LES MURS TOMBENT DANS LE BOIS LEJUC !
Aujourd’hui (14 août), près de 500 personnes, jeunes, moins jeunes, militant-e-s de tous les horizons, habitant-e-s, agriculteurs, ont réinvesti le Bois Lejuc et procédé à sa remise en état dans une atmosphère festive et déterminée. Plusieurs centaines de mètres de pans de mur illégalement érigés ont été abattus, d’autres redécorés, des arbrisseaux plantés. Quelques plants de légumes plantés lors de l’occupation de la forêt du 19 juin au 7 juillet, rescapés de la reprise de la forêt par l’Andra, ont même été repiqués.
Militant-e-s récemment mobilisé-e-s et opposant-e-s de la première heure se sont retrouvé-e-s à l’ombre des arbres libérés pour pique-niquer et refaire le monde sur les ruines du mur. Avec la chute de ce mur, ce n’est pas seulement un symbole de la violence et du passage en force de l’Andra qui est tombé ; c’est aussi la chape de plomb de la fatalité et de la résignation qui s’est fissurée.
Cette fronde populaire est une saine et légitime défense face au rouleau compresseur de l’Andra, prête à tout pour imposer CIGÉO (emploi de vigiles surarmés, mépris des lois, mépris des décisions de justice). Les centaines de personnes arrivées dans le bois ont pu constater l’ampleur des dégâts infligés à la forêt : coupes dans des futaies de jeunes arbres, nouvelles et larges saignées dans les taillis… Certains indices laissent d’ailleurs penser que l’Andra a poursuivi ce défrichement illégal même après la décision de justice du 1er août. Nous attendons avec impatience les échéances juridiques à venir.
Face à l’étendue des dégâts et la mauvaise foi de l’Andra, il nous semble plus qu’essentiel de continuer à défendre la forêt dans les jours et semaines à venir.
—
À BURE, LES ANTINUCLÉAIRES S'ATTAQUENT AU MUR
Plusieurs centaines de manifestants opposés au futur centre de stockage de déchets radioactifs à Bure (Meuse) ont abattu dimanche des pans du mur de protection du chantier, dans un bois objet de lutte depuis plusieurs semaines.
Arrivés a l’orée du bois Lejuc, munis de bâtons, pioches ou autres, ils ont abattu une partie du mur en béton construit par l’agence nationale de gestion des déchets nucléaires (Andra), qui y mène des travaux exploratoires. Ce mur en béton, haut d’environ deux mètres, vise à empêcher les opposants au projet, installés non loin, de dégrader le chantier à l’arrêt depuis deux semaines.
Plusieurs centaines de manifestants
Les manifestants, au nombre de 450 selon les organisateurs, 200 à 300 selon la préfecture, s’étaient réunis en fin de matinée devant la mairie de Mandres-en-Barrois. Le secrétaire général d'Europe Ecologie les Verts, David Cormant, avait fait le déplacement.
C’est dans le bois Lejuc, propriété de l’Andra, que sont menés des travaux exploratoires en vue de la création du centre d’enfouissement de déchets nucléaire sur ce territoire aux confins de la Meuse et de la Haute-Marne. Le site a été choisi dans les années 1990 pour devenir un centre d’enfouissement des déchets nucléaires les plus radioactifs, qui représentent environ 4% des déchets produits en France. Ils seront, si le projet est mené a terme, enterrés à 490 m sous terre.
Les gendarmes s'étaient retirés la veille
Depuis des semaines, les opposants se battent contre ces travaux et le mur d’enceinte érigé autour. La justice leur a d’ailleurs donné raison le 1er août en déclarant le défrichage illégal, et en demandant à l’Andra de remettre le bois en état dans les six mois - sauf à obtenir une autorisation, ce qui sera difficile dans le temps imparti.
Sous le soleil, les opposants se sont réjouis de ne voir aucun gendarme à l’horizon. Postés autour du bois dont ils avaient délogé les manifestants au bout de trois semaines d’occupation mi-juillet, les gendarmes s'étaient retirés samedi. La préfecture a justifié ce choix tactique par le souci de ne pas prendre de risque face au danger de voir certains manifestants s’affronter violemment avec les forces de l’ordre.
—
—
VENT DEBOUT CONTRE LA POUBELLE DE BURE
Des centaines de militants se sont mobilisés, ce week-end, dans la Meuse, sur le site du projet d’enfouissement de déchets radioactifs.
Dimanche, 11 h 15, face à la mairie de Mandres-en-Barrois, petit village de 130 habitants, voisin de celui de Bure et situé dans la Meuse. Plusieurs dizaines de personnes dansent devant une enceinte crachant Eye of the Tiger. Le visage dissimulé derrière des masques d’animaux découpés dans des assiettes en carton, les manifestants s’égosillent au rythme de la musique : «Andra, dégage, résistance et sabotage !» Andra ? C’est l’Agence nationale pour la gestion des déchets nucléaires, chargée, dans le département du projet dit «Cigéo» (centre industriel de stockage géologique), et rebaptisé «poubelle nucléaire» par ses opposants. L’idée : enterrer à 500 mètres sous terre les déchets les plus radioactifs et ceux ayant la durée de vie la plus longue du parc nucléaire français.
Un projet en gestation depuis deux décennies, mais contre lequel la lutte des «antis» a trouvé, il y a quelques mois, un nouveau souffle. Galvanisés au printemps par les premiers coups de pelleteuse dans le bois Lejuc, entre Bure et Mandres, ils ont été confortés début août par la décision du tribunal de grande instance de Bar-le-Duc (Meuse), qui a suspendu les travaux, jugeant nécessaire une autorisation préfectorale. Pour ce week-end du 15 août, le collectif «Sauvons la forêt», qui rassemble divers groupes et associations, a donc lancé un appel à la mobilisation, afin de «continuer à mettre un coup de pression», explique Nicolas (1), casquette Gavroche sur la tête, peu avant le début du rassemblement.
A la place de cette forêt, ancien bois communal acheté par l’Andra, devrait se trouver une partie de l’infrastructure destinée à l’aération des souterrains (voir page 3). Dimanche après-midi, c’est sur ce site que la manifestation, partie de Mandres, emmène les protestataires, groupés derrière un tracteur qui ouvre la voie. Après une heure de marche en plein soleil, le cortège de 300 à 400 personnes découvre le bois, et surtout le mur de béton de deux mètres de haut - jugé illégal par la justice - qui l’entoure partiellement. «La symbolique du mur, c’est écœurant», tempête Sylvain (1), l’un des porte-parole du mouvement.
Gendarmes absents
En chantier depuis juillet, l’enceinte fait partie du dispositif mis en place pour protéger le lieu, avec, normalement, la présence 24 heures sur 24 de gendarmes mobiles et de vigiles. Sauf que la veille, le collectif a été «pris de court» par le départ de ces derniers, laissant grand ouvert le portail en ferraille vert à l’entrée de la forêt. «On sait pas ce qui se passe», avoue Sylvain. Après l’évacuation, au début de l’été, de dizaines d’opposants qui occupaient le bois, le collectif n’avait plus pu y pénétrer. Et s’attendait donc, ce week-end, à un face à face pacifique en lisière de forêt. Jamais ils n’avaient envisagé pouvoir y pénétrer.
Un peu dépassés par le changement de programme, les membres du collectif n’ont pu empêcher, samedi, quelques dégradations - tags, sanitaires mobiles renversés, cabane de travaux incendiée. Au grand dam de Sylvain : «Si on décide de faire quelque chose, il faut que ce soit un acte politiquement fort, pas comme ça.» C’est finalement la destruction du mur qui est décidée, et entamée dimanche. Au même moment, «l’équipe bleue» - comprendre, les forces de l’ordre - se contente d’observer depuis leur hélicoptère.
Pendant que certains entreprennent de casser le mur, Cécile, un peu à l’écart, regrette qu’à Bure, «comme dans tous les projets toxiques, on donne des échéances lointaines pour empêcher les citoyens, plus sensibles aux actions immédiates, de s’en emparer». La mise en service de Cigéo est en effet prévue pour 2025 et officiellement les gros travaux ne démarrent pas avant quelques années. Quant à l’acheminement des déchets par voie ferroviaire, il devrait durer plus d’un siècle. «Une ampleur démentielle», souligne Laura, du collectif «Sortir du nucléaire». D’autant que pour Cécile, quadra originaire de Nice et ingénieure en géologie, «les certitudes n’existent pas dans le domaine des sciences de la terre. Cacher ces déchets contribue à nous faire nous sentir moins coupable, c’est tout…» Pour Charlotte, elle aussi du réseau «Sortir du nucléaire», «on a l’impression que le nucléaire n’est qu’un objet de bisbille entre les écolos et le PS. On oublie que ça concerne tout le monde. Et ce n’est pas parce qu’on n’a pas d’alternative immédiate qu’il faut s’empêcher d’être contre Cigéo».
Parmi les inquiétudes des opposants : la potentielle dangerosité des émanations de gaz qui remonteront en surface, la contamination des nappes phréatiques ou encore l’évolution des déchets auxquels, dans un peu plus d’un siècle, plus personne n’aura accès. Une non-réversibilité qui inquiète David Corman, secrétaire national d’Europe Ecologie-les Verts, présent à Mandres dimanche pour l’«un des premiers rassemblements après la décision prise de façon très cavalière par l’Assemblée nationale d’autoriser Cigéo».
Projet effrayant
La proposition de loi a été adoptée début juillet, au lendemain de la finale de l’Euro de foot, en présence d’une vingtaine de députés seulement. Deux mois plus tôt, le Sénat avait donné son feu vert à un projet dont le coût estimé oscille entre 25 et 40 milliards d’euros.
Samedi, dans le bois où s’étaient réunis quelques dizaines de militants, Florence Lamaze, secrétaire régionale d’EE-LV, s’élevait, elle, contre «le sacrifice d’une région complète» par ce «projet effrayant». Car personne n’est dupe. Si l’Andra a finalement choisi de s’implanter dans la Meuse - après avoir envisagé d’autres possibilités -, c’est parce que la résistance y a été moins forte qu’ailleurs. Et pour cause : «Ici, on est dans un trou», reconnaît Claude, venu en voisin de Saint-Dizier (Haute-Marne).
A Bure ou Mandres, la densité de la population ne dépasse pas, en effet, sept habitants au kilomètre carré. Dès lors, le noyau dur de la contestation vient d’ailleurs. Plusieurs dizaines d’opposants vivent ainsi de façon plus ou moins permanente à la «Maison de la résistance à la poubelle nucléaire de Bure», ou ont planté leur tente sur le site de l’ancienne gare de Luméville, un village voisin. Certains sont passés par Nuit Debout, d’autres par Notre-Dame-des-Landes ou Sivens. Pour autant, ici, l’appellation «ZAD» - zone à défendre - ne fait pas l’unanimité. «Pour la bonne raison qu’il n’y a pas un endroit unique à défendre, mais tout un territoire», selon Nicolas. Et de pester contre certains élus du coin, «achetés». Même si, d’après lui, certains commencent à changer d’avis.
http://www.liberation.fr/france/2016/08/14/nucleaire-vent-debout-contre-la-poubelle-de-bure_1472400