CENTRALES NUCLÉAIRES SOUS OURAGAN
Inquiétude sur les conséquences de l’ouragan Florence aux USA pour les centrales nucléaires
L’ouragan Florence a frappé la côte est des Etats-Unis le 14 septembre. Plusieurs centrales nucléaires se trouvent sur son chemin. Duke Energy qui exploite les centrales de Brunswick et Harris en Caroline du Nord a prévenu dès le 11 septembre qu’il faudrait peut-être plusieurs jours pour rétablir le courant en fonction de l’intensité des dégâts. Des réacteurs nucléaires ont été arrêtés en prévision. C’est le cas de la centrale nucléaire de Brunswick en Caroline du Nord située à Southport, à 6-7 km à l’intérieur des terres et 6 mètres au-dessus du niveau de la mer.
Mais même à l’arrêt, un réacteur nucléaire doit être refroidi en permanence sous peine d’accident grave. Les pluies diluviennes qui sont attendues et les vents violents pourraient mettre à mal les systèmes de refroidissement de secours et conduire à une impossibilité de refroidissement des cœurs nucléaires comme ce qui s’est passé à Fukushima en mars 2011.
L’association de scientifiques américains Union of Concerned Scientists a fait part de son inquiétude. En 2012 l’exploitant avait identifié des centaines de défauts ou manquements sur les systèmes de protection contre les inondations (joints fissurés, tuyauteries corrodées). Or selon l’association, aucun des rapports rendus publics depuis par les autorités américaines (NRC) ne précisent si ces réparations ont été effectuées.
Le service balises de la CRIIRAD restera en vigilance renforcée ce weekend.
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Inquiétude sur les conséquences de l’ouragan Florence aux USA et du typhon Mangkhut en Asie du sud-est pour les installations nucléaires.
CONTEXTE
L’ouragan Florence a frappé la côte est des Etats-Unis le 14 septembre 2018. Plusieurs installations nucléaires se trouvant sur son chemin, la CRIIRAD a mis son service « balise » en vigilance renforcée1 et en a informé ses adhérents et les collectivités locales partenaires du réseau de balises.
A l’autre bout de la planète, le typhoon Mangkhut a lui aussi atteint des zones comportant des installations nucléaires en Asie du Sud-est.
La CRIIRAD a étendu sa vigilance sur le secteur Asie du sud-est et ainsi précisé, dimanche 16 septembre, sur sa page Facebook : « Le Typhon Mangkhut, après avoir durement frappé le nord des Philippines, a atteint ce 16 septembre les côtes de la province de Guangdong en Chine où se trouvent les centrales nucléaires de Taishan et de Yangjiang ».
Bien que la CRIIRAD soit une association française, elle s’efforce dans la mesure de ses moyens, d’anticiper les situations qui pourraient conduire à une exposition radiologique grave des citoyens afin de veiller à ce qu’ils soient correctement informés.
C’est ainsi que le vendredi 11 mars 2011, lors de l’annonce de la perte de refroidissement de la centrale de Fukushima, la CRIIRAD avait souligné dans un communiqué2, hélas à juste titre, la gravité de la situation et s’était mobilisée pour lancer l’alerte dès le début de la catastrophe3.
La CRIIRAD n’a cependant pas les ressources nécessaires pour effectuer, en temps réel, une analyse détaillée de la situation des installations nucléaires à l’échelle planétaire.
La présente note ne constitue donc qu’un point très partiel.
CENTRALE DE BRUNSWICK (USA)
Duke Energy qui exploite les centrales de Brunswick et Harris en Caroline du Nord avait prévenu, dès le 11 septembre, qu’il faudrait peut-être plusieurs jours pour rétablir le courant en fonction de l’intensité des dégâts. Des réacteurs nucléaires ont été arrêtés en prévision. C’est le cas de la centrale nucléaire de Brunswick située à Southport, à 6-7 km à l’intérieur des terres et 6 mètres au-dessus du niveau de la mer.
Mais même à l’arrêt, un réacteur nucléaire doit être refroidi en permanence sous peine d’accident grave. Les pluies diluviennes et les vents violents peuvent mettre à mal les systèmes de refroidissement de secours et conduire à une impossibilité de refroidissement des coeurs nucléaires comme ce qui s’est passé à Fukushima en mars 2011.
S’agissant de la centrale de Brunswick, l’association de scientifiques américains Union of Concerned Scientists a fait part de son inquiétude avant l’arrivée de l’ouragan, rappelant qu’en 2012, l’exploitant avait identifié des centaines de défauts ou manquements sur les systèmes de protection contre les inondations (joints fissurés, tuyauteries corrodées). Or selon l’association, aucun des rapports rendus publics depuis par les autorités américaines (NRC) ne précisent si ces réparations ont été effectuées.
La centrale de Brunswick a en tout cas dû faire face à une situation très délicate. Elle a notifié samedi 15 septembre 2018 à la NRC (Nuclear Regulatory Commission) un « avis d’évènement inhabituel ».
En effet, les inondations ont rendu des routes impraticables et les salariés de la centrale nucléaire ne pouvaient y rentrer ou en sortir normalement. Cela signifie que des centaines de salariés dont deux membres de la NRC ont été bloqués pendant plusieurs jours dans la centrale et que le renouvellement des équipes n’a pas pu être effectué correctement. Selon Fox-news, les salariés de la centrale ont dû être ravitaillés par hélicoptère (nourriture et eau potable). Selon le journal local portcitydaily4, certaines équipes ont travaillé 12 heures d’affilée.
La NRC contactée par la CRIIRAD a précisé le 17 septembre5 « L'avis d'événement inhabituel déclaré par les opérateurs de la centrale samedi était uniquement basé sur des problèmes d'accès au site. Les deux unités restent en arrêt, ont accès à une alimentation électrique externe et n’ont aucun problème avec les générateurs diesel ou d'autres équipements de sécurité. Il y a un accès limité au site et depuis le site, mais la NRC n’est pas inquiète à propos des conditions actuelles de la centrale, du personnel ou des inondations dans la zone affectant les fonctions de sécurité de la centrale ».
L’avis d’évènement inhabituel a été levé le 18 septembre, mais nous n’avons pas eu de détails sur le niveau de dégradation de la sûreté lié aux inondations.
AUTRES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES AUX USA
La NRC, interrogée par la CRIIRAD sur l’impact de l’ouragan Florence sur d’autres installations nucléaires de la côte est des Etats-Unis (en plus de la centrale de Brunswick) nous a indiqué6 le 18 septembre 2018 : «L’installation de Global Nuclear Fuels située au nord de Wilmington a mis fin à tous les processus avant l’arrivée de la tempête et, malgré les pluies et les dégâts causés aux bâtiments, ils ont signalé qu’il n’y avait aucun impact sur la sûreté nucléaire. Aucune autre centrale nucléaire ou autre installation nucléaire n'a été touchée par la tempête »
D’une manière globale ces inondations, outre des conséquences sur le niveau de sûreté des installations nucléaires peuvent conduire à la dispersion de déchets et matériaux contaminés sur le plan chimique ou radiologique.
Aux USA, l’ouragan Florence a battu des records de précipitations, 5 rivières des Carolines ont vu leur niveau d’eau battre des records historiques, des fuites ont été signalées7 au niveau d’installations d’entreposage de cendres de centrales thermiques au charbon. Des évacuations ont également eu lieu compte tenu des risques de rupture de barrages.
RÉACTEURS NUCLÉAIRES EN CHINE
Le 15 septembre, le journal SCMP8 (South China Morning Post) rapportait que les exploitants des sites nucléaires de Taishan et Yangjiang étaient « prêts au combat », et que le directeur d’une des centrales nucléaires « a souligné l’importance de veiller à ce que toutes les portes et fenêtres soient bien fermées et que les unités soient sécurisées pour minimiser l’impact de Mangkhut » !
Le 17 septembre, la presse Chinoise se faisait l’écho des déclarations officielles rassurantes : « Les centrales nucléaires exploitées par la China General Nuclear Power Corporation (CGN) au Guangdong et au Guangxi ont résisté au typhon, a indiqué la société dimanche soir ».
Mais au-delà de ces informations lénifiantes nous n’avons pu obtenir pour l’instant aucun compte rendu détaillé de la situation sur ces installations.
Les conséquences en termes de pertes en vies humaines sont déjà très lourdes tant aux USA qu’en Asie du Sud-Est.
Il faudra attendre plusieurs jours et semaines pour pouvoir faire un bilan des conséquences environnementales de ces inondations.
Bruno CHAREYRON, ingénieur en physique nucléaire, directeur du laboratoire de la CRIIRAD
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1 Selon le cas, cette vigilance renforcée passe par la consultation régulière des informations publiques (sites des exploitants nucléaires, des autorités de contrôle, media, blogs), l’activation de contacts locaux (ONG, riverains, journalistes), etc..
2 http://www.criirad.org/actualites/dossier2011/japon_bis/11_03_11_info_adherents.pdf
3 http://www.criirad.org/actualites/dossier2011/japon_bis/criirad/communique.html
4 https://portcitydaily.com/local-news/2018/09/18/emergency-declaration-at-brunswick-nuclear-plant-means-intense-workload-no-reinforcements-for-staff/
5 Courriel de Roger Hannah (Senior Public Affairs Officer, NRC) à B. Chareyron (CRIIRAD) : « The Notice of Unusual Event declared by plant operators Saturday was based solely on site access issues. The two units remain shut down, have offsite power and no issues with the diesel generators or other safety equipment. There is some limited access to and from the site, but the NRC has no current concerns about plant conditions, staffing or flooding in the area affecting the plant’s safety function”.