendre et de co-élaborer la transition avec eux. Malgré son apparence rassembleuse et bon-enfant, l'An Zéro a suscité dès son annonce de très vives critiques, à la fois par voie de presse, mais aussi à l'occasion de réunions publiques avec les habitants en Creuse, où il devait avoir lieu. Conséquence : la tenue du festival à Gentioux-Pigerolles (Creuse) est annulée, et le festival est contraint de se déplacer ailleurs.

Si on prend davantage de recul, on se rend compte que la coopération pacifiste et raisonnée avec l'État n'a jamais porté ses fruits en 50 ans de lutte écologique : qu'a donné le dialogue depuis des années de sommets sur le climat, de COP, de petites réunions dans les cabinets ministériels avec les ONG et les entreprises ? Des promesses non tenues, et rien d'autre.
Le style très "managérial" de la communication de l'An Zéro n'a d'ailleurs rien à envier à la novlangue des startups les plus hypocrites.

Les critiques de l'An Zéro sont parfois rudes, mais elles pointent du doigt des problèmes essentiels d'une certaine écologie associative et militante. Cette écologie peut être qualifiée de consensuelle, parce qu'elle vise avant tout le "dialogue", c'est-à-dire, à permettre à des représentants de dialoguer avec les élus et les entreprises.

Dans ce contexte particulier, il est très étonnant de voir qu'aucun collectif local de gilets jaunes n'est attendu à l'An Zéro. Mentionner Priscillia Ludosky comme partenaire de l'événement ne cache pas cette absence criante : les GJ se sont toujours distingués par leur refus de reconnaître des figures de proue et n'ont cessé de remettre en question la verticalité. C’est donc faire preuve d’une mécompréhension de ce mouvement, et vouer la convergence à n’être que symbolique ou superficielle. Enfin, nulle trace de militants des quartiers populaires, alors qu'ils ont plusieurs fois "convergé" avec le mouvement climat (Marche du siècle, "Fin du grand débat, début du grand débarras", "Ripostons à l'autoritarisme").

Le choix des partenaires de l'événement laisse au contraire entrevoir une compagnie bien choisie, celle d'une certaine population : les classes moyennes supérieures, qui ont le loisir de se préoccuper de leur empreinte carbone. La rhétorique de la "nécessité de rester unis", de "ne pas se tirer dans les pattes" est une manière assez hypocrite d'imposer une vision très partielle de l'écologie. En effet, à l'heure où il devient crucial que la lutte écologique s'intensifie et gagne toute la société, l'An Zéro effectue des simplifications dangereuses en résumant l'écologie à sa version édulcorée et pacifiée.

En vérité, même si les gouvernants étaient de bonne volonté, ils ne pourraient rien faire. Ils sont tenus par les traités, les lois, l'endettement, la compulsion de croissance, le système monétaire international et ses grandes institutions (FMI, OMC, BCE, etc.). Pire, ils adhèrent souvent à ces règles avec un zêle remarquable : ils prolongent l'usage du glyphosate, ils ratifient sans cesse l'artificialisation de nouvelles terres, ils dédient d'immenses les moyens policiers et financiers pour réprimer les luttes. Veut-on vraiment dialoguer avec des gens qui tiennent de beaux discours, mais dont les actes contribuent chaque jour au ravage de la planète ? Veut-on dialoguer avec des gens qui font évacuer violemment la ZAD de Notre Dame des Landes ou celle de Bure, qui rasent des quartiers populaires pour les JO 2024 ou le Grand Paris, qui bétonnent les derniers espaces verts pour créer encore quelques « emplois » ?

Les organisateurs de l'An Zéro, comme Macron, admettent la nécessité de s'opposer à un "capitalisme qui a perdu la tête". Cette formulation nous semble très douteuse : elle suppose qu'un capitalisme ayant repris ses esprits, adéquatement régulé, humanisé et colorié en vert, serait tolérable. Il semble plutôt que le capitalisme ne soit pas "devenu fou", mais ait toujours été une logique folle depuis son origine en Angleterre au XIXe siècle. Le capitalisme ne pourra être "vert" ou "à visage humain", car sa survie suppose la création constante de valeur (et donc de plus en plus de travail, de production, d'extraction, d'exploitation). On voit bien que pour s'y opposer réellement, il ne suffit pas de petits aménagements, d'un peu de recyclage, d'un peu de "coopération élus - citoyens - entreprises".

S'attaquer à la racine du capitalisme, c'est s'attaquer à ses fondements :
1) Se libérer de l'espace et du temps pour sortir de la logique de valorisation (grève, blocage, réduction du temps de travail), et construire des contre-mondes qui soient fondés sur d'autres logiques (ZAD, jardins partagés, réseaux d'entraide, économie parallèle, amitiés).
2) Exproprier ceux qui détruisent la nature et nous pourrissent la vie : récupérer et transformer les moyens de production, occuper les lieux où nous habitons et où nous travaillons, arracher des terres et du temps à la logique capitaliste, pour permettre d'autres usages du monde.

Sous le vernis de l'unité, du grand rassemblement consensuel, apartisan, c'est donc une ligne politique bien précise qui est affirmée à l'An Zéro, un public très restreint qui est visé, une stratégie très claire qui est défendue : le déjà-vieux refrain d'une écologie qui serait "ni de droite ni de gauche". Cette écologie consensuelle, qui doit plaire à tout le monde, n'est dans le fond qu'une nouvelle offre sur le marché écologique, correspondant aux attentes des gouvernants et des entrepreneurs.

Nous ne sommes pas des consommateurs à qui l'on peut vendre du rêve avec des discours plats, plein de bons sentiments : nous, jeunes en grève pour le climat, nous sommes en rage, et nous digérons mal le fait que la lutte écologique puisse contribuer à la poursuite d'un monde toujours porté sur la marchandisation du vivant et des liens sociaux, dirigé par une élite blanche et aisée, qui ignore royalement la violence d'Etat à l'encontre de ceux et celles qui se révoltent pour un monde plus juste.

Collectif, POLITIS 0le 5 juillet 2019 (extraits)
https://www.politis.fr/articles/2019/07/des-jeunes-en-greve-pour-le-climat-expriment-leurs-inquietudes-au-sujet-du-festival-lan-zero-40634/

#jeunesengrèvepourleclimat #lanzero

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article