SITE MINIER DE ST-PIERRE DANS LE CANTAL

Publié le par Résistance verte

SITE MINIER DE ST-PIERRE DANS LE CANTAL

COMMUNIQUÉ DE PRESSE CRIIRAD
(15 juin 2016)

Le site de stockage de déchets radioactifs de Saint-Pierre transformé en parc d’attraction d’un nouveau type ?

Les sites de stockage de résidus d’extraction de l’uranium ne sont pas adaptés au développement d’activités récréatives : leur accès doit être interdit au public !
Devant la violation répétée des prescriptions réglementaires et l’inertie de l’autorité préfectorale, la CRIIRAD saisit la Ministre de l’Environnement, demande la clôture du site, la démolition des ouvrages illégaux et la sanction des infractions.

Entre 1958 et 1985, le site de Saint-Pierre a abrité des activités d’extraction et de traitement du minerai d’uranium1. Les opérations de lixiviation ont généré près de 600 000 tonnes de résidus d’extraction2. Il s’agit de déchets radioactifs, caractérisés par des activités massiques supérieures à 100 000 Bq/kg, par des durées de vie extrêmement longues et par la présence de radionucléides de très forte radiotoxicité. Ils relèvent de la catégorie FA-VL et devraient à ce titre, étant donné leur niveau de dangerosité, être conditionnés dans des conteneurs étanches placés dans des alvéoles spécialement aménagées et construites dans un site choisi pour ses caractéristiques géologiques favorables.

Rien de tout cela à Saint-Pierre : les résidus radioactifs ont été déversés en vrac dans les diverses excavations et bassins de décantation du site, sans aucun dispositif d’étanchéité. De plus, à la fermeture du site, en 1986, plusieurs parcelles, dont certaines abritaient les résidus radioactifs, ont été rétrocédées à la mairie. C’est ainsi qu’un camping, un lotissement, un terrain de football, un stand de tir, ont été construits à l’intérieur du périmètre initial du site d’extraction (des matchs de foot au-dessus de quelques 200 000 t de résidus radioactifs !).
Suite aux actions lancées par les associations locales3, aux constats de contamination dressés par le laboratoire de la CRIIRAD et à la diffusion, début 2009, du documentaire « Uranium : le scandale de la France contaminée », des avancées avaient été obtenues : décontamination (partielle) du lotissement, décision de clôture du site, mise en place de servitudes d’utilité publique destinées à préserver l’intégrité de la couche de terre (parfois très fine) qui recouvre les déchets.

OÙ EN EST-ON AUJOURD’HUI ?

1. Le périmètre du site n’est toujours pas clôturé ! Le grillage qui a été mis en place n’isole que 10% des déchets radioactifs, le public accède librement aux autres zones de stockage. AREVA n’a pas honoré ses engagements et le Préfet n’a pas effectué les vérifications prévues par la circulaire ministérielle du 22/07/2009. Le défaut de clôture du site constitue pourtant une violation caractérisée de l’article 10 de l’arrêté du 26 juin 2015 qui prescrit que « l’installation ou l’établissement est clôturé sur tout son périmètre par un grillage ou dispositif équivalent d’une hauteur minimale de 2 m », l’accès devant être « interdit à toute personne non autorisée ».

2. Les arrêtés préfectoraux de 1986 et 2012 définissent des servitudes interdisant toute atteinte aux couches de recouvrement des déchets radioactifs : pas d’excavation, pas de fondation, pas de construction, même légère, pas de plantation. Ces interdictions restent lettre morte et les infractions se poursuivent en toute impunité : construction, encore récemment, dans une zone à déchets radioactifs, d’une fontaine ainsi que d’une stèle commémorant l’ancienne église du village sans compter la plantation d’un arbre de plusieurs mètres. On ignore où sont passées les matières excavées.
Aucune réaction d’AREVA, pourtant propriétaire du site, ni de l’autorité préfectorale, pourtant sig nataire des arrêtés d’interdiction, ni des services du ministère de l’Environnement auxquels le président de l’ association « Nos enfants et leur sécurité » a adressé copie du constat d’huissier.
Au final, non seulement le site n’est pas fermé mais tout est fait pour y attirer les habitants et les touristes et les y maintenir le plus longtemps possible. Où est le respect du principe fondamental de radioprotection qui oblige à diminuer autant que possible les niveaux d’exposition et le nombre de personnes exposées ?

3. Le contrôle de l’installation est toujours régi par l’arrêté du 2 juin 1986, alors qu’il n’a plus de base légale et que la limite de dose – excessivement élevée – qu’il définit est abrogée en France depuis plus de 15 ans !

La CRIIRAD vient d’adresser à Mme Ségolène Royal, Ministre de l’Environnement, en charge des installations classées, un RECOURS HIÉRARCHIQUE lui demandant d’intervenir afin que le Préfet du Cantal impose à AREVA, tout comme au Maire de Saint-Pierre, le respect de la lettre et de l’esprit des lois et règlements en vigueur. La sanction des contrevenants et la déconstruction des aménagements illégaux enverraient un message clair et mettraient fin à la politique du fait accompli.

CONSERVER LA MÉMOIRE DU SITE ?

La durée de dangerosité du stockage radioactif de Saint Pierre est pilotée par des radionucléides de très longues périodes radioactives : 75 000 ans pour le thorium 230 ; 4,5 milliards d’années pour l’uranium 238. Comment espérer conserver la mémoire du site et des risques qu’il génère quand on laisse se développer, dès aujourd’hui, des activités récréatives à quelques dizaines de centimètres au-dessus des déchets radioactifs non confinés qui libèrent du gaz radioactif ?

Soulignons par ailleurs qu’il a fallu l’acharnement de l’association « Nos enfants et leur sécurité » pour prouver et faire reconnaître que l’exploitation minière s’était étendue bien au-delà des limites du site, dans la parcelle dite « Gérémy » et que des résidus radioactifs y avaient même été déversés. Et la cessation d’activité date d’à peine 30 ans !

PRÉSERVER LES DROITS DES GÉNÉRATIONS FUTURES ?

Ceux qui s’intéressent à la gestion des sites contaminés savent que l’on prend de plus en plus de libertés avec l’obligation de remise en état des sites en fin d’exploitation. Il s’agit désormais d’évaluer simplement si la contamination résiduelle est « compatible » avec l’utilisation à court terme du site. Si le terrain reste en friche, inutile de décontaminer ; si le projet est de type industriel, la décontamination sera moins poussée que si le site doit abriter une école.

Et la logique s’inverse fréquemment : plutôt que d’adapter la décontamination à la réutilisation du site, on instaure des servitudes d’utilité publique qui interdisent tel ou tel type de projet (pas d’habitation, pas de culture, pas de potager, etc.). C’est ainsi que le patrimoine transmis aux générations futures est de plus en plus grevé de restrictions (et pas seulement en matière de radioactivité).

À Saint-Pierre, un pas de plus est franchi : des pertes de mémoire caractérisées, des incompatibilités manifestes entre déchets, contaminations et usages (une barque permet même de pêcher au cœur de l’installation de stockage !) et des servitudes qui ne sont que des alibis, des interdits que personne ne se soucie de faire respecter.

RENDEZ-VOUS DANS UN AN POUR UNE CHASSE AUX TRÉSORS RADIOACTIFS ?

Si aucune décision n’est prise d’ici la fin de l’année, la CRIIRAD pourrait joindre ses efforts à ceux de la municipalité et aider au développement touristique du site : après le camping, le stand de tir, le mur d’escalade, le projet de golf… pourquoi pas des animations ludiques et pédagogiques : qui trouvera le niveau d’irradiation le plus élevé, l’écoulement d’eau le plus contaminé ? Qui pêchera le gardon le plus radioactif ? Des représentants d’associations et de médias étrangers pourraient être conviés afin de constater, radiamètres à l’appui, ce qui se cache derrière la devanture attrayante d’une gestion rigoureuse des déchets radioactifs.

Cette action médiatique pourrait être organisée à l’occasion de la prochaine réunion générale du Collectif Mines d’Uranium (celle de mai 2016 s’est tenue à Guérande et a permis d’alerter sur la présence de matières radioactives très irradiantes dans le domaine public4). Le site de Saint-Pierre est en effet emblématique : si les enfants peuvent aller s’allonger et jouer au-dessus des résidus radioactifs, à quoi bon œuvrer pour le recensement et l’enlèvement des stériles uranifères ?


1 Outre les sables uranifères de Saint-Pierre, l’usine a traité du minerai uranifère provenant de la Creuse, de la Corrèze et de l’Aveyron.

2 Sans compter plus de 2 millions de tonnes de stériles et du minerai pauvre non traité.

3 Les associations « Nos enfants et leur sécurité » et « Pour notre qualité de vie ».

4 Visionner le reportage de France 3 Pays de Loire (http://france3-regions.francetvinfo.fr/pays-de-la-loire/loire-atlantique/guerande-de-la-radioactivite-sur-le-bord-d-un-chemin-de-promenade-998849.html) ; le reportage de l’association locale (https://www.youtube.com/watch?v=bzodYG4tKaE) ; Lire les articles d’Ouest France (http://www.criirad.org/actualites/uraniumfrance/paysdeloire/ouestfrance17mai2016.pdf) et de Presse Océan (http://www.criirad.org/actualites/uraniumfrance/paysdeloire/presse-ocean17mai2016.pdf).


Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la radioactivité
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