ANALYSE CRITIQUE DU SEUIL DE 10000 BQ/L DÉFINI PAR L’OMS
La CRIIRAD vient d’adresser aux autorités une demande de révision drastique des normes applicables à la contamination radioactive de l’eau potable. Il faut mettre fin au régime de faveur dont bénéficient les activités nucléaires : il leur permet d’exposer la population à des niveaux de risque plus de 100 fois supérieurs à celui qui est toléré pour les cancérigènes chimiques.
Envoyer la lettre ouverte en RAR, adressée à la ministre de la Santé, au ministre de la Transition Écologique et Solidaire et au président de l’ASN.
http://www.criirad.org/eau%20potable/2019-07-11_lettre-ouverte_H3-eau_1.pdf
La CRIIRAD demande également que toutes les communes dont l’eau potable est contaminée par le tritium soient recensées, que les situations soient évaluées et que les habitants soient informés. Un plan d’action doit permettre de traiter les situations par ordre de priorité, en tenant compte notamment de la durée et de l’intensité de la contamination. [...]
Les anomalies peuvent concerner de très grandes villes et pas seulement un petit village qui serait passé à la trappe. Nous avons des cas d’absence totale de contrôle (aucune analyse de radioactivité depuis 2005, date de l’entrée en vigueur de l’obligation de contrôle de la radioactivité de l’eau potable) ; des cas de fréquence d’analyse inférieure, voire très inférieure, à celle fixée par la réglementation ; des cas d’absence de résultats alors que des analyses ont pourtant été réalisées puisque nous les avons trouvées en effectuant la recherche à partir d’une autre commune ou en dehors du site du ministère de la Santé.
Nous ignorons encore l’origine des problèmes : défaut de contrôle ? Défaut de transmission des résultats ? Défaut de conception de la base de données ? Quelle que soit l’explication, les faits sont là : contrairement à ce qu’affirme le site ministériel, des millions d’habitants n’ont pas accès aux résultats des analyses de radioactivité. [...]
L’équipe de la CRIIRAD
LETTRE OUVERTE
Notre association est régulièrement confrontée à des situations de contamination (1) de l’eau potable ou des ressources en eau par le tritium. La pollution sévit parfois depuis des décennies (autour des sites de Valduc, Marcoule ou la Hague/CSM, par exemple). Elle peut être provoquée par des rejets radioactifs chroniques dans le milieu aquatique, provenir de dépôts de déchets radioactifs ou de fuites sur divers équipements d’installations nucléaires. Elle est liée, le plus souvent, au fonctionnement (ou aux dysfonctionnements) d’installations nucléaires civiles ou militaires.
Tous les dossiers sur lesquels nous avons travaillé ont un point commun: les autorités comme les pollueurs se réfèrent à la valeur guide de10000 Bq/l fixée par l’Organisation Mondiale de la Santé.
Cette valeur est présentée en outre comme un seuil de potabilité défini avec des marges de sécurité, étant basé sur une consommation journalière de 2 litres d’eau pendant 70 ans.
La CRIIRAD a procédé à l’analyse critique des «Lignes directives pour la qualité de l’eau de boisson» publiées par l’OMS. Une synthèse du volet «tritium» est présentée en annexe 1.Il ressort de cette étude :
1/ que l’OMS retient, pour les polluants radioactifs, un niveau de risque cancérigène plus de100fois supérieur à celui qu’elle a pris en référence pour les polluants cancérigènes chimiques ;
2/ que plusieurs anomalies méthodologiques induisent en outre, pour le tritium, un niveau de risque cancérigène 160 fois supérieur à celui pris en référence pour les polluants chimiques.
Ces chiffres devraient en outre être doublés pour tenir compte de l’estimation par excès retenue pour les polluants chimiques ! Rien ne justifie ce régime de faveur accordé aux activités nucléaires.Tolérer des niveaux de risque aussi élevés est d’autant plus choquant que les valeurs guides de l’OMS ne s’appliquent qu’en fonctionnement normal, en dehors de toute situation accidentelle. Elles conduisent à normaliser des situations de pollution ce qui est particulièrement dommageable pour un bien aussi précieux que l’eau potable.
La CRIIRAD demande, en conséquence, l’abandon immédiat de toute référence aux valeurs guides que l’OMS a fixées pour les radionucléides artificiels (ou pour les radionucléides qui existent à l’état naturel mais dont la présence est d’origine anthropique) (2). Elle sollicite également une intervention au-près de l’OMS pour qu’un travail de révision des valeurs guides applicables à la qualité radiologique de l’eau soit entrepris dans les meilleurs délais.
L’application au tritium de la méthodologie et du niveau de risque maximum définis pour les cancérigènes chimiques conduit à abaisser la limite sanitaire à 30 Bq/l. De plus, dès lors que l’on prend en compte l’ensemble des paramètres pertinents, la nouvelle valeur guide ne devrait pas dépasser 10 Bq/l.
Cette réduction drastique, mais nécessaire, de la limite sanitaire implique logiquement la révision à la baisse de la référence de qualité de 100 Bq/l.
Cette valeur constitue actuellement un seuil d’investigation déclenchant la réalisation d’analyses complémentaires pour identifier et quantifier les autres radionucléides artificiels éventuellement présents et qui seuls seront pris en compte dans le calcul de dose. La référence de qualité tritium ne doit plus avoir pour fonction exclusive la mise en évidence des «vraies» pollutions radioactives. Elle doit égale-ment traiter spécifiquement les contaminations en tritium: permettre de détecter toute augmentation significative et, partant de là, de s’interroger sans délai sur l’existence d’une pollution et, si elle est confirmée, sur ses causes et sur les moyens d’y mettre fin.Dans cette optique, la nouvelle référence de qualité doit être fixée au niveau le plus bas possible. Une valeur de 2 Bq/l conviendrait pour les eaux de surface et les nappes alluviales.
S’il est prouvé que la réduction requise ne peut être rapidement mise en œuvre du fait des capacités métrologiques insuffisantes des laboratoires agréés, une réduction provisoire à 10 Bq/l pourrait constituer une étape intermédiaire à condition qu’elle s’accompagne de garanties solides.
Au vu du passif, il importe dans tous les cas de recenser l’ensemble des communes alimentées par de l’eau potable contaminée par le tritium et d’établir un plan d’actions correctives, avec un ordre de priorité qui tienne compte de la durée et de l’intensité de l’exposition des habitants.
Nous espérons obtenir des réponses précises aux différents arguments et demandes exposés ci-dessus et détaillés en annexe.
Nous sollicitons par ailleurs un rendez-vous sur la question globale des anomalies que la CRIIRAD a identifiées dans le dispositif de contrôle de la radioactivité de l’eau potable: sur le tritium, bien sûr, mais également sur les insuffisances de la méthode de dépistage, sur la référence de qualité de 100Bq/l retenue pour le radon, sur l’utilisation d’une même référence pour les radionucléides naturellement présents dans l’eau et pour ceux qui traduisent un impact anthropique, etc.
Un second courrier traitera des problèmes identifiés dans le dispositif de contrôle des niveaux de tritium et dans les modalités d’information de la population. Nous souhaiterions également inscrire ces questions à l’ordre du jour de l’entretien que nous sollicitons.
Vous remerciant de votre attention et restant à votre disposition pour tout complément que vous souhaiteriez, nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, Monsieur le Ministre, Monsieur le Président, l’expression de nos très sincères salutations
Pour la CRIIRAD, Corinne Castanier,
responsable réglementation/radioprotection
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1. Dans le présent courrier, les termes de «pollution » et de « contamination » font référence à des activités de tritium supérieures, voire très supérieures, au bruit de fond attendu du fait du tritium d’origine naturelle et de la contamination résiduelle liée aux essais nucléaires militaires.
2. Le cas des valeurs guides applicables aux radionucléides naturels, naturellement présents dans l’eau n’est pas traité dans le présent courrier. Leur révision est également nécessaire mais les logiques et ordres de grandeur diffèrent.
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Analyse critique du seuil de 10000 Bq/l défini par l’OMS :
http://www.criirad.org/eau%20potable/2019-07-1_H3_10.000%20Bq_1.pdf
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#nucléaire #radioactif
LA DANGEROSITÉ DU TRITIUM
L’actualité dans les médias autour du tritium dans l’environnement, en particulier dans l’eau de boisson, est une bonne chose : enfin on en parle. Il a fallu des relevés effectués par l’ACRO dans la Loire, montrant qu’on peut en trouver, y compris à distance des installations nucléaires autorisées à en rejeter. Mais le tritium n’est qu’un indicateur des pollutions radioactives. Comme il est très mobile et quasiment impossible à confiner, il peut migrer jusqu’aux consommateurs.
La CRIIRAD, depuis plus de 20 ans, a alerté sur sa présence dans beaucoup de réseaux : dès 1995 autour de Valduc, près de Dijon - dans le bassin de Seine Normandie - autour de Marcoule, dans la vallée du Rhône. Et depuis 2015 il y a obligation de le rechercher dans les eaux distribuées. Mais le protocole mis en place ne garantit pas que l’absence de pollution, à cause d’un seuil de détection bien trop élevé. A partir d’un seuil de 100 Bq/l, on peut affirmer la présence de pollution. Alors pour les autres radionucléides alpha et bêta, etc, des contrôles sont faits mais ne garantissent pas une protection du consommateur, en particulier des enfants.
Et quand le paramètre alpha est largement dépassé, comme dans la nappe située entre Soulaines et Morviliers, à une réunion à laquelle j’ai participé le 7 juin, l’ANDRA a affirmé que c’est naturel. La réglementation dit, que dans ce cas, pourtant, il faudrait rechercher tous les radio-éléments présents. Ce que l’ANDRA n’a pas fait ou ne veut pas en divulguer les résultats. Elle affirme : c’est naturel. C’est à elle de le prouver.
Roland DESBORDES (CRIIRAD)
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Pas de polluants radioactifs
dans notre eau potable !
Pétition CRIIRAD
https://www.mesopinions.com/petition/sante/polluant-radioactifs-eau-potable/70569