LES GRANDES OREILLES QUI SIFFLENT

Publié le par Résistance verte

 

Une station d'écoute mobile rend malades poulets... et mouflets.
Le préfet de police a les grandes oreilles qui sifflent.

AVIS aux parents d’élèves, à leurs enfants et aux enseignants : croiser un monospace Volkswagen noir à vitres fumées peut s’avérer dangereux. Depuis quelques semaines, la préfecture de police (PP) de Paris teste une station mobile d'écoute digne de James Bond. Un système au rayonnement électromagnétique si puissant que les poulets s’inquiètent de ses effets sur la santé. La semaine dernière, le représentant du syndicat Unsa-Police a interpellé le préfet, qui a juré que les utilisateurs n’avaient rien à craindre.

Tant mieux pour la troupe. Pour les riverains, en revanche, la prudence est de mise. Dans une lettre datée du 19 avril, le directeur des services techniques et logistiques de la préfecture de police alerte le patron du « 36 » : « Au vu des seuils élevés mesurés a l’extérieur du véhicule, mes services attirent votre attention quant a l'utilisation continue du véhicule, qui est à proscrire à moins de 100 mètres d’un établissement qui accueille des enfants ». Vu le nombre d’écoles et de crèches à Paris, voilà qui interdit bien des rues !

Camouflé dans un monospace secret-défense, ce super Imsi-catcher (1,8 million d’euros, quand même) espionne tous les téléphones et ordinateurs présents dans un cercle d’au moins 1 km de diamètre. Comment ? En imitant le fonctionnement d’une antenne- relais de téléphonie mobile, de manière que les appareils situés à proximité s y connectent.

Ces grandes oreilles peuvent savoir qui appelle qui (dans quel appartement, à quel étage), lire tous les SMS, aspirer le contenu des agendas, des blocs-notes, des répertoires téléphoniques, mais aussi les consultations de sites Internet ou les mails. Avec, en prime, la possibilité de capter simultanément deux ou trois conversations et de les re-router sur les téléphones portables des policiers, où qu’ils se trouvent. Ni vu ni connu.
Facile de comprendre, donc, pourquoi, à la préfecture de police, deux directions - celle du renseignement et celle de la police judiciaire - se sont étripées pour récupérer l’engin espion.

Jusqu’à présent, elles devaient se contenter d’une dizaine de petits Imsi-catchers, au rayon d’action limité, incapables d'écouter des conversations téléphoniques. C’est finalement la PJ parisienne qui gardera la camionnette dans son garage et la prêtera aux rivaux chargés du renseignement.

BIEN RENSEIGNÉS

Avec ce nouveau joujou, le préfet de police de Paris est désormais équipé d’un mouchard sur roues plus puissant que les quatre déjà en service à la DOSE, à la DGSI, au GIGN ou au très discret Service interministériel d’assistance technique. Pour la petite histoire, c’est avec un Imsi que ce service chargé de traquer le « crime organisé » a identifié le téléphone secret acheté par Sarko au nom de Bismuth.

Longtemps employés en loucedé, les Imsi-catchers n’ont été légalisés qu’en juillet 2015, par une loi taillée sur mesure. Afin de limiter les dérives, poulets et militaires n’ont pas le droit d’en faire fonctionner plus de 60 sur le sol français. La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement veille au grain. Elle est notamment censée vérifier que toutes les données avalées n’ayant rien à voir avec les cibles sont bien détruites. Mais qui pourrait douter de la loyauté des services de renseignement ?

D. H. et C. L, Le Canard enchaîné, juin 2018

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