PERSPECTIVE ANTI-INDUSTRIELLE

Publié le par Résistance verte

 

Dans le cours de la mécanisation du monde, cette séparation avait converti la science et la technologie en religion des dirigeants. A force d’être utilisées à dresser et soumettre les humains, elles avaient fini par conditionner et déterminer tout le développement économique et toutes les formes d’exploitation.
En un mot, elles étaient devenues autonomes. la domination de la nature par l’homme avait entraîné la domination de l’homme par la technique. Cette dernière avait libéré l’homme de la nature, mais pour le soumettre à ses propres lois: elle avait créé une seconde nature. La mécanisation prenait les commandes dans une époque de barbarie équipée qui se caractérisait de plus en plus par la domination des moyens sur les hommes, simples instruments de ses instruments. Et comme le dit Ellul, la technologie n’est rien d’autre que le mode d’organisation du monde. L’usage de n’importe quelle technique dépend de sa structure, de sa conception. Si l’on choisit une technique déterminée, on en accepte les conséquences.

La technique ne cherche pas à s’intégrer au monde, mais au contraire, elle veut que le monde s’intègre à elle. Les machines ont facilité une plus grande production, mais elles ont détruit les métiers ; de nos jours elles favorisent la production automatique en même temps qu’elles multiplient le travail précaire. Une machine comme l’ordinateur augmentera les possibilités d’informer et de coordonner, et ceux qui en tireront les meilleurs bénéfices ne seront pas les communautés virtuelles de pseudo-contestataires, mais les grandes organisations: par exemple les holdings financiers, les entreprises multinationales, les armées, la police ou le fisc. Non seulement le système économique mondial est une réussite de la technologie, mais le complexe financier, militaire et politique qui gouverne le monde, la «mégamachine» de Mumford, est l’expression même de la pure technologie.

La domination se dissimule comme technique. Le pouvoir dominant dispose de la raison technique comme moyen de légitimation. Le manque de liberté et l’oppression sont justifiés comme exigences techniques. La technique altère la perception naturelle de la réalité, jusqu’au point de créer une conception de la réalité qui lui est propre. Tout ce que voit un homme assis devant un écran d’ordinateur lui paraît information.
Ceux qui contrôlent la technologie contrôlent aussi les idées. L’idéologie technologique, la technique comme idéologie, vampirise les formes antérieures de légitimation du pouvoir telles que l’idéologie politique, la nécessité économique ou la religion, en créant la plus grande unanimité.  chacun se retrouve en tête à tête avec l’aliénation objectivée sous la forme d’innocentes machines. L’émancipation de l’humanité prolétarienne doit être par-dessus tout celle de son émancipation de la technologie autonome.

Miquel Amorós, Préliminaires, une perspective anti-industrielle, 2004 (extraits).
http://inventin.lautre.net/livres/Amoros-Articles.pdf

 

"La censure de la critique sociale latente dans la lutte contre les nuisances a pour principal agent l’écologisme : l’illusion selon laquelle on pourrait efficacement refuser les résultats du travail aliéné sans s’en prendre au travail lui-même et à toute la société fondée sur l’exploitation du travail. Quand tous les hommes d’État deviennent écologistes, les écologistes se déclarent sans hésitations étatistes. Les écologistes sont sur le terrain de la lutte contre les nuisances ce qu’étaient, sur celui des luttes ouvrières, les syndicalistes : des intermédiaires intéressés à conserver les contradictions dont ils assurent la régulation, des négociateurs voués au marchandage (la révision des normes et des taux de nocivité remplaçant les pourcentages des hausses de salaire), des défenseurs du quantitatif au moment où le calcul économique s’étend à de nouveaux domaines (l’air, l’eau, les embryons humains ou la sociabilité de synthèse) ; bref, les nouveaux courtiers d’un assujettissement a l’économie dont le prix doit maintenant intégrer le coût d’un « environnement de qualité."

Adresse à tous ceux qui ne veulent pas gérer les nuisances mais les supprimer, Encyclopédie des Nuisances, 1990.

Publié dans Environnement

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